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Chapitre 2 – Du traumatisme au recours à l’acte

C. Processus psychique à l’œuvre à l’adolescence

I. La dépendance

La question posée par l’adolescence est celle du traitement du conflit de la séparation, confrontant l’adolescent au travail de renoncement aux objets premiers et à l’idéalisation, dans une reviviscence de la phase de séparation-individuation (Blos, 1962). Par séparation, on peut entendre « prise de distance, en bonne partie active, visant ou entrainant pour le sujet un

nouveau processus d’existence plus ou moins soustrait à l’étayage et aux régulations, perceptives ou autres, assurées par l’environnement humain antérieur » (Gutton, 1999,

p.100). Se séparer viendrait alors en devancement de la perte, essentiellement subie et contrainte, une disparition matérielle et définitive de l’objet externe. La séparation n’est pas rupture, elle est mouvement fait de présence et d’absence, d’expériences répétées de séparation suivies de retour, de retrouvailles (Guillaumin, 1995). La séparation remet en jeu les assises narcissiques en révélant leurs fragilités et peut être vécue dans un irréversible. Pour d’autres, le détachement sur le plan libidinal des images parentales se rapproche du processus de deuil et permet, lorsqu’il est mené à bien avec succès, à l’individu de progresser sur le plan émotionnel vers l’état adulte (Moses, 1999). L’objet aimé n’existe plus, l’adolescent se trouve confronter au travail d’acceptation d’un fait du monde extérieur (la perte de l’objet investi) et d’aménagement des changements correspondants dans le monde interne (retrait de la libido de l’objet perdu) (ib.). De la dépendance individuelle, le sujet accède à une dépendance relative, pour s’acheminer vers une indépendance (Winnicott, 1968). La dépendance à l’objet se rejoue sur la scène adolescente, plaçant l’adolescent dans une position entre-deux, « pour être soi, il

faut se nourrir des autres et en même temps s’en différencier » (Jeammet, 2006, p.22). « Le sujet se constitue à partir de l’objet et simultanément avec lui » (Kestemberg, 1999).

L’adolescent oscille alors entre l’angoisse d’abandon et l’angoisse de ne pas être vu, il tente de garder la maîtrise du lien et du contrôle de la distance aux objets. « D’un côté, l’adolescent

au monde. De l’autre, il manifeste un besoin d’emprise sur un objet, sur l’autre, ou sur lui- même » (Braconnier, 2003, p.24). Du fait des modifications pubertaires, tout le système

relationnel de l’adolescent se trouve bouleversé. L’accès à une sexualité confronte à la dépendance affective, révélant le lien particulier entre l’insécurité affective et les angoisses de séparations précoces. La qualité de l’attachement des premières expériences de vie se rejoue, entre fascination du lien à l’autre et crainte de la dépendance et de la séparation (Jeammet, 2005). Il est en proie au désir conscient de rejeter brutalement les images parentales pour s’affirmer, rejet qui s’inscrit dans une recherche angoissante de l’identité propre de l’adolescent (Kestemberg, 1999). Si le remaniement identitaire et des images parentales est particulièrement profond, « l’angoisse infiltre l’utilisation des fonctions autonomes du Moi

qui, surinvesties, perdent leur valeur structurante pour devenir à leur tour anxiogènes » (ib.,

p.61). La capacité d’éprouver les affects en lien avec le travail de deuil exige un environnement sûr, afin de ne pas faire « craindre à l’enfant œdipien que ses fantasmes de

perte de l’objet puissent effectivement se produire dans la réalité » (Moses, 1999, p.169). Si

les images parentales intériorisées sont suffisamment solides, ne risquant pas l’effondrement lors de leurs attaques, l’adolescent peut constituer des frontières psychiques stables, en faisant son deuil des tentations fusionnelles et œdipiennes (Chartier, 1991). L’adolescent ne pourra prendre en main son destin « que s’il n’y a pas trop eu de difficultés pendant cette phase (la

latence) et en particulier s’il aura pu se nourrir des apports nécessaires au développement des potentialités et de ses compétences » (Jeammet, 2006, p.21).

L’état amoureux pourrait se lire comme une défense contre la dépression de l’adolescence en déplaçant les investissements aux liens d’objets antérieurs, « fuite en avant libératrice ». Il « assurerait une sorte de passage protégé sous couvert narcissique, vers une individuation

différée », assurant une fonction de « protection transitoire » soit par « aveuglement », soit

par « addiction de l’amoureux à l’égard de l’objet » (Guillaumin, 1999).

« L’aveuglement semble constituer un habile mécanisme par lequel le déni, presque

total ou focalisé, de la réalité externe relative aux contraintes humaines et matérielles d’environnement tient lieu, en le retournant vers le dehors, de déni à l’égard des réalités intrapsychiques relatives aux structures conflictuelles de l’Œdipe (contraintes de la différence des sexes, croisées par les contraintes de la différence de générations et de la filiation). Par l’aveuglement amoureux, le sujet se donne le moyen de traiter en quelque sorte sans le savoir, par déplacement projectif, en agir sentimental, et souvent matériel, à travers des choix d’objets incongrus, imprévus, marginaux, choquant pour

le milieu, sa défiance et son défi à l’égard des interdits internes de l’enfance et de l’adolescence » (Guillaumin, 1999, p.101).

Le lien à l’objet amoureux peut aussi se jouer sur le même mode que celui de l’addiction, dans une sorte d’étayage du moi ou du soi, « où l’objet aimé amoureusement est un miroir à

la fois éclatant et trouble du sujet dans lequel brille comme « sien » tout ce qu’il n’est pas, en même temps que se perd dans l’autre tout ce qu’il est » (ib., p.103).

La dépendance est donc au cœur du processus adolescent, en lien avec le processus de séparation-individuation. De multiples issues sont possibles pour trouver une voie de résolution, dont l’état amoureux. Par sa violence narcissique, il permet le « décollage

adolescent » (Guillaumin, 1999), en ancrant l’adolescent dans le travail de choix d’objet.

II. La dépression

La dépression ou le fait dépressif à l’adolescence est au cœur du processus de subjectivation, comme expression d’un cheminement (Winnicott, 1963). Il s’agit d’un processus physiologique adaptatif, moment de vacillement dans l’équilibre du sujet face aux changements d’investissements d’objets antérieurs sous leur forme passée (Dayan, 2011). L’abandon ou la réduction d’investissements des objets externes et la perte de certaines modalités d’investissements des objets internes constituent le processus à l’origine du fait dépressif. Il permet à l’adolescent de réinvestir ces objets sous une forme qui ne donne pas le sentiment de pouvoir les détruire, délivrant donc de la culpabilité qui s’en suit. La perte des imagos de l’enfance et de soi enfant, la perte d’une partie de soi-même entraine une dépression exacerbée par l’idéal du Moi et des processus d’idéalisation, la « dépression à vif » (Kestemberg, 1999). Trois types de dépression sont spécifiques à l’adolescence : la menace dépressive et ses manifestations anxieuses (Braconnier), la dépression d’infériorité née de la confrontation aux exigences d’un Moi idéal mégalomaniaque, et la dépression d’abandon souvent évitée par le recours à l’acte (Jeanneau et Rufo, 1998). Gutton (2012) préfère la notion de dépressivité, la définissant comme « la disponibilité à ressentir l’affect dépressif,

nous dirions plus : le processus au cours duquel surgit cet affect, l’activité psychique au regard de l’objet absent considéré comme perdu » (p.231). La dépressivité est régulatrice du

développement individuel. « L’élaboration dépressive participe au processus de

suicidaire. Elle participe à l’intégration de motions pulsionnelles conflictuelles et rend possible l’établissement d’un Moi cohérent » (Dayan, 2011, p.744).

Même si la perte est nécessaire au processus adolescent, elle peut aggraver le fossé entre les fantasmes de ce que l’adolescent veut être et ce qu’il se voit être dans la réalité de son existence (Kestemberg, 1999). Dans certains cas, rejet du corps et tentative de se dépouiller de son propre corps peuvent manifester cette dépression. Gutton (2012) évoque également la

morosité, comme un état particulier distinct de la dépression associée à l’angoisse, l’inhibition

et la culpabilité. « L’affect morose signe de façon exemplaire l’effacement de l’éprouvé

pubertaire sapant la mise en scène pubertaire » (Gutton, 2012, p.246). Lié aux échecs des

premières relations archaïques, cet état se manifeste souvent par le recours à l’acte, pour sortir de l’ennui, et signe un « blocage des instincts, à leur refoulement et à un défaut de

ravitaillement affectif » (ib., p.239). Le recours à l’acte apparaît alors comme une défense

contre la dépression, en court-circuitant d’autres modalités de la perte. Il signe une élaboration défaillante de la séparation et évoque la carence de la fonction primaire des qualités relationnelles, de contenance et de pare-excitation, la mauvaise qualité des interrelations vécues durant l’enfance (Mazoyer, 2012). Le travail de deuil dépend de l’aptitude à tolérer la haine ressentie à l’égard d’une personne aimée et perdue. Pour lutter contre les forces en jeu, l’adolescent peut « mettre son monde interne à l’extérieur, jouer lui-

même le rôle destructeur ». « La mise en scène de ses fantasmes fait qu’il met en place un contrôle pour étouffer ses pulsions, tandis que l’autre solution, c’est-à-dire le contrôle interne, envahit nécessairement l’ensemble de la personnalité et aboutit à un état de fait que, cliniquement, on nomme dépression » (Winnicott, 1939, p.22). Il apparaît comme une

échappatoire à la morosité et à l’élaboration des pertes. Par le langage des actes, « il est

question de se perdre pour mieux se trouver, trouver qui on est et ce qu’on ressent vraiment, et ressortir de ce type d’expérience mieux identifié, comme révélé à soi. L’expérience agie relève alors d’une tentative de forçage élaboratif des conflits ignorés et redoutés par l’adolescent » (Houssier, 2012, p.368).

L’état dépressif à l’adolescence est parfois confondu avec la psychose blanche dont la différence majeure tient dans le vécu de vide, non dépressif mais « ce vide semble plutôt être

l’expression des pulsions destructrices attaquant le processus de liaison » (Green, 1973,

III. La honte et la culpabilité

Honte et culpabilité sont deux affects souvent abordés ensemble, la honte étant souvent définie comme précurseur de la culpabilité.

La honte fait surgir en nous ce qui devait rester caché. Elle survient lorsque l’intimité secrète est dévoilée publiquement, lorsqu’émergent des « contenus mentaux qui se trouvent exhibés

contre la volonté du sujet » (Tisseron, 1992). Elle constitue une atteinte de l’image de soi,

signant une défaillance, en confrontant au regard de l’autre. Le sujet a l’impression d’être passivement exposé à la vue de l’autre, notamment dans ses désirs inconscients, dans une expérience de passivation. Elle signale la perte d’emprise dans le rapport aux objets externes. Elle confronte dans le même temps le sujet à son propre regard porteur d’exigences idéales, convoquant les instances idéales. La honte signe une tension entre le Moi et l’idéal du Moi. « Elle témoigne de l’échec du moi au regard de son projet narcissique » (Raoult, 2014, p.16). Elle est relative à une défaillance du pare-excitations et de l’auto-contenance du sujet, consécutive à une expérience de décramponnement (Hermann, 1943). Elle met en jeu différentes caractéristiques (De Gaulejac, in Ciccone et Ferrant, 2009, p.12) : l’illégitimité, la défaillance parentale, la violence, le déchirement narcissique, le non-dit, l’inhibition.

La honte est fondamentalement sociale, confusion entre l’intime et le social. Elle traduit une interpénétration permanente entre processus psychiques et processus sociaux, provenant de la crainte d’être exclu du genre humain (Tisseron, 1992). « Le sentiment de vivre l’effraction

sous le regard de l’autre, d’être dénudé et de se retrouver alors exclu de la communauté envahi le sujet et le clive de lui-même » (Raoult, 2014, p.11). Elle vise à aménager

progressivement un espace d’intériorité ou d’intimité psychique accompagnant le processus d’autonomisation et de subjectivation. Parallèlement, elle développe une extériorité en aménageant une façade sociale, à l’interface de soi et des autres. « A la problématique du

développement du corps à laquelle répond l’impératif du travail pubertaire à effectuer, répondent ici la construction de l’espace d’intériorité et celle du personnage social »

(Labrune, in Raoult, 2014, p.71). La honte peut être déstructurante, par la désubjectivation qui en découle, provoquant repli, retrait, interruption du lien à l’autre et de la communication. Son surgissement peut conduire à des contre-investissements sous la forme de conduites transgressives, excessives ou provocatrices, par la mise en œuvre de la motricité.

La honte peut prendre différentes formes. La honte « signal d’alarme » (Ciccone et Ferrant, 2009, Raoult, 2014) avertit d’un danger narcissique en tant que système de protection avant- coureur. Elle convoque la mémoire affective des situations précoces de passivation en

préservant le Moi qui déclenche les systèmes de sauvegarde narcissique et objectale propres à rétablir l’équilibre. Elle sert à garder l’amour et ne pas perdre l’objet, et se manifeste par de l’inhibition ou de l’évitement. La honte « disruptive » (Raoult, 2014) sidère plus ou moins les défenses du Moi. De manière classique, la honte provoque un moment de bouleversement économique minimal. Ce bouleversement s’intègre au Moi et alimente les renforcements antérieurs opérés par la honte signal d’alarme. Dans le cas de la honte disruptive, la honte a un impact violemment traumatique, pouvant entrainer une perte progressive des repères identitaires et sociaux. Elle déstabilise l’édifice narcissique et provoque un effet traumatique par différents niveaux de désorganisation où les capacités de contenance du Moi sont dépassées, débordées. Enfin, la honte « ontologique » (ib.) témoigne d’une tentative de subjectivation du trou du trauma. Elle survient dans l’après-coup du trauma comme essai de symbolisation.

La honte connaît différents destins. Elle peut être traitée par enfouissement, échappant ainsi au refoulement du fait de son impact narcissique, le sujet creuse, cache, enterre (Ciccone et Ferrant, 2009). La honte noyaute alors la conscience, toujours prête à ressurgir et impliquant des conduites d’évitement et de contournement. Elle peut être traitée par retournement- exhibition qui transforme alors la honte en son contraire. Le trait honteux est revendiqué, dévoilé non dans la passivité mais dans l’activité et la démonstration. Il convoque le regard de l’autre et une reconnaissance sociale. Cette exposition du trait honteux renvoie une dimension narcissique triomphante. Enfin, la honte peut être traitée par projection. Elle n’est ni éprouvée, ni assumée par le sujet. Elle se trouve alors scindée en deux parties contraires : une triomphe par retournement-exhibition, l’autre est délocalisée et maintenue sur un autre, par projection sur des « portes-honte » (ib.).

A l’adolescence, la honte est convoquée dans la confrontation imposée et obligée de l’adolescent à ce nouveau corps qui lui échappe et qu’il ne maîtrise pas, s’approchant d’une honte existentielle, honte de soi, honte d’être, honte de son rôle social... La peur d’être ridicule est plus redoutée que celle de ne pas savoir. « On pourrait dire que « tout fait honte »

ou presque à l’adolescence : le corporel, le sexuel, le développement pubertaire, le désir et ses manifestations, la rencontre avec l’autre, les ressentis corporels, émotionnels, érotiques, le regard des autres, les nouvelles expériences, la présentation de soi aux autres, et les changements dans cette présentation, la relation aux parents, les parents eux-mêmes (dans ce qu’ils sont et dans ce qu’ils représentent), etc., et les remaniements entrainés, imposés, notamment dans la dynamique et l’économie familiale » (Labrune, in Raoult, p.63).

La culpabilité est l’état de celui qui a commis une faute. Elle renvoie à la règle ou à la loi transgressée, amenant une tiercéisation autour de la symbolique de la Loi. Elle exprime une tension entre le Moi et le Surmoi à partir de la transgression effective ou fantasmée d’un interdit. Elle est éprouvée devant le Surmoi accusateur et résulte des attaques du sujet contre ses objets d’amour qu’il redoute d’avoir fantasmatiquement détruits. La culpabilité est liée à la perte traumatique de l’objet, réclame réparation ou punition et est traitée par le refoulement. La culpabilité garantit le lien, elle préserve le Moi et l’objet en soutenant la subjectivation. Elle est négociation avec les autres et avec soi-même, constituant un signal émotionnel intégrateur et structurant (Tisseron, 1992). « Le sentiment de culpabilité est l’angoisse liée au

concept d’ambivalence et il implique un certain degré d’intégration dans le moi individuel qui permet le maintien d’une bonne représentation de l’objet en même temps que l’idée de sa destruction » (Winnicott, 1962, p.40). La culpabilité provient de l’expérience de menacer un

bon objet et de créer un mauvais objet, en étant très en lien avec la réparation. « Celui qui se

sent coupable est en effet assuré de pouvoir faire réparation, de purger sa faute, puis d’être réintégré dans la communauté » (Labrune, in Raoult, 2014, p.59).

Plusieurs formes de culpabilité sont également relevées. La culpabilité « signal d’alarme » « indique au Moi une situation de danger, interne ou externe, une menace qui rappelle une

conflictualité antérieure qui a été génératrice d’un sentiment pleinement éprouvé de culpabilité » (Ciccone et Ferrant, 2009, p.73). Elle permet au Moi de se protéger, de se

préparer, d’agir et d’éviter un débordement affectif. La culpabilité éprouvée correspond à la culpabilité actuelle, liée à des situations traumatiques. Tout comme le porte-honte, le sujet ne pouvant éprouver la culpabilité la dénie et la projette sur un autre qui devient porte-affect, porte-culpabilité.

Les violences sexuelles subies à l’adolescence, période où « l’importance de la haine, de

l’angoisse et de la culpabilité (…) sont devenues tellement violentes » (Klein, 1937, p.136),

mettent en jeu honte et culpabilité. Elles surviennent souvent dans l’après-coup de l’agression et peuvent prendre différents rôles : à l’origine du traumatisme, comme effets ou comme modes de traitement du traumatisme (Ciccone et Ferrant, 2009).

La culpabilité a pour fonction d’atténuer l’impact traumatique, en intégrant l’expérience et en la subjectivant. Elle soutient l’appropriation de l’expérience. Par le sentiment de culpabilité, l’événement est justifié. Les fantasmes de culpabilité (Ciccone, 1999) permettent un travail psychique de reconstruction de la scène traumatique, par des scénarios reconstruits dans lesquels le sujet se désigne comme coupable du traumatisme qu’il subit. Ces fantasmes ont

une double fonction, atténuer l’impact traumatique du traumatisme et rendre possible un mouvement d’appropriation. La culpabilité peut être une façon de remanier le traumatisme, après-coup, plaçant la victime dans une position active, lui permettant d’échapper à la passivité potentiellement traumatique de la situation subie (Barrois, 1998). Le sentiment de culpabilité sort la victime du sentiment d’impuissance, en redonnant du sens à l’événement marqué par le chaos interne et la perte de repères (Smith, in Coutanceau, 2010). Par l’auto- culpabilisation, le sujet retrouve un contrôle face à ce qui fût, précisément, incontrôlable. Se donner un rôle dans l’avènement de l’épisode traumatique, c’est injecter une forme de pouvoir dans une réalité ayant ôté au sujet toute marge de liberté. Dans la violence sexuelle, la transgression d’un tabou, par l’expérience de ce qui est innommable et le fait d’être revenu de ce monde sans mots, peut également être à l’origine du sentiment de culpabilité. D’autant qu’à l’adolescence, la curiosité sexuelle pouvant être présente lors de ces violences, elle suscite encore plus de confusion chez la victime quant à la place de son propre désir. Enfin, un sentiment de culpabilité préexistant aux violences peut exacerber l’actuel, renvoyant la notion de faute commise précédemment, l’agression venant comme sanction de cette faute. La culpabilité entraine souvent un retournement de l’agressivité contre soi.

L’apparition de la honte dans l’après-coup est un détour nécessaire de l’accès au trauma, se révélant dans le regard social sur les faits. Elle témoigne d’une tentative de le métaboliser en restant sujet. « Si la honte est déstructurante et fragmente l’unité du moi, elle a conjointement

un effet de contenance et de protection narcissique. Elle maintient aussi le lien social avec l’autre. Le sujet peut s’éprouver ainsi comme tel dans un contexte déshumanisant et déstructurant. Travail des fantasmes de culpabilité et travail de la honte sont des tentatives de symbolisation du traumatisme » (Raoult, 2014, p.187).

L’adolescence est un véritable moment d’éprouvés, parfois crus, souvent brutaux, qui confrontent l’adolescent à des affects massifs en lien avec l’actuel et avec l’antérieur. Comme évoqué précédemment, le recours à la motricité peut représenter une issue pour l’adolescent. Deux principaux actes sont étudiés dans la littérature : l’acte commis par un transgresseur à