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2. L ’ ÉCRITURE

2.4 Les modèles de description du processus cognitif d’écriture

2.4.2 Le processus d’écriture

Les études menées à ce jour aussi bien en FLM28 (Barré-de Miniac, 2007 ; Garcia- Deblanc et Fayol, 2002 ; Lord, 2008 ; Reuter, 1996 ; Piolat, 2004) qu’en FLS/FLE29 (Barbier, 2003 ; Cavanagh, 1997 ; Cornaire et Raymond, 1999) soutiennent que les fondements du processus d’écriture tiennent en trois principales opérations : la planification, la mise en texte et la révision. Dans la section suivante, nous présentons succinctement les cinq opérations d’écriture notamment la planification, la mise en texte, la révision, le contrôle et la publication.

2.4.2.1 La planification

Dans le processus d’écriture, la planification est une première étape (Cavanagh, 1997) subdivisée en sous-processus que les auteurs nomment de deux façons : la conception (generating) ; l’organisation (organizing) et le recadrage (goal setting) chez Torres (2004). Flower et Hayes (1981) définissent la planification comme une représentation interne et abstraite des connaissances qui devront être utilisées pour écrire un texte. C’est l’étape qui requiert du scripteur la recherche dans sa mémoire à long terme des connaissances qui se rapportent au sujet du texte à rédiger. La planification paraît donc essentielle dans le processus de rédaction et devrait représenter 70% du temps d’écriture (Murray, 1982). L’étape de planification du processus d’écriture est fondamentale (Gould, 1980). Elle l’est d’autant plus pour les scripteurs de L2 et Hall (1995) indique que les élèves de L2 devront y consacrer « trois fois plus de temps qu’en L1 » afin de créer l’expérience linguistique. La planification est le moment idéal pour se préoccuper du vocabulaire (Hall, 1995). Belgar et Hunt (2005) suggèrent que « l’acquisition du vocabulaire est très importante et, peut-être même, dans une certaine mesure, centrale dans l’acquisition d’une L2 » (p. 7).

28 Français langue maternelle.

Il convient aussi de signaler que les scripteurs experts ou qualifiés se distinguent par leur capacité à planifier, à organiser les idées, à se relire et à modifier leur texte au fur et à mesure qu'ils écrivent en L2 (Krashen, 1984). Ils passent beaucoup plus de temps dans cette opération (Hillocks, 1986) comparativement aux élèves qui consacrent peu de temps (trois minutes en moyenne) à penser et à planifier la façon d’exprimer leur pensée avant de les mettre en texte (National Center for Éducational StatisTIC, 1996). Ils n’ont donc pas accès à l’information et aux idées qui pourraient améliorer leur écriture. L'utilisation de la L1 à l'étape de planification est courante chez bon nombre d'apprenants de L2 (Cumming, 1989 ; Jones et Tetroe, 1987).

Par ailleurs, selon, De Koninck et Boucher (1993) « un scripteur qui écrit un texte dans une L2 est tenté de maintenir un certain niveau de qualité, un standard auquel il était habitué dans sa L1 » (p. 31). Cette pratique serait très dommageable pour certains apprenants adultes allophones30 dont la langue première est très éloignée de la L2.

En L2, le scripteur a tendance à se concentrer directement sur les unités minimales de la langue (orthographe lexicale et grammaticale) sans prendre le temps de prévoir l’organisation générale de son discours (Dezutter et al., 2010), ce qui rend « les textes produits en L2 de moins bonne qualité que les textes produits en L1 ». (Ibid., p. 26). En résumé, la planification aide à organiser des idées que l’on mettra en texte (Cornaire et Raymond, 1999).

2.4.2.2 La mise en texte

La mise en texte est la seconde étape du processus d’écriture. Précédée de l’étape de planification, la mise en texte est suivie de la révision, du contrôle et de la publication. La mise en texte occupe une place stratégique, voire centrale, car elle exige du scripteur la mobilisation de

30 Ce sont de faibles écrivains d’après le National Center for Education StatisTIC (1996). À ce niveau, ils sont plus préoccupés par les mécanismes de l'écriture, en particulier l’orthographe.

plusieurs tâches en faisant appel à la mémoire à long terme susceptible d’aider à mettre en mot les idées conçues, organisées et rassemblées dans la phase de planification. Ainsi, Piolat et Roussey (1992) la définissent comme « un processus de textualisation qui permet, moyennant une récupération en mémoire des connaissances linguistiques nécessaires, de linéariser en langage les plans. Cette opération s’opère selon les contraintes de la langue […] et s’accompagne d’une importante argumentation du volume du texte » (p. 108). La mise en texte est une étape complexe à laquelle d’après Fayol (1996) viennent se greffer des problèmes à trois niveaux : le lexique, la syntaxe et le texte. Pour les apprenants en L2, c’est ici qu’intervient souvent le transfert des habiletés de la L1 vers la L2 et la compétence obtenue dans l'écriture en L1 joue un rôle primordial dans leur production de textes en L2 (Berman, 1994 ; Bosher, 1998 ; Carson et Kuehn, 1994 ; Cohen et Brooks-Carson, 2001 ; Cumming, 1989 ; Raimes, 1987 ; Sasaki et Hirose, 1996 ; Shi, 2003 ; Uzawa, 1996 ; Zamel, 1983). De plus, la complexité de la mise en texte provoque souvent chez le scripteur en L2 la surcharge de la mémoire de travail (Barbier, 2003 ; Cornaire et Raymond, 1999). À ce moment-là, les scripteurs en L2 se concentrent sur certains aspects de la mise en texte plus que sur d’autres.

2.4.2.3 La révision

Cette étape est importante dans la mesure où pour les didacticiens en langues maternelle et seconde, apprendre à écrire, c'est aussi apprendre à réviser (Barnett, 1989 ; Bisaillon, 1991 ; Marquillo, 1993). La révision est le dernier processus impliqué dans l'activité. Elle nécessite une relecture, locale ou globale, pour identifier les erreurs de sens ou de forme puis éventuellement la correction. C'est un processus plus indépendant que les autres qui sont tous très imbriqués. Celui- ci suppose une distance et peut parfois entraîner une restructuration globale du texte. L'observation la plus simple montre que ce processus est de plus en plus développé en fonction

de l'expérience et de la qualité du scripteur. Les scripteurs ayant le plus besoin de cette révision étant ceux-là même qui le négligent le plus. (Tremblay, Lacroix et Lacerte, 1994). Pour Piolat et Roussey (1994), la révision est gérée par plusieurs processus dont les principales étapes de mise en œuvre sont : 1) retourner par la lecture au produit en cours d'écriture ; 2) élaborer une représentation du texte en cours d'écriture ainsi que du texte projeté ; 3) évaluer, en les comparant, l’homologie de ces deux représentations ; 4) diagnostiquer la (ou les) raison(s) de la nature de l'écart ; 5) procéder à une transformation du produit ou des plans. Dans l’opération de révision, s’observe aussi le transfert de stratégies de L1 vers L2. En L2, les difficultés rencontrées par les scripteurs découlent des contraintes de l'acte d'écrire. Par exemple, les scripteurs qui révisent peu leur travail en L 1 ne seront pas plus portés à le faire en L2 (Heuring, 1984 ; Gaskill, 1985). Pétillon et Ganier (2006), chercheurs en psychologie cognitive ajoutent que la révision et la réécriture sont particulièrement rares chez les scripteurs novices.

2.4.2.4 Le contrôle et la publication

L’écriture est un travail qui requiert du scripteur un va-et-vient permanent entre les opérations de planification, de mise en texte et de révision. Selon Riegel, Pellat et Rioul (2004) « l’écrit se construit seul tout en étant régressif. Il permet donc au scripteur de penser et d'élaborer son message tout en revenant en arrière aussi souvent qu'il le désire, ce qui confère à la communication écrite un caractère plus fini et plus continu que l'oral » (p. 30-31). Piolat (1987) ajoute que le scripteur qui veut contrôler la rédaction de son texte doit être capable de : 1) comparer le texte qu'il a écrit avec celui qu'il veut écrire (l'image du texte idéal), de ce fait, il pourra identifier les décalages qui existent entre l'objet réel et l'objet virtuel. 2) diagnostiquer l'origine du décalage et entreprendre les ajustements indispensables pour le réduire. Ce contrôle doit se faire à plusieurs niveaux dans le texte, car ces décalages peuvent être observés sur des

aspects du texte (exigeant des corrections de type lexical, syntaxique par exemple) et sur des aspects plus profonds (exigeant des corrections de type sémantique ou pragmatique).

S’agissant de la publication qui est l’étape finale du processus, le produit fini est porté à la connaissance du public ciblé. L’opération de publication exerce une influence motivationnelle sur le scripteur, car elle permet de bien contrôler la qualité de l’écriture. Souvent les apprenants sollicitent l’aide de l’enseignant pour qu’il corrige leur produit final avant la diffusion (Ollivier et

al., 2007). La publication permet aussi de porter davantage attention à la présentation du texte.

En conclusion de cette partie, trois dernières décennies ont vu l'émergence de nouvelles pratiques dans les classes qui se sont déplacées au-delà de la répétition par cœur et de l'enseignement de technique. L'écriture est enseignée en tant que véhicule pour l'expression créatrice et la pensée critique. Plutôt que de se concentrer sur l'orthographe, la grammaire et d’autres conventions d'écriture, les recherches en didactique ont mis au point des approches plus globales visant à enseigner le processus même de l'écriture (McCarthey, Hoffman, Stable, Elliott, Dressman, et Abbott, 1994). Les opérations liées à la compétence scripturale sont donc en partie celles qui concernent le processus d’écriture. Comme nous venons de le voir, la compétence à écrire est donc un ensemble de composantes structurées autour de trois axes principaux : le processus d'écriture (planification, mise en texte, amélioration, révision), le produit (communication, texte, langue), le scripteur (connaissances, savoir-faire et attitudes). Il convient de rappeler que les études sur le processus de rédaction ont permis de mettre à jour le fait que celui-ci comporte plusieurs étapes qui sont fluides et qui se chevauchent entre elles (Bereiter et Scardamalia, 1982 ; Flower et Hayes, 1981 ; Murray, 1982). En d’autres termes, les processus impliqués dans l'écriture sont récursifs et hiérarchiquement liés (Bereiter et al., 1982) c’est-à-dire que le scripteur doit effectuer des allées et venues continues entre les trois opérations du

processus d’écriture (la planification, la mise en texte et la révision) et à assurer une liaison entre elles.

Nous retenons également que les recherches existantes sur le processus d’écriture montrent que tandis que la parole est un processus très naturel de développement de la cognition humaine31, la lecture et l'écriture ont besoin d'une formation spécifique afin que les apprenants parviennent à développer la compétence scripturale (Pugh, Mencl, Shaywitz, Shaywitz, Fulbright, Constable et al., 2000). De plus, un travail explicite sur le processus d'écriture est un moyen efficace d'enseigner aux élèves à être de bons scripteurs (Campbell et Mazzeo, 1999 ; Flower et Hayes, 1981 ; Greenwald, Persky, Unger et Fleischman, 2004 ; National Center for Education StatisTIC, 1996).

La production écrite en L2 fait aujourd’hui l’objet de quelques modélisations qui mettent l’accent sur la façon dont les rédacteurs en L2 procèdent pour les différentes étapes du processus rédactionnel. Deux propositions de modélisations permettent de mieux comprendre l’actualité des travaux sur la production écrite de textes en L2 : celles de Wang et Wen (2002) et de Zimmerman (2000). Pour ces deux modèles, les propositions de Hayes et Flower (1980) constituent une source d’inspiration importante, comme cela a été le cas pour tous les travaux de recherche sur la rédaction (Barbier, 2003).