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Chaque étape du processus d’entrée fournit des informations sur le tropisme et la pathogénicité du virus et chaque étape est une réelle ou potentielle cible pour les agents antirétroviraux. La rapide propagation de la maladie, le prix élevé et les nombreux effets secondaires des traitements ainsi que l’émergence de souches résistantes nécessite le développement de nouvelles stratégies d’intervention. L’entrée du virus constitue une cible très intéressante car elle implique l’exposition de sites hautement conservés de la protéine env et dépend des récepteurs membranaires qui peuvent être les cibles de petites molécules inhibitrices. Ainsi, une meilleure connaissance des processus d’entrée du VIH peut aider à élucider les mécanismes qui régissent le tropisme et la pathogénicité du virus. Nous allons dans cette partie détailler certains points influençant le processus d’entrée du virus dans les cellules cibles. De plus, notre étude sera ciblée sur le co-récepteur CCR5 responsable de la primo-infection.

II-1 Les mécanismes d’infection par le VIH

II-1-1 Mécanisme de fixation et d’infection

Le processus de fusion est initié par la fixation de la glycoprotéine d’enveloppe env sur le récepteur primaire CD4 (Dalgleish et al. 1984 ; Klatzmann et al. 1984; Sattentau and Weiss 1988). Cette liaison induit un changement conformationnel (Sattentau and Moore 1991) de la sous-unité gp120 permettant la liaison au co-récepteur (Lapham et al. 1996 ; Trkola et al. 1996 ; Wu et al. 1996). Ce changement de conformation conduit à l’exposition d’un domaine hautement conservé, situé au niveau des boucles V1/V2 et V3, impliqué dans la liaison avec le co-récepteur (Rizzuto et al. 1998). La liaison gp120/CCR5 conduit alors à des changements conformationnels drastiques de la sous-unité transmembranaire gp41 induisant l'exposition de la région N-terminale et conduisant à la fusion des membranes virales et cellulaires (Doms 2000 ; Gallo et al. 2003)).

L’insertion dans la membrane de la cellule cible de la partie hydrophobe de la gp41, semble être facilitée par la structure en coiled-coil de cette dernière (Weissenhorn et al. 1997). L'env devient ainsi transitoirement partie intégrante des membranes virales et cellulaires (Doms 2000). Les changements structuraux subis ensuite par la protéine gp41 mettraient en jeu un repliement de celle-ci sur elle-même (Chan and Kim 1998; Weissenhorn et al. 1997), formant un coiled-coil stable de six hélices dans lequel le peptide de fusion et le domaine transmembranaire sont orientés dans le même sens. Cette transition coïnciderait avec la fusion

des membranes virale et cellulaire (Melikyan et al. 2000), qu’elle faciliterait en réduisant la distance entre les membranes (Heuvingh et al. 2004).

II.1.2 L’infection par le VIH, un processus coopératif

Il est ainsi apparu que le processus de l’infection par le VIH est un processus multi- étapes. De nombreuses études se sont alors intéressées à l’organisation spatiale et temporelle des différents partenaires impliqués et ont montré que le processus de fusion était un processus coopératif (Doms 2000).

Basé sur les connaissances acquises pour d’autres virus comme le virus de l’influenza (Markovic et al. 2001), le Semliki Forest virus (Gibbons et al. 2004) ou les baculovirus (Plonsky and Zimmerberg 1996), l’influence de l’oligomérisation des spicules et de l’interaction de plusieurs glycoprotéines d’enveloppe ont été envisagées. Dans le cas du VIH, il a été proposé que chaque trimère d’env a le potentiel de se lier à plusieurs molécules co- réceptrices et réceptrices (Hoffman and Doms 1999; Layne et al. 1990) et qu’il faudrait au moins deux trimères d’enveloppe pour que l’infection puisse avoir lieu (Yang et al. 2006). Ainsi, les liaisons multiples entre l’env et CD4 stabiliseraient le complexe et prolongeraient sa durée de vie, augmentant ainsi la probabilité d’une rencontre avec un ou plusieurs co- récepteurs (Singer et al. 2001).

Des études se sont aussi intéressées à l’influence des variations de la densité des récepteurs du VIH à la membrane plasmique montrant qu’elle pouvait être un des paramètres

CD4 CCR5 gp120 gp41 CD4 CCR5 gp120 gp41

Figure 6 : Processus d’infection par le VIH. La liaison gp120/CD4 est la première étape du processus de fusion. Elle conduit à un changement conformationnel de gp120 permettant l’exposition du domaine hautement conservé de liaison à CCR5. La liaison gp120/CCR5 induit ensuite un changement drastique de conformation de gp41 et son insertion dans la membrane cellulaire cible. S’en suit, la fusion des membranes virales et cellulaires et le déversement du contenu viral dans le cytoplasme cellulaire. Adaptée de (Doms 2000)

conditionnant la susceptibilité d’une cible à l’infection par le VIH (Furuta et al. 2006; Kuhmann et al. 2000; Lin et al. 2002; Platt et al. 2005; Platt et al. 1998) mais aussi les fonctions naturelles des récepteurs (Desmetz et al. 2006). De plus, il a été proposé que la coopération de cinq CCR5 soit nécessaire pour que l’infection puisse avoir lieu (Kuhmann et al. 2000).

Très récemment une étude par tomographie a permis d’appréhender la structure 3D de la zone de contact entre le virus et la membrane de la cellule cible (Sougrat et al. 2007). Il est ainsi apparu qu’avant tout contact avec la cellule cible, les spicules composées de trimères d’env sont distribuées à la surface du virus de façon aléatoire et distantes l’une de l’autre d’environ 15 nm. Lors de l’infection, au niveau de la zone de contact entre le virus et la membrane, un réarrangement des spicules du virus est observé. En effet, un regroupement de cinq à sept spicules est observé avant l’interaction avec la membrane de la cellule cible. L’inhibition de ce phénomène par la présence d’anti-CD4 ou de TAK779, connus pour bloquer l’infection, montrent que cette réorganisation a un lien direct avec l’infection (Fig. 7, (Sougrat et al. 2007)).

Ainsi l’infection par le VIH serait conditionnée par l’organisation structurale des spicules et par le nombre et la densité surfacique des récepteurs au niveau de la membrane de la cellule cible. Pour d'autres virus comme le Simian Virus 40 et le Semliki Forest virus les

Figure 7 : Visualisation de la zone de contact entre le virus et la cellule. A : Image obtenue en tomographie électronique montrant le regroupement des spicules du virus lors du contact avec une cellule cible (échelle : 100 nm). B : Représentation 3D de la même région de contact montrant l’enveloppe virale (violet), les spicules (rouge), le cœur du virus (jaune) et la membrane cellulaire (bleu). Tirée de (Sougrat et al. 2007)

processus de fusion et d'entrée seraient déterminés par la concentration de leurs récepteurs dans des domaines définis de la membrane. De la même manière, il est concevable que le recrutement de CD4 et de CCR5 dans des domaines définis de la membrane plasmique des cellules cibles, augmenterait localement la densité surfacique de ces molécules, et ainsi contrôlerait l’efficacité de l’infection par le VIH.

Une approche biochimique par co-immunoprécipitation a permis pour la première fois d’appréhender une association naturelle des récepteurs CD4 et CCR5 à la surface des membranes cellulaires (Xiao et al. 1999). Cette association naturelle a pu être montrée plus récemment, sur cellule vivante par des expériences de FRET (Förster Resonance energy Transfert), approche statique non invasive, menées dans notre équipe (Gaibelet et al. 2006). Ces résultats obtenus en l’absence de toute stimulation (virale ou non), suggèrent une interaction constitutive des récepteurs CD4 et CCR5 à la surface de la membrane plasmique, renforçant l’hypothèse du regroupement de ces récepteurs dans des domaines définis. Il a, de plus, été montré que les propriétés pharmacologiques de CCR5 seul et associé à CD4 sont différentes. La présence de CD4 modulerait la liaison des ligands de CCR5, suggérant un rôle de cette association constitutive dans la réponse immunologique (Staudinger et al. 2003). Ainsi le virus tirerait profit de cette association constitutive pour augmenter son efficacité d’infection. De plus, l’association préférentielle de CD4 avec CCR5 plutôt qu’avec CXCR4 (Xiao et al. 1999) contribuerait à la propagation préférentielle des souches à tropisme R5 (Gaibelet et al. 2006).

L’organisation des récepteurs du VIH, à la surface de la membrane plasmique, semble avoir une influence sur les processus d’infection. La membrane plasmique est une structure très complexe tant dans sa composition que dans son organisation. Avant d’aller plus loin, et de s’intéresser à l’implication de la membrane plasmique dans l’infection ainsi qu’aux études dynamiques menées sur les récepteurs au VIH à la surface de cellules vivantes, il est nécessaire de décrire la membrane plasmique, son environnement, sa composition et ses fonctions.

II-2 La membrane plasmique

II-2-1 Découverte et Fonctions

En 1665 paraît Micrographia, un ouvrage dans lequel son auteur, Robert Hooke, y fait une des premières descriptions d’une cellule, observée à l’aide d’un des tous premiers microscopes. Ce n’est ensuite qu’en 1839 que Schwann propose la première théorie cellulaire

dans laquelle la membrane est considérée comme un sac contenant les organites cellulaires. Puis, la première moitié du 20ème siècle verra le développement de deux nouvelles techniques, l’ultracentrifugation différentielle et la microscopie électronique, qui ont permis de grandes avancées dans la description et la connaissance de la membrane plasmique et de la cellule en général (Fig. 8).

Depuis sa découverte, les connaissances sur le rôle de la membrane ont considérablement augmenté. Il est maintenant admis et démontré qu’elle n’est pas seulement une barrière maintenant l’intégrité cellulaire. En effet, elle joue un rôle important dans de nombreux évènements liés à la vie cellulaire tels que les transports de molécules, la synthèse des lipides et de certaines protéines. La membrane intervient, de plus, au niveau du couplage énergétique mais aussi dans les phénomènes de reconnaissance cellulaire, l’endocytose et la transmission de messages hormonaux. Les connaissances qui s'accumulent dans la littérature indiquent que les membranes forment des assemblages multimoléculaires, subtilement micro- compartimentés, allant de quelques molécules à des domaines de tailles nanométriques et/ou micrométriques (Engelman 2005; Marguet et al. 2006; Simons and Ikonen 1997). Ces domaines pourraient être le siège de fonctions biologiques à travers le recrutement de constituants membranaires protéiques et lipidiques (Simons and Toomre 2000).

Cholestérol