4. Caractérisation physique et physico-chimique de nanoparticules de CdSe
4.1. Spectrométrie de masse MALDI-TOF
4.1.1. Présentation de la technique MALDI-TOFMS
4.1.1.2. Processus MALDI
La technique MALDI repose sur le principe de la désorption/ionisation laser (de
longueur d’onde généralement dans l’UV, de 180 à 450 nm). Ces photons (i) viennent frapper
sous forme condensée l’échantillon qui est un dépôt solidifié constitué de cristaux de matrice
qui entourent les molécules d’analyte (co-cristallisation) et (ii) entrainent la vaporisation et
l’ionisation de molécules présentes dans le dépôt notamment par des processus de protons. La
Fig. 4-1 présente le principe MALDI.
Fig. 4-1 : Principe général du processus d’ionisation assisté par matrice
(Matrix Assisted Laser Desorption Ionization [MALDI]).
La matrice permet de minimiser la dégradation de l'échantillon provoquée par
l'absorption de l'énergie du faisceau laser incident. L'énergie transmise par le laser est
absorbée par la matrice, et cet apport d’énergie provoque son expansion en phase gazeuse en
entraînant les molécules du composé d’intérêt. Ce phénomène ne mène à un processus
PORTE - ECHANTILLON
Faisceau
laser Molécule cible Cristal de matrice
Ejection de matière
Transfert de proton(s)
+
d’ionisation que sous certaines conditions d’irradiance du laser incident, définies en tant que
« fenêtre MALDI » comme décrit à la Fig. 4-2.
Fig. 4-2 : Illustration de la courbe d'ablation et de la "fenêtre MALDI"
en fonction de l'énergie du laser incident.
Si l’on se place dans cette gamme d’irradiance laser favorable à la fenêtre MALDI,
l'échantillon étudié sera ionisé majoritairement par transfert de protons, soit avant désorption
dans la phase solide, soit par collision après désorption avec la matrice excitée ou avec
d'autres molécules pour former des ions mono- ou plus rarement multichargés de type
[M+nH]
n+. Les ions monochargés [M+H]
+ou [M-H]
-sont majoritaires dans la plupart des
spectres MALDI. L’origine des protons a été étudiée : les protons labiles (des groupes
carboxyliques ou hydroxyliques) de la matrice, voire de l’échantillon lui-même, ainsi que les
protons non labiles de la matrice semblent être impliqués [184]. Le processus d’ionisation
peut se scinder en 4 étapes successives :
• focalisation du faisceau laser sur la cible (tir+ impact) ;
• désorption du mélange {analyte+matrice} : transfert de l’état condensé à l’état
gazeux ;
• expansion du nuage éjecté dans la source et ionisation des neutres ;
La « qualité » du transfert de ces protons conditionne l’effet MALDI. Si celui-ci
s’accompagne de la libération d’une importante quantité d’énergie (différence d’affinités
protoniques importante entre l’échantillon et la matrice), la fixation d’un proton sur une
molécule d’analyte va apporter suffisamment d’énergie pour que des fragments soient
observés. En revanche, si la différence des affinités protoniques entre échantillon et matrice
est trop faible, l’ionisation de l’analyte ne sera pas de bonne qualité. Ainsi, la différence
d’affinité protonique entre l’analyte et la matrice est un paramètre clé à considérer lors d’une
analyse MALDI. Il convient donc de choisir la matrice adaptée à l’échantillon que l’on
souhaite analyser, selon les critères suivants :
• une masse moléculaire faible afin que ses adduits et/ou ses fragmentations soient les
plus faibles possibles ;
• favoriser la séparation et une distribution homogène des molécules d’analyte afin de
réduire les interactions intermoléculaires entre elles ; en entourant les molécules de
l’échantillon, la matrice préserve celles-ci (i) d’une dégradation photochimique lors
des impulsions laser (tout en étant inerte chimiquement vis-à-vis du composé étudié)
et (ii) d’une dégradation thermique grâce à des interactions spécifiques (ex : liaisons
hydrogènes) ;
• une compatibilité entre le milieu de solvatation et celui de l’échantillon pour un bon
transfert d’énergie et pour une co-cristallisation homogène et complète ;
• une absorption préférentielle de la source laser d’ionisation constituant ainsi un centre
de transfert d’énergie entre le rayonnement laser et le composé analysé ; elle favorise
l’ionisation en induisant notamment des transferts de protons de la matrice vers
l’échantillon ;
• une faible enthalpie de sublimation avec, toutefois, une vitesse d’ablation relativement
importante, afin de créer un jet supersonique permettant la co-désorption des
molécules cibles.
À la vue de tous ces critères, il est évident qu’une matrice universelle n’est pas
envisageable et, à titre d’exemple, le Tableau 4-1 donne une liste de matrices les plus
utilisées. Ce tableau regroupe les abréviations, noms, structures, affinités protoniques et
applications potentielles de ces différentes matrices (liste non-exhaustive).
Tableau 4-1 : Principales matrices utilisées couramment en spectrométrie de masse MALDI [185,186]
Après avoir choisi une matrice spécifique pour un échantillon à analyser, il convient
de sélectionner le meilleur type de dépôt. En effet, chacun des modes de dépôt entraine une
cristallisation différente et, de fait, une réponse MALDI différente. Les trois modes de dépôts
les plus fréquemment employés peuvent être résumés comme suit :
• La goutte sèche (dried droplet) appelée encore dépôt en mélange intime est la
méthode la plus fréquemment employée. La matrice et l’échantillon sont mélangés le
plus souvent à volume équivalent. Cependant, la matrice et l’échantillon doivent être
préférentiellement solubles dans des solvants identiques afin d’éviter la migration de
l’échantillon lors du séchage, ce qui entraînerait l’hétérogénéité du dépôt.
• La couche mince (thin layer) se fait en deux étapes. La matrice et l’échantillon sont
déposés indépendamment au même endroit après cristallisation de la première couche.
Deux variantes sont exploitées : soit l’échantillon est recouvert de la matrice après
évaporation du solvant, soit l’échantillon est déposé sur la fine pellicule de matrice
cristallisée. Le recours à ce mode de dépôt se fait dans le cas où les milieux de
solvatation de la matrice et de l’échantillon ne sont pas miscibles.
Abréviation Nom(s) Structure Affinité protonique (Kcal.mol‐1) Longueur d’onde optimale Applications HABA Acide 2‐(4‐ hydroxyphenylazo)‐ benzoïque 183±2 337/355 Peptides, protéines, glycoprotéines, polymères synthétiques, glycolipides perméthylés FA Acide 4‐hydroxy‐3‐ méthoxycinnamique, ou acide férulique 183±2 337 Protéines, peptides α‐CHCA α‐cyano‐4‐ hydroxycinnamique 183±2 337 Peptides, protéines, lipides, oligonucléotides, PSD 2,5‐DHB Acide 2,5‐ dihydroxybenzoïque, ou acide gentisique 202,9 337 Peptides, protéines, lipides, glycoprotéines, oligosaccharides SA Acide 3,5‐diméthoxy‐4‐ hydroxycinnamique, ou acide sinapinique 204±4 337 Peptides, protéines, glycoprotéines NA Acide 3‐ pyridinecarboxylique, ou acide nicotinique 215±4 266 Oligonucléotides, glycopeptides
Dithranol 1,8,9-anthracènetriol 211,5±1 337 Oligonucléotides,
protéines, Polymères apolaires