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Parcelles expérimentales

1.5.2 État des connaissances et des recherches

Des ouvriers de la mine ont signalé à des chercheurs de l’Université Laval que la neige fondait à certains endroits sur la pile principale de résidus d’amiante de Black Lake. Des teneurs très faibles de CO2 contenu dans les gaz analysés au-dessus de ces évents, ainsi

qu’une température nettement supérieure par rapport aux conditions atmosphériques, ont laissé envisager une réaction exothermique comme la carbonatation minérale. Les travaux réalisés à ce jour sur les résidus miniers de Black Lake sont résumés ci-dessous.

Dans un premier rapport, Huot et al. (2003) définissent les caractéristiques physiques et chimiques des résidus de l’exploitation de l’amiante du sud du Québec. Ils déterminent différentes classes granulométriques pour les résidus et estiment que la majorité des rejets est essentiellement composée de serpentine (chrysotile, lizardite, antigorite). L’une des découvertes majeures de cette étude est l’identification de l’hydromagnésite cristallisée dans les piles de résidus. Vigneau (2004) a par la suite déduit que la quantité d’hydromagnésite varie selon l’âge des couches et la granulométrie.

Dans un autre rapport, Grenier (2010) tente de modéliser la réaction géochimique entre le CO2 atmosphérique et le chrysotile pour former de l’hydromagnésite. Il met en évidence

l’influence de la température, du pH et de la pression partielle du CO2 dans l’eau sur le taux

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En laboratoire, des expériences menées à l’aide de l’eudiomètre Laval ont permis de mesurer l’influence de plusieurs paramètres sur les vitesses de carbonatation (Pronost et al., 2010). Les paramètres critiques sont :

‐ La granulométrie : les particules fines retiennent plus d’eau et donnent un meilleur rendement que les particules grossières;

‐ L’humidité relative : la réaction nécessite un certain taux d’humidité, mais un échantillon saturé en eau aura un moins bon rendement qu’un échantillon humide; ‐ La concentration en CO2 dans le gaz : plus elle est élevée et plus la vitesse de

réaction est élevée.

De nouveaux résultats obtenus en laboratoire avec les eudiomètres, dans des conditions pression-température proches des conditions atmosphériques, sont présentés dans Pronost et al. (2011). Les analyses ont porté sur l’identification des carbonates en fonction des conditions, ainsi que sur les vitesses de réactions selon la proportion de brucite par rapport au chrysotile dans les mélanges expérimentaux. La vitesse et les taux de CO2 piégé

augmentent de façon significative avec l’augmentation de la proportion de brucite. De plus, la teneur initiale en CO2 détermine la vitesse de réaction et augmente proportionnellement

avec l’augmentation de la teneur en CO2.

Plusieurs tests avec les eudiomètres ont aussi été réalisés pour évaluer la réactivité de résidus miniers de différentes mines et de projets miniers (Black Lake, Asbestos, Dumont, Raglan et Renard), et pour optimiser la carbonatation minérale des résidus miniers par des manipulations physico-chimiques et l’ajout de sels organiques neutres (Tremblay, 2013). Les résultats montrent par exemple que la teneur en eau doit varier entre 20 % et 60 % pour obtenir une réaction optimale et que l’ajout de chélates (solution d’EDTA concentrée à 0.19 M, pH 8.5) permet d’augmenter l’absorption du CO2 d’environ 24%.

Sur le terrain, la température et la composition de l’air sont analysées. Pronost et al. (2012) publient les mesures collectées de 2009 à 2010 à la surface des piles de résidus de la mine de Black Lake, à Thetford Mines, au niveau des évents d’air chauds. Durant les mois plus froids, ils observent des températures nettement plus élevées que celles de l’air ambiant : jusqu’à 20°C de plus pour les gaz sortant de la pile. De plus, les teneurs en CO2 sont

nettement plus faibles (< 24 ppm) que dans l’air atmosphérique (385 ppm en moyenne). En été, les mesures de température au niveau des évents ne sont pas très différentes de celles de l’atmosphère, et la diminution de la concentration en CO2 au-dessus de l’emplacement

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des évents est moins spectaculaire qu’en hiver (> 270 ppm), mais ces observations sont toujours compatibles avec la théorie de la carbonatation minérale à l’intérieur de la pile de résidus miniers. En effet, la baisse du taux de CO2 et l’augmentation de la température par

rapport à l’air ambiant mettent en évidence une réaction exothermique, telle que la carbonatation minérale de façon naturelle et passive.

Par la suite, une série de tests sur des échantillons de résidus miniers déposés en lit de quelques millimètres d’épaisseur dans des colonnes en laboratoire a été effectuée. Avec des conditions pression-température proches des conditions atmosphériques, Assima et al. (2012) déterminent les fréquences d’arrosage et la teneur en eau qui permettent d’augmenter significativement le taux de carbonatation. Ils mettent en évidence le phénomène de passivation par l’oxydation du fer qui limite la carbonatation minérale. Ensuite, les recherches se sont focalisées sur les effets de la granulométrie et de la composition minéralogique. Ces investigations ont montré la forte influence de la brucite sur les vitesses de réactions ainsi que le l’effet de la saturation en liquide (optimum obtenu près de 30 %, Assima et al., 2013a). Concernant la saturation en eau, une étude plus poussée sur des résidus miniers de nickel a été menée pour comprendre comment la saturation en eau influence la réaction. Assima et al. (2014b) montrent que la diffusion du CO2 est ralentie

quand le milieu est saturé, mais que la dissolution du magnésium est trop faible s’il n’y a pas assez de liquide. Étant donné le rôle prépondérant de la brucite sur le taux de réaction de carbonatation des résidus miniers, cette phase minérale a été quantifiée en utilisant un couplage d’analyse thermogravimétrique et un spectromètre de masse (3,91 % de brucite dans la fraction < 75 μm des résidus miniers de Black Lake; Assima et al., 2013b). Dans une autre publication où les taux de carbonatation de différents résidus miniers sont comparés, ils confirment à nouveau que la teneur en brucite joue un rôle primordial, mais aussi que la serpentine fibreuse (le chrysotile) donne un meilleur rendement que les autres serpentines massives (lizardite et antigorite) (Assima et al., 2014a). Enfin, l’effet de la température et de l’oxygène ont été étudiées (0 à 40°C et 0 à 20 % d’oxygène), montrant que la dissolution des silicates est significativement améliorée avec l’augmentation de la température mais que la présence de Fer (III) favorisée par l’oxygène dissout est défavorable (Assima et al., 2014c).

D’autres publications (Larachi et al., 2010, 2012) complètent la série, mais s’intéressent plus à la chimie de la réaction dans des conditions pression-température beaucoup plus élevées que celles qui nous intéressent dans la région de Thetford Mines.

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Ces travaux effectués ont permis d’approfondir les connaissances sur la carbonatation minérale dans les résidus miniers de composition ultramafique. Toutefois, la majorité des recherches ont été réalisées en laboratoire dans des conditions contrôlées, mettant en évidence des paramètres critiques tels que la minéralogie, la granulométrie, la saturation en eau, la fréquence d’arrosage, etc. Or, la variabilité de la granulométrie et de la minéralogie des résidus ainsi que les changements saisonniers propres au Québec rendent l’évaluation de l’influence de chaque paramètre beaucoup plus complexe. De plus, un effet d’échelle est très probable, l’agencement des résidus miniers en piles gigantesques supérieures à 100 m de hauteur créant un milieu poreux particulier, avec des conditions très différentes en surface et en profondeur en raison, notamment, de la proximité avec l’atmosphère. Afin de prédire l’évolution de la carbonatation minérale et la quantité de CO2 qui peut être

séquestrée, des études sur le terrain s’échelonnant sur plusieurs années avec une quantité importante de résidus miniers doivent être réalisées afin de vérifier que les processus identifiés en laboratoire aient aussi lieu sur le terrain.

1.6 Objectifs

L’objectif général de cette étude est de quantifier le processus de carbonatation minérale des résidus miniers de composition ultramafique, de façon naturelle et passive, pour estimer la quantité de CO2 pouvant être piégée par ce processus.

Étant donné l’immense taille des piles de résidus de la mine de Black Lake et les difficultés associés pour son investigation, deux parcelles expérimentales de taille réduite ont été construites et instrumentées sur le site avec des résidus miniers de Black Lake fraichement traités pour en extraire le chrysotile. Le but de ces constructions est d’étudier la carbonatation minérale à une échelle intermédiaire entre les essais en laboratoire et le parc à résidus. L’hypothèse derrière cette approche est que les processus qui ont lieu dans la parcelle expérimentale sont les mêmes que dans les piles de résidus miniers.

Le premier objectif est de proposer un modèle conceptuel de la réaction de carbonatation minérale dans cette parcelle expérimentale à partir des observations réalisées sur le site.

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Le second objectif est de valider le modèle conceptuel et de quantifier la quantité de carbone minéralisée dans la parcelle expérimentale à l’aide de simulations numériques qui considèrent les processus observés sur le terrain.

Cette étude permettra de mieux comprendre comment la carbonatation minérale s’effectue dans les piles de résidus miniers sous des conditions environnementales naturelles et vérifier si les processus de carbonatation identifiés en laboratoire sont également valides dans les piles de résidus. Il est attendu que la compréhension du phénomène de carbonatation minérale à l’échelle des parcelles expérimentales pourra permettre de quantifier le potentiel de carbonatation des piles de résidus miniers.

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