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Le processus de décentralisation au Niger de la période coloniale à 2004

Partie 3. Cadre théorique : concepts et éléments de la décentralisation

3.3. Le processus de décentralisation au Niger de la période coloniale à 2004

La décentralisation complète a été implantée au Niger en 2004. Cette réforme est le résultat d’un double mouvement de décentralisation qui englobe la déconcentration et la dévolution, dans la mesure où les structures déconcentrées ont été modifiées pour mieux s’adapter aux structures de la dévolution (Halidou 2004).

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De l’indépendance à la transition démocratique (1960 -1990)

La décentralisation au Niger débute durant la période coloniale, au moment où des structures décentralisées érigées par le colonisateur devaient assurer une meilleure gestion du territoire (Giraut 1999, 24). À cet effet, les décrets du 21 mars 1916 et du 1er avril 1936

introduisaient des conseils de notables (DGDD 2012, 8). Quelque temps après, la réforme municipale de l’Afrique occidentale Française du 18 novembre 1955 autorisait la création de la commune de Niamey ainsi que deux communes de moyen exercice11 : Zinder et Maradi

(Giraut 1999).

Dès l’indépendance, le gouvernement de Hamani Diori modifia les institutions administratives existantes et créa des postes administratifs sous la gouverne des sous-préfets. Celles-ci garantissaient la participation des acteurs concernés (citoyens, syndicats, chefferies coutumières) dans la gestion des affaires locales (Giraut 1999, 18-20).

La réforme de 1964 légalisa le projet de décentralisation dans un État indépendant. Elle divisa le territoire en départements, arrondissements et communes. Les deux derniers échelons étaient des CT dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elles détenaient des pouvoirs de décision pour les affaires de compétence locale. Néanmoins, ces entités décentralisées devinrent progressivement des organes d’exécution des politiques du pouvoir en place (Kalala, et al. 1993, 22). Sous la Première République, la décentralisation fut essentiellement un instrument de renforcement de pouvoir du PPN-RDA au niveau local.

La période du régime militaire de 1974 fut quant à elle, associée à « la mise en veilleuse de la décentralisation » (Salifou 2008). Le chef de l’État Seyni Kountché remplaça les CT par des comités techniques dans les arrondissements et les communes, sans toutefois exclure leur caractère participatif. Ces comités étaient administrés par des chefs de services techniques déconcentrés de l’État, des chefs de canton ou leurs représentants, des représentants de projets et de délégués d’associations socioprofessionnelles sous la présidence du sous-préfet ou du maire (Kalala et al. 1993, 5). Comme le remarquent plusieurs analystes, la participation de la population était limitée; ces structures étaient plutôt perçues comme « des chambres d’enregistrement des décisions

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préparées par les autorités administratives » (Salifou 2008, 5). Durant le régime militaire, la décentralisation acquit un caractère fonctionnaliste, car elle participait à la construction d’un État unifié. Elle servait l’intérêt commun des citoyens, en incitant la collaboration de toutes les organisations sociales, politiques et militaires.

À la fin du régime de Kountché au tournant des années 1980, la décentralisation fut impérative pour le développement. Elle était mise en œuvre à travers des conseils de développement considérés comme des « organes collégiaux de conception, d’animation, de décision et de gestion des opérations de développement et […] de toute action s’inscrivant dans les domaines de la vie communautaire depuis le niveau du village, du quartier ou de la tribu jusqu’à l’échelon national » (Salifou, 2008, 6). L’organisation administrative englobait des institutions « modernes » (comme les conseils communaux) et traditionnelles (les chefferies coutumières) écartées durant le pouvoir de Kountché.

De la transition démocratique à nos jours (1991-2014)

La volonté d’implanter une décentralisation complète fut affirmée durant les débats de la CNS en 1991. Aux yeux des acteurs nationaux et internationaux, la dévolution des pouvoirs était sans conteste, la politique adaptée au développement « par le bas ». Le principe de proximité promu à travers cette politique signifie un dévouement, une imputabilité et une responsabilité dans les actions des élus envers la population (Poulin 2004; Adji 1999, 141).

En ce sens, la décentralisation et la démocratie sont abordées dans une logique de complémentarité, dans la mesure où elles sont aptes à apporter des solutions à la crise économique et à la faillite de l’État central. Elles garantiraient une meilleure représentation des populations tant dans les échelons nationaux que locaux.

Cependant, les élections prévues en 1999 pour installer les conseils communaux furent annulées à la suite des tensions politiques qui animaient la classe politique nigérienne. Ces tensions aboutirent en avril 1999, à l’assassinat du président de la République Ibrahim Baré Maïnassara. Le retour à la stabilité au début des années 2000 permit aux acteurs politiques de concrétiser le projet de décentralisation à l’échelle nationale (voir Tableau 1).

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Tableau 1 : Structure modifiée de la dévolution et la déconcentration depuis 2010

Source : Code général des collectivités territoriales. Recueil des textes sur la décentralisation, Édition 2011.

La réalité est que la décentralisation se déroule dans un des pays les plus pauvres au monde; les projets de décentralisation sont en grande partie, financés par les partenaires de développement internationaux. L’État nigérien ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour appuyer les communes, ce qui se répercute sur la capacité des communes à fournir des services publics de base (Danda 2012; Yatta 2009). En revanche, cette situation ne s’applique pas au Niger seulement. La plupart des pays ayant implanté des réformes de décentralisation au courant des années 1990 présentent des résultats similaires. Quels sont les facteurs qui renforcent ou nuisent aux mises en œuvre de la décentralisation dans les pays en voie de développement?

Villes à statut particulier (100 000 habitants et +

Communes (255)

Circonscriptions administratives (CA)

15 Arrondissements communaux pour les 4 villes

État central (Ministère de l’Intérieur)

Régions (8) Départements (36) Collectivités territoriales (CT) Communes rurales – 2000 habitants et + Communes urbaines – 5000 habitats et + Régions (8)

Assurent la tutelle des communes Assurent la tutelle des régions

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