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Chapitre 4 : Impact de la production secondaire des cristaux de glace sur la

4.3. Effet de CIBU sur le développement du cyclone tropical Dumile

4.3.3 Impact sur la structure microphysique

Le processus CIBU étant un mécanisme de génération secondaire de la glace, il est important

d’analyser son impact sur les champs de glace primaire. Ainsi, dans cette partie, nous nous concentrons

sur la couverture cirriforme du cyclone tropical Dumile (figure 59). L’échéance de 45 h a été choisie

car, elle correspond à une période de fortes précipitations. La coupe horizontale de la concentration en

nombre de la glace primaire à 17 km d’altitude diffère selon les simulations. Dans le cœur du phénomène

où la concentration en nombre dépasse 0.2 cm

-3

, la simulation CIL semble produire moins de cristaux

de glace que REF et CIH. L’étalement horizontal des cirrus représenté par les valeurs infèrieures à 0.01

cm

-3

est plus réduit dans le cas de la simulation CIH. On observe des tendances similaires pour les

rapports de mélange des cristaux de glace. Alors que la simulation CIL ne produit quasiment pas de

rapport de mélange supèrieur à 0.10 g kg

-1

, elle génère néanmoins une structure plus étendue que les

simulations REF et CIH. La simulation CIH produit nettement plus de masse de glace primaire que REF

et CIL dans les zones convectives (r

i

> 0.12 g kg

-1

). Cet excès de masse de glace dans la simulation CIH

tend à favoriser la sédimentation et limite ainsi le transport horizontal des hydrométéores.

Figure 59. Coupes horizontales à 17 km d’altitude, le 02/01/13 à 21 UTC, (haut) des concentrations en nombre ni (m-3) et (bas) des rapports de mélange ri (g kg-1) des cristaux de glace pour les simulations REF, CIL et CIH.

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Ceci pourrait expliquer pourquoi la structure horizontale générée par CIH, à la fois en masse et

en concentration en nombre, est minimisée par rapport aux autres simulations. Il serait judicieux

d’étudier une représentation de la structure verticale afin d’éclaircir ce point. Si l’on se base sur les

divergences entre REF et CIH, l’effet de l’activation de CIBU est mieux visible sur la coupe horizontale

du rapport de mélange que celle de la concentration en nombre.

D’après les résultats précédents concernant les précipitations et la structure microphysique de

la phase foide, nous pouvons avancer que le processus impacte plus fortement le cœur du phénomène

C’est pourquoi nous choisissons pour la suite d’étudier la structure verticale du phénomène dans un

rayon de 120 km autour de l’œil. Les diagrammes CFAD (Contoured Frequency by Altitude Diagrams)

(Yuter et Houze, 1995) présentent ici un intérêt car ils permettent d’analyser quantitativement les

différences de profils verticaux des rapports de mélange des hydrométéores (figure 59). Nous comparons

la simulation REF et la simulation CIH qui présentent les divergences les plus significatives, à une

échéance de 45 h de simulation.

Comme le laissaient présager les figures 57 et 58, la phase chaude (gouttelettes nuageuses et

gouttes de pluie) semble également être impactée par le processus CIBU. Bien que la répartition verticale

reste inchangée, CIH produit plus de forts rapports de mélange de gouttelettes nuageuses (entre 1 et 2 g

kg

-1

) vers 2 km d’altitude. On observe également des rapports de mélange importants (jusqu’à 4 g kg

-1

)

des gouttes de pluie lorsque CIBU est activé, sur une colonne s’étendant entre 0 et 5 km d’altitude. Il

est possible que cet excès soit la conséquence directe de la modification de la phase froide liée à CIBU

précédemment observée (figure 59). Nous observons ici l’effet inverse, à savoir une augmentation des

précipitations. Toutefois, ces divergences ne sont dues qu’à une proportion faible (0.1 voire 0.01 % des

points).

De manière globale, la simulation CIH produit plus de masse de glace primaire que la simulation

REF sur la colonne troposphérique. Néanmoins, le niveau le plus représentatif de cet écart semble se

situer vers 6 km d’altitude (maxima de 1.7 g kg

-1

contre 0.7 g kg

-1

avec la simulation REF). La

distribution de la concentration en nombre des cristaux de glace est nettement stratifiée : on observe

deux niveaux préférentiels entre 8 et 11 km d’altitude, et entre 14 et 17 km d’altitude. Ces deux niveaux

ont un comportement contraire si l’on observe les maxima de valeurs. Dans des faibles proportions,

alors que l’activation de CIBU semble favoriser la génération de concentrations supèrieures à 1 cm

-3

en

haute troposphère, elle diminue ces mêmes concentrations entre moyenne troposphère. Cet effet est

inversé pour les faibles concentrations. La distribution des rapports de mélange de la neige et du graupel

est également affectée, bien que la répartition verticale de ces hydrométéores soit conservée. Nous

pouvons notamment remarquer que l’écart de proportion concernant la neige est marqué (entre 1 et 10

%) pour les faibles rapports de mélange (r

g

< 1 g kg

-1

), quelque soit l’altitude considérée. L’effet sur la

proportion est moins visible pour le graupel, toutefois CIBU semble agir sur les maxima entre 6 et 10

km d’altitude : on observe entre 0.1 et 0.5 % de valeurs comprises entre 4 et 7 g kg

-1

.

Le fait d’observer les divergences significatives vers 6 km d’altitude peut s’expliquer par la

présence conjointe de cristaux de glace, de neige, et de graupel, dans une zone où les processus

microphysiques mixtes sont les plus actifs. Il est ainsi logique que CIBU soit plus efficace dans cette

zone. Son impact s’étend à la haute troposphère (aux cirrus) via le transport vertical dans le mur de l’œil,

ce qui pourrait expliquer l’excès de concentration en glace primaire observé entre 14 et 17 km d’altitude

dans le cas de la simulation CIBU. Il reste des zones d’ombre dans l’analyse de ces CFAD. Il semble

que CIBU favorise la formation de la neige sur une hauteur significative (entre 5 et 16 km d’altitude),

ce qui n’est pas cohérent avec les résultats du travail sur STERAO qui montrent l’effet inverse. Il est

toutefois possible que le processus d’aggrégation de cristaux de glace par la neige défini comme un

processus majeur favorisé par CIBU, compense la perte de neige induite par les collisions. Par ailleurs,

l’effet direct de CIBU sur la concentration en nombre des cristaux de glace semble être complexe car

les faibles et fortes valeurs réagissent différemment au processus.

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Figure 60. CFAD des rapports de mélange (répartis par « bin ») pour les six espèces considérées : les gouttelettes nuageuses (0.2 g kg-1), les gouttes de pluie (0.5 g kg-1), les cristaux de glace (0.2 g kg-1), la neige (0.2 g kg-1), et le graupel (0.5 g kg-1). La concentration en nombre des cristaux de glace (bins de 0.2 cm-3) est représentée sur la dernière ligne. Les anomalies de fréquence (CIH – REF) sont représentées sur la colonne de droite. Ces points sont compris dans un rayon inférieur à 120 km par rapport à l’œil.

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Les diagrammes de Hövmoller présentent un intérêt pour comprendre l’évolution temporelle de

la structure microphysique froide en lien avec l’efficacité du processus CIBU (figure 61). Le paramètre

étudié est la moyenne azimuthale des rapports de mélange et des concentrations en nombre à un rayon

donné. Ce type de visualisation permet de comprendre et de comparer l’extension horizontale des

différentes structures, mais présente toutefois un biais dans le cas de systèmes dissymétriques. Nous

choisissons une altitude de 6 km car nous considérons que CIBU est plus actif à cette altitude (voir

figure 60).

Si l’on se base sur les concentrations en cristaux de glace, nous discernons nettement les phases

d’activité modifiant les précipitations observées sur la figure 60. La formation de la glace est ici

favorisée à partir de 42 h. La simulation CIH produit au cours de cette période des concentrations en

cristaux de glace supèrieures à celles de la simulation REF. Ceci a également des répercussions sur le

rapport de mélange de la glace primaire et, via la conversion glace/neige, sur le rapport de mélange de

la neige. En termes d’extension horizontale, il semble que le noyau de la structure microphysique froide

soit plus proche du centre de l’œil dans le cas de la simulation CIH : la zone de concentrations

supérieures à 0.02 cm

-3

est entre 80 et 100 km alors que celle de la simulation REF est située à plus de

110 km de rayon.

Les maxima de rapport de mélange de la neige sont co-localisés avec le pic d’activité de la

formation de la glace situé vers 42-45 h. Ces résultats sont cohérents avec les CFAD (figure 60), dans

le sens où CIH produit nettement plus de masse de neige que REF. Cette production de neige à 48h

semble être consécutive au noyau de glace primaire observé à 42 h de simulation. En complément de la

figure 60, ces diagrammes de Hövmoller permettent de comprendre la mise en place d’une structure

microphysique dense et des précipitations intenses associées dans le cœur du phénomène.

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Figure 61. Diagramme de Hövmoller représentant la moyenne azimutale de la concentration en cristaux de glace notée ni (contours colorés), du rapport de mélange des cristaux de glace (contours pleins tous les 1.4.10-2 g kg-1, à partir de 0.02 g kg-1), et de la neige (contours pointillés tous les 2.10-2 g kg-1 à partir de 0.3 et 0.4 g kg-1) à une altitude de 6 km pour les simulations (a) REF et (b) CIH.

(a)

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