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Processus de dépliement des protéines et hydrolyse de l’ATP

Chapitre 1 : Introduction

5. Structure et mode d’action du protéasome archéen PAN -20S

5.2. Processus de dépliement des protéines et hydrolyse de l’ATP

5.2.1. Importance des boucles Ar-ϕ

Les boucles Ar-ϕ aussi appelées « pore-1 loop » et « pore-2 loop » contiennent un motif constitué

par une chaine latérale aromatique Ar (une Tyr) suivie par une chaine latérale hydrophobe ϕ. Ces

boucles jouent des rôles importants dans la reconnaissance du substrat, et leur fonction est cruciale

dans le processus de dépliement et de transfert des protéines substrats en interagissant avec des

régions hydrophobes des protéines dépliées288,289. Elles sont situées dans la région la plus étroite du

canal ATPase formé par le domaine AAA+, à proximité de l’anneau N formé par les domaines

OB290,291.

L’anneau N rigide exerce une force passive pour le dépliement de la protéine substrat en fournissant

un canal qui bloque le mouvement des protéines repliées à travers le canal pour que les boucles

Ar-ϕ appliquent une force mécanique sur la protéine262. Similairement à d’autres protéines AAA+, les

boucles Ar-ϕ de PAN assurent le dépliement des protéines en appliquant une force mécanique sur

les protéines substrats dans le canal ATPase par un mouvement ATP-dépendant du domaine

AAA+262,289. En effet, le moteur ATPase guide les protéines substrats vers la particule catalytique

20S grâce aux mouvements de pagayage des boucles Ar-ϕ qui dépassent dans le canal central et

interagissent avec la protéine substrat292–296.

5.2.2. Importance de l’α-annulus, de la porte de la particule catalytique et des

motifs HbXY de la particule régulatrice

Les substrats rentrent dans le protéasome à travers un canal situé dans le centre de chaque anneau

heptamérique α297. L’ouverture de ce canal est contrôlée par deux éléments structuraux. Un premier

obstacle est le canal étroit connu sous le nom de « α-annulus » et situé légèrement en dessous de la

surface de l’anneau des sous unités α. Comme ce canal a une ouverture fixe de 13 Å de diamètre,

les substrats doivent être dépliés avant qu’ils puissent entrer dans le protéasome. Ce mécanisme

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permet de contrôler l’accès à la chambre catalytique du protéasome et empêche la dégradation non

sélective des protéines. Le deuxième obstacle est une porte obstruée, formée à partir des résidus

N-terminaux des sous-unités α du protéasome. Le mécanisme de fermeture de cette porte est

différent entre archées et eucaryotes (figure 28). Chez les eucaryotes, la fermeture adopte une

conformation asymétrique définie par les séquences d’acides aminés uniques à chaque sous-unité

α. Cette structure limite l’entrée, même des petites molécules. Son importance est telle qu’elle est

conservée des levures jusqu’aux mammifères298 et que toute perturbation structurale causée par une

mutation provoque des anomalies dans la survie chez la levure299. Chez les archées, les 12 résidus

du côté N-terminal des sous-unités α du protéasome sont très flexibles et sont situés sur la porte

d’entrée ainsi qu’ils peuvent s’étendre à travers l’anneau α pour empêcher l’accès des protéines

repliées au protéasome, cela explique pourquoi le protéasome chez les archées a une activité plus

élevée avec les petits substrats peptidiques250,300.

A. B. C.

Figure 28 : Porte et α-annulus de la particule catalytique 20S. A. Vue en coupe d’un côté du protéasome 20S de

S. cerevisiae. La région entourant un site actif est indiquée par un rectangle. La région de la porte fermée est colorée en

gris. L’α annulus, juste à l’intérieur de la porte, est une ouverture formée par des boucles (rouge) dans la sous-unité α.

B & C. Les extrémités N-terminales des sous-unités α ferment l’ouverture des particules catalytiques de façon

différentes pour l’entrée de protéines substrats. Les particules catalytiques eucaryotes sont contrôlées par les extrémités

N-terminales bien ordonnées des sous-unités α2, α3 et α4, qui forment de nombreuses liaisons hydrogène et de van

der Waals (B). Les portes des particules catalytiques archéennes sont désordonnées (les résidus en blanc sont très

mobiles) (C). Adapté de Stadtmueller, B. M., & Hill, C. P. (2011)301.

Ainsi, la dégradation des tri- ou tétra-peptides par le protéasome 20S archéen n’a pas besoin de la

présence de PAN et de l’ATP, probablement parce que ces petits peptides peuvent facilement

diffuser dans la particule catalytique. Cependant, la présence de PAN et l'hydrolyse de l'ATP est

nécessaire pour la dégradation de la GFPssrA, un substrat globulaire replié261. Par conséquent, une

porte fermée existe donc dans la particule catalytique 20S qui permet l’entrée des petits peptides,

mais les protéines globulaires nécessitent la présence de PAN et l’hydrolyse de l’ATP250. Par contre,

si la GFPssrA est d'abord dénaturée par un traitement acide, ou pour les substrats contenant

naturellement peu de structures tertiaires tels que la β-caséine, l’hydrolyse de l’ATP n’est pas

nécessaire pour leur transfert dans la particule 20S par PAN. Ainsi, l'ouverture de la porte sans

hydrolyse ATP peut permettre une transfert efficace de larges protéines si elles ont été

préalablement dépliées, mais le dépliement par PAN nécessite l’hydrolyse de l’ATP282.

Le domaine C-terminal contient un motif conservé « hydrophobe-Tyr-X (HbYX) » avec X

représentant n’importequel acide aminé (voir partie 5.1). Ce motif peut pénétrer dans une poche

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entre la particule régulatrice et la particule catalytique et la conformation ouverte de la porte formée

par les extrémités N-terminales de sous-unités α283.

5.2.3. Influence des cycles d’hydrolyse de l’ATP

La compréhension des mécanismes de fonction du protéasome nécessite des connaissances

approfondies sur sa structure tridimensionnelle, en particulier celle de la particule régulatrice, qui

est considérablement plus complexe et flexible que la particule catalytique. Il n’a toujours pas été

possible à ce jour de cristalliser l’ensemble du protéasome PAN-20S ou la particule régulatrice PAN

entière isolée à cause des difficultés rencontrées lors de la purification du complexe PAN en grande

quantité sous sa forme hexamérique monodisperse ainsi que la flexibilité et l’instabilité de la

molécule. Cependant, les progrès récents de la cryo-microscopie électronique ont permis très

récemment d’obtenir les structures quasi atomiques du protéasome 26S et du protéasome PAN

-20S (figure 26). Ainsi, des études approfondies ont permis d'élucider en détail la structure des

protéasomes de levures et de mammifères et ont fourni des informations sur les changements

conformationnels pendant leur cycle fonctionnel201,294,302–307. De plus, il existe actuellement divers

modèles séquentiels, concertés ou aléatoires visant à relier l'hydrolyse de l'ATP par l’anneau AAA+

au dépliement et au transfert des substrats protéiques308–313. Cependant, la plupart des informations

disponibles sont encore insuffisantes pour comprendre complètement les mécanismes, et, dans le

cas des protéases, ni l'architecture et les principes mécaniques. La structure du protéasome

PAN-20S d'Archaeoglobus fulgidus en présence d’ATP non hydrolysable (ATPγS) a été élucidé très

récemment par cryo-microscopie électronique à résolution quasi atomique (PAN à ∼4.9 Å, et la

particule catalytique 20S à ∼4.1 Å)286 (figure 26). Le mécanisme expliquant comment les

mouvements des boucles Ar-ϕ alimentés par l’hydrolyse de l’ATP entrainent le transfert du

substrat a pu être ainsi étudié de façon plus fine.

Comme mentionné dans la partie 4.2, les nucléotides se lient aux AAA+ ATPases dans une poche

formée à l'interface des grands et petits sous-domaines d'une ATPase et du grand sous-domaine de

la sous-unité voisine. Trois types de poches nucléotidiques (ouvertes, fermées et intermédiaires)

peuvent être associés à trois états nucléotidiques coexistants, comme c'est le cas pour l'ATPase

YME1 mitochondriale homologue de FtsH310. Ces trois états nucléotidiques distincts sont en

corrélation directe avec les trois modes d'interaction observées entre les Tyr des boucles Ar-ϕ et

les protéines substrats, comme représenté de façon détaillée dans la figure 29. L'ATP lié à une

sous-unité est détecté par la sous-sous-unité adjacente grâce à deux doigts d'arginine et un motif

inter-sous-unités (ISS, de l’anglais « InterSubunit Signaling motif ») formant un pont entre les sous-unités à travers

la poche de liaison nucléotidique. La fixation de l'ISS positionne les Tyr des boucles Ar-ϕ de la

sous-unité liée à l'ATP pour se lier à la protéine substrat. La perte du phosphate γ de l’ATP libère

les doigts d'arginine, rétracte l'ISS et repositionne les boucles de pores pour les éloigner du substrat.

L'absence de nucléotides dans la sous-unité rompt la coordination des deux côtés et séquestre les

boucles de pores en hélices loin du substrat. En résumé, les sous-unités liées à l'ATP se lient

directement au substrat, la sous-unité liée à l'ADP s'associe faiblement avec le substrat, tandis que

la sous-unité vide est complètement désengagée, comme illustré dans la figure 29. Il y a donc une

corrélation directe entre les états nucléotidiques et l'engagement du substrat dans la particule

régulatrice AAA+.

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A.

B.

Figure 29: Réarrangements conformationnels dans le domaine de l'ATPase YME1 mitochondriale. A. Les

trois conformations d'état nucléotidiques sont alignées pour montrer les principaux réarrangements qui affectent

allostériquement la conformation des boucles Ar-ϕ. Dans la poche ATP (panneau de gauche), la boucle ISS de la

sous-unité adjacente (violette) s'étend vers le feuillet β contenant la Phe (jaune). Dans cette conformation, les boucles Ar-ϕ

(roses) s'étendent vers le canal central et interagissent fortement avec le substrat. Dans la poche liée à l'ADP (panneau

central), la perte du phosphate γ entraîne une rétraction de la boucle de l'ISS du feuillet β contenant la Phe, et la boucle

de l'ISS devient partie de l'hélice α5 de la sous-unité adjacente. Avec la sous-unité liée à l'ADP, l'hélice α3 se rapproche

du feuillet β contenant Phe, et les Tyr des boucles Ar-ϕ interagissent plus faiblement avec le substrat. En l’absence de

nucléotides (panneau de droite), les Tyr des boucles Ar-ϕ sont complètement dissociées du substrat et sont incorporés

dans les hélices α4 et α5. B. Représentation schématique des modifications conformationnelles dépendantes des

nucléotides affectant l'ensemble de l'ATPase avec les mouvements décrits en (A). Lorsque l'ATP est lié dans la poche

nucléotidique, les Tyr des boucles Ar-ϕ interagissent fortement avec le substrat. L'hydrolyse de l'ATP entraîne un

affaiblissement de la liaison substrat-Tyr et la perte du nucléotide se traduit par une libération complète du substrat.

Adapté de Puchades, et al. (2017)310.

Le modèle actuel décrit que le cycle ATPase progresse sous forme de rotation comme un escalier

en colimaçon310, et affecte allostériquement la conformation des boucles Ar-ϕ qui interagissent

avec la protéine substrat. Les conformations des sous-unités sous forme d'escalier en spirale (tel

que représenté dans la figure 29) sont typiques de la clade 3 de la superfamille des AAA+ et ont

déjà été signalées pour Cdc48/p97314, Hsp104308, Vps4309, YME1310, Rpts201,294,305,306, etc. Cinq

conformations en spirale tournante ont été identifiées dans l’anneau AAA+ de PAN, révélant un

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cycle d'ATPase presque complet286. Un modèle d'hydrolyse de l'ATP autour de l'anneau AAA+ de

PAN a été proposé (figure 30).

A. B.

C.

Figure 30: Changements de conformations des sous-unités de PAN lié à l’hydrolyse de l’ATP. A. Structure

de l'anneau AAA+ de PAN illustrant la communication entre les différentes sous-unités. Les différentes sous-unités

sont représentées en différentes couleur. B. Diagramme représentant les sous-unités de PAN en différentes couleurs

permettant de visualiser la forme en escalier en colimaçon et le site fendu. C. Modèle du cycle ATPase dans les

protéasomes PAN-20S. Les cinq états identifiés de l’anneau AAA+ et l’état hypothétique sont représentés de façon

schématique. Dans chaque état, la sous-unité dans les positions la plus haute et la plus basse est indiquée respectivement

par H et B, et la poche active (lié à l’ADP) est indiquée par des astérisques. Adapté deMajumder, P., et al. (2019)286.

Chez PAN, il existe deux contacts majeurs entre les sous-unités pour former les poches

nucléotidiques : le pont ISS et un « contact de boucles Ar-ϕ ». Les contacts de boucles Ar-ϕ dans

les anneaux AAA+ n'ont pas été signalés plus tôt. Dans le cas de PAN, une séparation d’environ

10 Å entre les bouts d'hélice adjacents de α5 juxtapose les boucles de pores pour interagir

mutuellement. Ces contacts limitent la flexibilité des boucles Ar-ϕ et positionnent les Tyr de façon

appropriée pour interagir avec le substrat. L'ISS et les contacts de boucles Ar-ϕ sont inexistants

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dans le site fendu (figure 30). Avec la rotation de l'escalier en spirale, ces contacts sont créés et

détruits. Les mouvements entre les sous-unités PAN reflètent l'état d'occupation des poches de

liaison nucléotidique.

Les sous-unités formant la poche de liaison nucléotidique grâce à un pont ISS occupé par l’ADP

est la poche intermédiaire aussi appelée poche active, où l'hydrolyse de l'ATP a lieu. En raison de

l'hydrolyse de l'ATP dans la poche P1-P2, les résidus des doigts d'arginine de P1 (pour « Poche 1 »)

perdent le contact avec le nucléotide, et les hélices α6 (pore-2) et α5 (pore-1) se déplacent vers le

haut, entrainant le mouvement des boucles Ar-ϕ (pore-1 loop et pore-1 loop). Le pont ISS de P1

est incorporé dans son hélice α6, et un site fendu est formé entre P1 et P2, avec P1 occupant la

position la plus haute et P2, la position la plus basse dans l'escalier hélicoïdal AAA+. Le

détachement du pont ISS de P1 à P2 signale le début de l'hydrolyse de l'ATP dans la poche P2-P3,

et le cycle se poursuit séquentiellement dans un sens antihoraire autour de l'anneau AAA+. En

parallèle, l'ATP est rechargé dans le site fentu (maintenant P1-P2). Ainsi, lorsque l'ATP dans la

poche P2-P3 est hydrolysé et que les hélices α6 (pore-2) et α5 (pore-1) de P2 se déplacent vers la

position la plus haute de l'escalier, la poche P1-P2 acquiert une conformation fermée, le pont ISS

de P1 rétablissant le contact avec P2. La rotation de l'escalier en colimaçon entraîne des

mouvements rythmiques des hélices α6 (pore-2) et α5 (pore-1) qui, à leur tour, permettent aux

boucles Ar-ϕ de propulser le substrat dans la particule catalytique.

En résumé, le cycle d'hydrolyse ATP séquentiel est étroitement coordonné. L'hydrolyse dans la

sous-unité inférieure liée à l'ATP supprime la coordination entre les doigts d'arginine adjacents,

l’ISS et les contacts de boucles Ar-ϕ, repositionnant la sous-unité maintenant post-hydrolyse à la

position la plus basse de l'escalier, ce qui, à son tour, déclenche une hydrolyse dans la sous-unité

inférieure suivante liée à l'ATP. La perte de coordination des deux côtés de la sous-unité liée à

l'ADP rompt l'interaction du substrat et déplace la sous-unité de l'hexamère, où elle peut libérer

l'ADP et se lier de nouveau à de l'ATP en haut de l'escalier. La répétition de ce cycle entraîne un

transfert progressif du substrat dans la chambre protéolytique grâce aux boucles Ar-ϕ.

Le degré élevé de conservation structurale chez la famille des particules régulatrices AAA+

protéolytiques suggère que ce mécanisme peut être conservé au sein de tous les membres de cette

famille. Les bases structurales du cycle séquentiel autour de l'anneau AAA+ lié à l’hydrolyse de

l’ATP sont donc probablement conservées chez les protéases AAA+. Un mécanisme similaire a

été récemment été décrit pendant le dépliement de substrats par cryo-microscopie électronique par

le protéasome 26S de levure et humain305,306.

Les mouvements des sous-unités régulent allostériquement les mouvements de l’anneau N et

l'ouverture de la porte de la particule catalytique. En maintenant la position décalée de PAN fixe

par rapport à la particule catalytique, l'escalier AAA+ pivote d'une sous-unité par état. La liaison

de PAN stabilise la porte de la particule catalytique dans une conformation ouverte grâce à

l'insertion du motif HbYX dans les poches de fixation des sous-unités α de la particule catalytique.

Un contact entre la sous-unité de PAN la plus basse et la partie N-terminale des sous-unités α de

la particule catalytique a également lieu. Ce contact tourne avec la rotation du site fendu. Toutefois,

il n'a pas été possible d'identifier sans ambiguïté les résidus impliqués dans la formation du contact,

ni le rôle de ce contact. De tels contacts ne sont pas observés dans le cas du protéasome 26S.

Cependant, des études antérieures avec ClpXP ont montré que les boucles N-terminales de ClpP

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forment des contacts hydrophobes avec les pore-2 loop (Ar-ϕ) de ClpX. Ces contacts varient

dynamiquement avec l'état nucléotidique des sous-unités ClpX individuelles et facilitent le

dépliement efficace des protéines315. Cela suggère un effet allostérique de l'hydrolyse de l'ATP sur

les contacts entre PAN et la particule catalytique, et joue probablement un rôle dans le transfert du

substrat à travers le canal central.

5.2.4. Modalités de prise en charge des substrats protéiques

Le transfert d’un substrat protéique de la particule régulatrice AAA+ vers la particule catalytique

peut commencer par son extrémité N-terminale ou C-terminale, selon l'emplacement de l'étiquette

de reconnaissance240,316. Certaines études ont suggéré que PAN déplie les protéines à sa surface

avant leur transfert dans la particule catalytique 20S317. Des travaux plus récents soutiennent un

modèle dans lequel les protéines sont dépliées de façon simultanée à leur transfert ATP-dépendant

à travers l’anneau ATPase262,290. En accord avec ce modèle, des études ont montré que les cycles

d’hydrolyse de l’ATP provoquent des changements de conformation dans l’anneau AAA+ alors

transmis aux boucles Ar-ϕ interagissant et transférant le substrat protéique (voir partie précédente).

La protéase AAA+ la plus utilisée pour l’étude du processus de dépliement et de dégradation des

protéines substrat est le système ClpXP bactérien175. La spectroscopie de force à l’échelle de la

molécule unique a été utilisée pour visualiser directement l'activité mécanique de ClpX. La fixation

de ClpXP sur une bille immobilisée et la fixation d'un substrat protéique à domaines multiples sur

une autre bille permettent au substrat protéique d'être capturé par la protéase. Au fur et à mesure

que la réaction de dégradation progresse, le dépliement alimenté par l'ATP et le transfert

subséquent de chaque domaine modifient la distance entre les deux billes, fournissant une

information directe sur l'activité de dépliement de ClpXP318,319. Le dépliement des multiples

domaines protéiques se fait généralement de manière très rapide (entre de 1 et 5 ms) et coopérative,

la constante de temps de dépliement correspondant à la constante de temps de l'hydrolyse de l’ATP.

Cela indique qu'un événement d'hydrolyse entraîne le dépliement de la protéine substrat318,319, tout

comme décrit dans la partie précédente. Cependant, les domaines protéiques stables (sur le plan

mécanique) nécessitent un temps de dépliement plus lent et de nombreux ATP sont hydrolysés

avant que ces substrats protéiques soient dépliés316,319,320. Dans ces cas, la fonction de l'anneau

AAA+ suit un modèle probabiliste où chaque tentative de dépliement a une probabilité constante

(généralement faible) de déplier un domaine protéique312.

ClpXP dégrade certains substrats protéiques à un taux proportionnel au taux d'hydrolyse de l'ATP.

Par exemple, si le taux d’hydrolyse de l’ATP est réduit de 10% en utilisant des concentrations

d’ATP en dessous de KM, le taux de dépliement/dégradation est également réduit de 10%289. Pour

d’autres protéines substrat, tels que la GFPssrA, ClpXP cesse le processus de dégradation lorsque

la concentration d’ATP est sous une valeur seuil critique289,321,322. La prise en charge de ces substrats

protéiques exige un taux minimum d’hydrolyse d’ATP, suggérant que de multiples évènements

d’hydrolyse coordonnés sont nécessaires avant que le dépliement se produise289. Dans ce cas-là, il

est possible qu’un seul mouvement déplie seulement une partie du substrat, qui nécessite une action

ultérieure sur la structure restante pour un dépliement total. Dans ce contexte, il a été suggéré que

l'adhérence au substrat protéique est réduite lorsque l'anneau ClpX n'est que partiellement saturé

en ATP, ce qui affecte les protéines les plus stables qui nécessitent une adhérence forte pour être

dépliées323. ClpXP peut même libérer des protéines partiellement dégradées244,289,316,324. La libération

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de protéines substrat stables (sur le plan mécanique) partiellement dégradées peut se produire en

présence d’un autre substrat protéique moins stable. ClpXP peut alors libérer des protéines

partiellement dégradées possédant une queue flexible d’environ 40 acides aminés, ce qui

correspond la distance du haut du canal ClpX jusqu’aux sites actifs du ClpP. Ces protéines libérées

échappent alors à une dégradation supplémentaire puisqu’elles ne contiennent plus de dégrons324.