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Chapitre 2 : Présentation des méthodes biophysiques principales utilisées : La diffusion de rayons

2. La diffusion de rayons X aux petits angles (SAXS)

Cette partie a été écrite en se basant principalement sur des informations fournies par le site internet

de l’ESRF consulté en juillet 2019 (www.esrf.eu), notamment la page spécifique à l’instrument

SAXS BM29.

2.1.Histoire du rayonnement synchrotron

Les rayons X ont été découverts en 1895 par Wilhelm Röntgen, qui a montré qu’ils étaient capables

de traverser le corps humain. Aujourd'hui, ils sont largement utilisés en imagerie médicale parce

qu'ils ont une grande profondeur de pénétration à travers les matériaux et qu'ils sont sélectivement

absorbés par les parties du corps ayant la plus forte densité électronique, comme les os. La

principale différence entre le rayonnement synchrotron et les rayons X utilisés en imagerie médicale

est la brillance. La brillance peut être définie comme le quotient de l'intensité lumineuse diffusée

par une surface éclairée, dans une direction déterminée, par l'aire de cette surface projetée sur un

plan normal à cette direction. Plus la brillance est élevée, plus la précision de l’image obtenue est

grande. Une source synchrotron est cent milliards de fois plus brillante qu'une source de rayons X

hospitalière.

Le rayonnement synchrotron a été observé pour la première fois chez General Electric aux

États-Unis en 1947. Au départ, les rayons X du synchrotron étaient considérés comme un effet

indésirable, parce qu’ils provoquaient une perte d'énergie des particules, mais elle a ensuite été

reconnue dans les années 1960 comme une lumière aux propriétés exceptionnelles. A la fin des

années 1970, l’intérêt d'utiliser les synchrotrons pour produire des rayons X extrêmement lumineux

a été reconnu, aboutissant à la construction de l'ESRF (de l’anglais « European Synchrotron Radiation

Facility ») au début des années 1990 et, peu après, de deux autres synchrotrons de « troisième

génération » (Advanced Photon Source aux États-Unis et SPring-8 au Japon).

2.2.Propriétés des rayons X

Les rayons X sont des ondes électromagnétiques constituées de photons tout comme la lumière

visible, mais situées à l'extrémité du spectre électromagnétique, entre la lumière ultraviolette et les

rayons gamma.

La longueur d’onde des rayons X, d'environ un dixième de nanomètre, est comparable aux

distances interatomiques, ce qui rend les rayons X appropriés pour l'étude des atomes et des

liaisons. On distingue les rayons X « durs » et rayons X « mous » selon leur énergie. Il est plus

courant de parler d’énergie plutôt que de longueur d’onde. Les synchrotrons, dont l'ESRF,

produisent des rayons X durs à des longueurs d'onde de 0,1 à 1 Å, c’est à dire à des énergies

comprises entre 10 et 120 keV. En raison de leur énergie plus élevée, les rayons X durs pénètrent

plus profondément dans la matière que les rayons X mous dont l'énergie est inférieure à 10 keV,

qui eux sont facilement absorbés par une épaisseur millimétrique de matière solide. Du fait de

l'énergie importante des photons, les rayons X sont des rayonnements dits « ionisants »,

provoquant des ionisations dans les atomes qu’ils traversent. Ce phénomène est exploité en

fluorescence X, tandis qu’il constitue un désavantage pour les autres techniques utilisant les rayons

X puisque ces ionisations ont un effet délétère sur les échantillons (appelé dommage de radiation).

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2.3.Instrumentation à l’échelle d’un synchrotron : l’exemple de l’ESRF

Lorsqu'un électron en mouvement change de direction, il émet de l'énergie sous forme de

rayonnement électromagnétique. Lorsque l'électron accélère ou décélère rapidement, l'énergie

émise est à la longueur d'onde des rayons X. C’est sur ce principe que repose les synchrotrons. Un

synchrotron accélère les électrons jusqu'à une énergie extrêmement élevée pour les faire ensuite

régulièrement changer de direction. Les rayons X qui en résultent sont émis sous forme de

douzaines de faisceaux minces, chacun dirigé vers une ligne de faisceau près de l'accélérateur.

2.3.1. Le canon à électrons, l’accélérateur linéaire et l’anneau d’accélération

Les électrons sont émis par un canon à électrons, un dispositif similaire aux tubes cathodiques que

l'on trouve dans les anciens téléviseurs. Ils sont d'abord accélérés dans un accélérateur linéaire

(Linac) jusqu’à une énergie de 200 MeV, puis transmis à l’anneau d’accélération de 300 m de

circonférence où ils sont accélérés pour atteindre une énergie de 6 GeV. Ces électrons à haute

énergie sont ensuite injectés dans un grand anneau de stockage où ils circulent dans un

environnement sous vide, à énergie constante.

2.3.2. L’anneau de stockage et ses aimants

L'anneau de stockage est un tube de 844 m de circonférence où les électrons tournent à une vitesse

proche de celle de la lumière. Lorsque les électrons se déplacent au sein de l'anneau, ils traversent

différents types d'aimants et produisent alors des rayons X.

L'anneau de stockage comprend de façon alternative 32 sections droites et 32 courbes. Dans chaque

section incurvée, deux grands aimants de flexion forcent le chemin des électrons. Dans chaque

section droite, plusieurs aimants de focalisation assurent que les électrons restent près de leur

trajectoire orbitale idéale. Les sections droites accueillent également les ondulateurs, où sont

produits les faisceaux intenses de rayons X.

La fonction principale des aimants de flexion est de dévier les électrons de leur trajectoire. Lorsque

les électrons sont déviés de leur trajectoire droite alors qu’ils passent à travers ces aimants, ils

émettent un jet de rayons X tangentiellement à la trajectoire initiale. Le rayonnement synchrotron

d'un aimant de flexion couvre un spectre large et continu, des micro-ondes aux rayons X durs, et

il est beaucoup moins concentré, ou brillant, que le faisceau fin des rayons X d'un ondulateur. Les

ondulateurs sont des structures magnétiques composées d'un réseau complexe de petits aimants

obligeant les électrons à suivre une trajectoire ondulée. Le rayonnement émis à chaque pli

consécutif se chevauche et interfère avec celui des autres pliages. Cela génère un faisceau de

rayonnement beaucoup plus focalisé, ou brillant, que celui généré par un seul aimant.

Les rayons X émis par les électrons sont dirigés vers les lignes de faisceaux qui entourent l'anneau

de stockage dans le hall expérimental. Chaque ligne de faisceaux est conçue pour être utilisée avec

une technique spécifique ou pour un type de recherche spécifique. Une ligne de faisceaux se

compose d'une cabine optique, d'une cabine expérimentale et d'une cabine de contrôle, alignées en

ligne.

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2.4.Instrumentation à l’échelle d’une ligne de faisceau : l’exemple de BM29 à

l’ESRF

Une ligne de faisceau pour un instrument SAXS comprend essentiellement les parties suivantes

(figure 35), qui sont décrites ici dans l’exemple de la ligne de faisceaux BM29 à l’ESRF.

A.

B.

Figure 35 : Ligne de faisceau BM29 de l’ESRF. Schéma d’instrumentation (A) et photo de la zone expérimentale

de la ligne BM29 à l’ESRF avec l’installation classique (B) (www.esrf.eu).

2.4.1. La cabine des instruments optiques

La première tâche de la ligne de faisceau est de modifier le faisceau de rayons X brut fourni par un

anneau de flexion. Des instruments optiques sont utilisés pour focaliser le faisceau et sélectionner

l'énergie souhaitée, soit environ 12,5 keV (0,9919 Å). Comme le faisceau transporte beaucoup

d'énergie sur une très petite surface, ces optiques sont conçues pour supporter une grande quantité

de chaleur.

Un monochromateur sélectionne une longueur d’onde définie à partir de l’émission d’un anneau

de flexion. Le monochromateur à double réflexion produit un faisceau réfléchi monochromatique

dont la longueur d'onde est donnée par la loi de Bragg, 2dsinθ = nλ, où d est la distance

interréticulaire (distance entre deux plans cristallographiques), θ le demi-angle de déviation (moitié

de l'angle entre le faisceau incident et la direction du détecteur) et nl’ordre de diffraction (nombre

entier).

L'élément de focalisation de la ligne de faisceau est le miroir toroïdal cylindrique qui réfléchit

verticalement vers le haut. Ce miroir est situé à 31,2 m de la source et concentre le rayonnement

monochromatique sur le détecteur à 13,5 m en aval.

Des fentes primaires délimitent le faisceau blanc à 4 mm par 4 mm pour protéger la mécanique du

monochromateur tout en utilisant la taille maximale possible du faisceau à exploiter par l'optique

(monochromateur et miroir). Ces fentes sont constituées de matériaux très absorbants (tungstène

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afin d’éliminer du faisceau de toute diffusion parasite, qui est très intense autour du faisceau

monochromatique, ce qui est crucial pour atteindre de très petits angles.

Trois axes d'atténuateurs de faisceaux blancs sont situés juste après les fentes primaires.

Habituellement, aucun atténuateur de faisceau blanc n'est utilisé. Ces atténuateurs permettent de

protéger le monochromateur des basses énergies. Des atténuateurs monochromatiques sont

montés aussi loin que possible de la position de l'échantillon pour diminuer la diffusion parasite

qui pourrait en résulter. Ils sont introduits automatiquement dans le faisceau si la transmission est

inférieure à 100 % (faisceau complet), par exemple en cas de dommages dus au rayonnement.

2.4.2. La cabine expérimentale

La ligne de faisceau permet de placer un échantillon dans le faisceau de rayons X.

Un obturateur est utilisé avec un axe de rotation réglé verticalement et avec une ouverture totale

de 5 mm. Deux capteurs lisent la position de la pièce en rotation et donnent un signal de retour qui

permet de mesurer le temps d’exposition de l’échantillon. L'obturateur est situé dans le vide au

début de la zone expérimentale aussi loin que possible de la position de l'échantillon afin de réduire

toute diffusion parasite de celui-ci sur le détecteur.

Une boîte à fentes se trouve au début de la table expérimentale juste après l'obturateur. La

combinaison de faisceaux incidents très intenses et les imperfections des fentes utilisées en amont

conduiraient à une diffusion parasite importante. Cette diffusion parasite serait concentrée autour

du faisceau direct et constituerait un sérieux obstacle à l'obtention de données de diffusion de

bonne qualité à faible q pour les échantillons faiblement diffusants. Afin de réduire cette diffusion

indésirable, une des fentes supplémentaires et un trou d'épingle est inclus dans l'installation. Deux

premières fentes définissent le faisceau et une troisième fente, la fente de garde, est alignée le plus

près possible du faisceau direct intense sans le toucher, car cela provoquerait à nouveau une

diffusion parasite. L'échantillon est placé juste après la fente de protection. Le signal de diffusion

peut alors être enregistré de manière fiable.

Un chargeur d'échantillons automatique permet la manipulation de liquides. Les échantillons dans

le passeur d'échantillons peuvent être stockés dans une plaque de 96 puits et/ou dans des tubes.

Les cellules de stockage et d'exposition peuvent être thermorégulées indépendamment l'une de

l'autre, de 4 à 40 °C et de 4 à 60 °C, respectivement. Le nettoyage et le chargement de l'échantillon

prennent environ 30 secondes chacun. Un système de chromatographie d’exclusion stérique in-situ

est également disponible. Un porte-échantillon, généralement un capillaire en quartz thermostaté,

contient alors la solution à étudier. La taille du faisceau à l’échantillon est d’environ 700 µm par

700 µm.

Le long trajet du faisceau entre l'échantillon dans le capillaire et le détecteur se produit sous vide

grâce au tube de vol. Un dispositif d’arrêt de faisceau est situé à la fin du tube. Ce dispositif en

matériau absorbant le faisceau direct l'empêche de frapper le détecteur et de l'endommager de part

de son intensité. Il se compose d'un cylindre creux en tungstène de 3 mm de diamètre.

Un détecteur de rayons X (PILATUS 1M) positionné immédiatement après le tube de vol enregistre

l'intensité de la diffusion en fonction de l'angle de diffusion 2θ. La distance entre l'échantillon et le

détecteur est fixée à 2,867 m. L’instrument couvre une plage q de 0,025 à 5 nm-1. Pour autant que

la diffusion de l'échantillon soit isotrope (indépendante de la direction de q), l'intensité est obtenue

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en faisant la somme de tous les éléments détectés au même rayon r du centre du faisceau.

Connaissant la distance entre l'échantillon et le détecteur et la longueur d'onde, la courbe

unidimensionnelle I(r) contre r est ensuite convertie en I(q) contre q (équation 2).