Chapitre 1 : Contexte scientifique
1.2. La microphysique nuageuse
1.2.3 Processus microphysiques en phases mixte et froide
Dans la partie froide du nuage, les cristaux de glace (ou glace primaire) sont produits par
nucléation homogène ou par nucléation hétérogène (en présence de noyaux glaçogènes). Ils peuvent
adopter plusieurs formes selon les conditions de température et de sursaturation : en colonne, en
plaquette, en dendrite, en aiguille, ou de forme irrégulière. On considère que leur dimension est comprise
entre 1 µm et 1.5 mm.
Plusieurs mécanismes de formation des cristaux de glace existent. La figure 22 schématise les
divers mécanismes de formation primaire en fonction des conditions en température et sursaturation par
rapport à l’eau liquide et la glace.
Figure 21. Représentation schématique de l’évolution temporelle des processus de condensation (courbe bleue) et de coalescence (courbe rouge) en fonction du rayon des gouttelettes. Tiré de Wallace et Hobbs (2006)
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La nucléation homogène se produit en l’absence d’IFN (Ice Freezing Nuclei) : c’est la
congélation d’une gouttelette d’eau surfondue ou d’une solution aqueuse qui nécessite une température
très froide (inférieure à -38 °C selon Pruppacher et Klett, 1997). La température de congélation dépend
de la taille et de la composition de la gouttelette nuageuse : plus celle-ci est grande et/ou contient du
matériel dissous, plus la température requise est froide. La zone de la figure 19 située entre la ligne en
trait plein et la ligne en trait pointillé représente la formation des cirrus où les températures très froides
permettent la nucléation homogène, qui est généralement le mécanisme prédominant (Spichtinger et
Krämer, 2012). La congélation d’une solution aqueuse se produit lors de la formation des cirrus en haute
troposphère alors que la congélation d’une goutte d’eau surfondue se fait préférentiellement dans une
couverture cirriforme formée par de la convection profonde. Toutefois, ces situations ne sont pas
universelles et il existe également des cas de cirrus où la nucléation hétérogène prend le pas sur la
nucléation homogène car il y a présence d’IFN (Cziczo et al., 2013).
La nucléation hétérogène nécessite l’intervention d’un IFN. Ce mécanisme se produit à des
températures relativement plus chaudes que celles de la nucléation homogène, ce pourquoi elle est
prédominante dans les nuages de phase mixte. La présence d’IFN abaisse le niveau d’énergie nécessaire
à la formation d’un germe de glace. Quatre mécanismes sont décrits dans la littérature (Pruppacher et
Klett, 1997).
1. Dans le cas d’une sursaturation par rapport à la glace et d’une température négative, la vapeur
d’eau peut se condenser à la surface d’un IFN insoluble tel qu’une poussière désertique (Cziczo
et al., 2013) : c’est la nucléation par déposition de vapeur. Il n’y a pas de seuil de sursaturation
et de température clairement définis ; ceux-ci varient selon les études.
Figure 22. Diagramme schématique (a) des processus de nucléation de la glace en fonction de la température et de la sursaturation par rapport à la glace Si (la sursaturation par rapport à l’eau liquide est indiquée par un trait plein). La ligne en pointillés tracée à partir de -35°C représente la nucléation homogène selon Koop et al. (2000). Tiré de Löhmann et Lüond (2012).
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2. La nucléation par immersion nécessite que l’IFN soit immergé dans une gouttelette nuageuse
dès la phase chaude puis transporté vers des températures plus froides. Pour ce type de
mécanisme, il faut que l’IFN soit enrobé, i.e. qu’il soit composé d’une fraction insoluble et
d’une fraction soluble. Il peut ainsi former des gouttelettes nuageuses et/ou initier leur
congélation selon les conditions en température et humidité.
3. La nucléation par condensation agit dans un environnement sursaturé par rapport à l’eau
liquide (Welti et al., 2009) et se distingue de celle par immersion pour plusieurs raisons : l’IFN
enrobé s’active à une température négative, son temps de résidence dans la gouttelette est donc
inférieur, et le volume d’eau liquide autour de l’IFN enrobé est plus faible.
4. La nucléation par contact correspond à la congélation d’une gouttelette d’eau surfondue par
collision avec un IFN (Durant et Shaw, 2005).
Il a toutefois été observé que les concentrations en cristaux de glace dans les nuages mixtes
pouvaient être bien supérieures aux concentrations en IFN. Des mécanismes de production secondaire
de la glace pourraient donc avoir un rôle primordial sur la génération de fortes concentrations en cristaux
de glace (Field et al., 2017). Il en existe quatre types (figure 23) :
(i)Multiplication par givrage. Il est communément appelé Hallet-Mossop (H-M ci-après) car
il a été découvert lors des travaux de Hallet et Mossop (1974). H-M est un processus de création de
petits cristaux de glace lors du givrage des gouttelettes nuageuses sur les hydrométéores froids. Il agit
dans une gamme de température très restreinte (entre -3 °C et -8 °C) pour des gouttelettes et du graupel
de taille supérieure à 25 µm et 0.5 mm respectivement (Lamb et Verlinde, 2011), ainsi que pour des
vitesses de collision comprises 0.2 et 5 m.s
-1(Field et al., 2017). Dans ces conditions, l’efficacité du
processus a été estimée à un cristal de glace formé pour 250 gouttelettes nuageuses (Mossop, 1985). A
l’heure actuelle, il est le seul processus de multiplication de cristaux de glace implémenté dans des
modèles atmosphériques 3D.
Figure 23. Représentation schématique des différents processus de multiplication des cristaux de glace : a) Hallett-Mossop, b) rupture collisionnelle, c) fragmentation par congélation, d) fragmentation par sublimation. Tiré de Field et al. (2017).