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Processus couplés et modélisation numérique

Dans cette étude, on s’intéresse exclusivement à la carbonatation minérale dans les résidus miniers. Ces résidus sont rassemblés dans des parcs à résidus et disposés en piles pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Ces piles de résidus plus ou moins homogènes, constituent des milieux poreux particuliers. La composition minéralogique et les propriétés hydrogéologiques des piles de résidus, ainsi que les conditions atmosphériques contrôlent les réactions chimiques et les écoulements à l’intérieur du milieu poreux que forment les résidus miniers. Dans le cas de la carbonatation naturelle et passive, les échanges entre l’atmosphère et les piles sont primordiaux. Le CO2 et l’eau, qui sont

essentiels pour que la réaction de carbonatation minérale dans les conditions ambiantes, sont fournis exclusivement par l’atmosphère.

1.4.1 Carbonatation minérale dans les résidus industriels et miniers.

Dans cette section, les processus liés à l’alimentation en CO2 des piles par les gaz sont

décrits.

Dans les résidus, le milieu poreux est généralement partiellement saturé, le CO2 est apporté

par l’intermédiaire du gaz et de l’eau de pluie dans laquelle le CO2 est dissout. En ce qui

concerne le gaz, selon Pronost et al. (2012), deux mécanismes de transport sont responsables de l’approvisionnement en CO2 dans les piles de résidus : la diffusion

moléculaire gazeuse et l’advection des gaz.

D’après la loi de Fick de la diffusion, le flux par diffusion d’un composé dans un fluide est directement proportionnel au gradient de concentration de ce composé dans le fluide. Si on considère un système en une dimension dans la direction l, le flux molaire diffusif Ji (mol/m2/s) est :

.

i i i o

dC

J

D

dl

 

(1)

où Ci (mol/m3) est la concentration molaire du composé i dans le fluide et Do (m2/s) est le coefficient de diffusion du composé i dans un fluide. En général, dans un milieu poreux, on

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utilise plutôt la diffusivité effective De (m2/s) qui est plus faible que le coefficient de diffusion,

car elle dépend entre autres, de la saturation en fluides, de la tortuosité du milieu poreux et de la porosité.

L’autre mécanisme, l’advection des gaz correspond à l’écoulement des gaz dans le milieu poreux. Dans ce cas, le mouvement du gaz est induit par l’infiltration de l’eau, des gradients de pression (ou de charge pneumatique) résultant par exemple des variations barométriques, de l’écoulement d’air causé par l’action du vent, et par la convection thermique. Comme le gradient du potentiel a la même forme pour les gaz que pour les liquides, la forme généralisée de la loi de Darcy peut être utilisée. Avec la charge pneumatique h (m), la forme de la loi de Darcy peut être dérivée comme suit pour l'écoulement en une dimension dans la direction l:

.

.

k g dh

k g d

p

q

z

dl

dl

g





(1)

où q (m/s) est le flux volumétrique de gaz, k (m2) est la perméabilité du milieu, ρ (kg/m3) est

la densité du gaz, µ (Pa.s) est la viscosité du gaz, g (9.81m/s2) est l’accélération gravitationnelle, z (m) est l’élévation et p (Pa) est la pression du gaz. Lorsqu’on s’intéresse à un composé i du gaz en particulier, le flux molaire Ji (mol/m2/s) par advection peut s’écrire :

.

.

'

i i i i

px

J

q

q

M

RT

(1)

où ρi est la densité du composé i ans le gaz, Mi (kg/mol) est la masse molaire de i, xi est la

fraction molaire du composé i, R (8.314 Pa.m3/mol/K) est la constante universelle des gaz et T’ (K) est la température absolue.

Puisque la carbonatation minérale est une réaction exothermique, la chaleur est un paramètre qu’il faut aussi considérer. Les transferts de chaleur peuvent se faire par conduction, et aussi par convection. Par exemple dans le cas du drainage minier acide (DMA), l’oxydation de la pyrite génère suffisamment de chaleur pour engendrer de la convection thermique au sein des piles de résidus (Lefebvre et al., 2001a, 2001b). En effet, les gradients de températures entre l’air froid de l’atmosphère et l’air chaud à l’intérieur des piles peuvent générer des mouvements thermiques. Les gradients de température engendrent des gradients de densité de gaz qui initient la convection, ce qui contribue à

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augmenter la quantité d’oxygène qui entre dans les piles. La chaleur générée par la carbonatation minérale peut aussi engendrer de la convection, permettant ainsi de mieux alimenter la pile de résidus en CO2. Ce processus est d’ailleurs intégré dans le modèle

conceptuel décrit par Pronost et al. (2012).

Même s’ils ne sont pas détaillés ici, les processus de transport du CO2 dans la phase

aqueuse, comme la dispersion moléculaire et l’advection sont aussi à considérer et reposent sur les mêmes principes fondamentaux que pour la phase gazeuse. Ils contribuent aussi au transport du CO2 à travers les résidus.

La carbonatation minérale dans les piles de résidus miniers est un phénomène complexe, dans lequel les processus physico-chimiques sont couplés et sont les suivants : les écoulements multiphasiques, les transferts de masse dans la phase liquide et la phase gazeuse, les transferts de chaleur ainsi que les réactions de dissolution et précipitation. Ces processus évoluent simultanément au sein des piles de résidus et sont interdépendants.

1.4.2 Simulations numériques avec MIN3P

Dans les piles de résidus miniers, plusieurs modèles numériques ont été utilisés pour simuler des processus couplés comme pour le DMA. Lefebvre (1994) et Lefebvre et al. (2001b) ont utilisés le modèle numérique TOUGH/AMD (Pruess., 1991) pour simuler les écoulements multiphasiques, le transport de l’oxygène et l’oxydation de la pyrite dans les piles de résidus miniers. Plus tard, Molson et al. (2004) ont utilisés le model numérique MIN3P (Mayer et al, 2002) pour simuler le DMA dans des parcelles expérimentales mises en place pour étudier ce phénomène et trouver comment y remédier. Ce code numérique est capable de simuler le transport réactif, les écoulements multiphasiques et multicomposants dans des milieux à saturation variable, et permet de considérer le système géochimique complet incluant la spéciation géochimique et le pouvoir-tampon par les minéraux jouant un rôle sur la stabilité du pH. Ces simulations ont produit des résultats très proches des observations, et confirment l’intérêt porté à l’utilisation des modèles numériques capables de simuler des processus physico-chimiques couplés pour étudier les réactions au sein des piles de résidus miniers.

Concernant la carbonatation minérale dans les résidus miniers, seul le modèle MIN3P a été utilisé à ce jour. Bea et al. (2012) a réalisé des simulations 1D pour évaluer la quantité de

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CO2 qui peut être séquestré dans les résidus miniers ultramafique déposé dans un site

minier proche de Mount Keith (Australie). Ils en ont déduit que le taux de séquestration du CO2 variait entre 0.6 et 1 kg/m2/an. D’autres simulations avec MIN3P ont été réalisées pour

simuler et tenter de reproduire le processus de carbonatation minérale à l’intérieur de colonnes remplies de brucite (Harrison et al., 2014).

En effet, le modèle MIN3P rassemble et permet de simuler des processus couplés, interagissant au sein d’un milieu poreux tel que les piles de résidus miniers. Un sommaire des différents processus est décrit ci-dessous. Par exemple, l’écoulement des fluides dans un milieu poreux à saturation variable, selon la loi de de Darcy, est considéré de la manière suivante dans le code MIN3P :

.

0

a a s ra a

dS

dh

S S

k

h Q

dt



dt



  

(1)

où Sa est la saturation de la phase aqueuse, Ss (m-1) est le coefficient d’emmagasinement

spécifique, h (m) est la charge hydraulique, t (s) est le temps, θ est la porosité, Qa est un

terme source, kra est la perméabilité relative à l’eau du milieu poreux et K (m/s) est la

conductivité hydraulique saturée. Les équations du modèle de van Genuchten (van Genuchten., 1988) sont utilisées pour calculer les saturations en eau ainsi que les perméabilités relatives.

L’équation de transport comprend le transport par advection et dispersion dans la phase aqueuse de multiples espèces dissoutes, ainsi que la diffusion moléculaire dans la phase gazeuse, et différentes sources réactives (la dissolution et précipitation des minéraux, ou des échanges entre les phases, ect.) :

, , , ,

.

.

.

0

a g a j g j a a g a j a a j g g j a a a s a ext g ext j j j j

d

d

S

T

S

T

dt

dt

q T

S

D T

S

D T

Q

Q

Q

Q







 



 

(1)

où Sg est la saturation de la phase gazeuse, Tja (mol/L(H2O)) et Tjg (mol/L(gaz)) sont les

concentrations totales dans la phase aqueuse et la phase gazeuse du composant j (respectivement), qa (m/s) est le flux de Darcy, Da (m2/s) est le coefficient de dispersion

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spécifique du composant j dans la phase aqueuse et et Dg (m2/s) est le coefficient de

diffusion spécifique du composant j dans la phase gazeuse, Qja,a et Qja,s (mol/dm3)

représentent les contributions de Tja dues aux réactions intra-aqueuse et de précipitation-

dissolution (respectivement). Enfin, Qja,ext et Qjg,ext (mol/dm3) représentent les sources

externes pour les phases aqueuse et gazeuse (respectivement).

Pour les phases minérales, l’équation du bilan de masse pour un minéral i est la suivante :

m m i i

d i

V R

dt

Où φi, est la fraction volumique du minéral, Vim (dm3(minéral)/mol) est le volume molaire du

minéral et Rim (mol/dm3(milieu poreux)/s) est le taux de dissolution-précipitation pour le minéral.

Les relations physiques et chimiques sont incluses de manière implicite dans les équations et ne sont pas détaillées dans le présent document. Par contre un inventaire complet des équations incluses dans MIN3P est proposé par Mayer et al. (2002).

Concernant la géochimie, les réactions à l’équilibre et contrôlées cinétiquement sont considérées. Pour la thermodynamique, la formulation et la base de donnée utilisées par le model d’équilibre thermodynamique MINTEQA2 (Allison et al., 1991) ont été intégrées dans MIN3P (l’utilisateur peut aussi ajouter ou modifier des données). Pour ces réactions, la température est constante et considéré à 25°C. Les variations de température sont seulement prises en compte dans le cas des réactions de dissolution-exsolution des composants du gaz à l’équilibre. En ce qui concerne les réactions contrôlées cinétiquement, l’utilisateur doit imposer lui-même les valeurs des taux de réaction correspondants et peut même modifier la surface spécifique du minéral en question.

Dans une version plus récente, l’advection des gaz a été implémentée dans le code MIN3P (Molins et Mayer., 2007). Cependant, elle ne peut être utilisée que dans certains cas en fonction des conditions aux limites imposées.

D’autres modèles numériques capables de simuler aussi des processus couplés existent, comme TOUGH, COMSOL ou DUMUX et auraient pu être testé dans notre cas d’étude. Le modèle MIN3P est un bon candidat car c’est le seul modèle numérique qui a déjà été testé et utilisé pour la carbonatation minérale dans les résidus miniers, et surtout, il est capable

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de simuler l’ensemble des processus participant à la séquestration du CO2 au sein des piles

de résidus.

1.5 La carbonatation minérale dans les résidus miniers

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