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2. LA DESCRIPTION DU PROBLÈME

2.4 Les adultes immigrants et l’apprentissage du français

2.4.5 Les difficultés liées aux facteurs socio-affectifs

L’affectivité exerce une influence significative dans l’environnement d’apprentissage de la langue seconde (Housen, 2002). Le domaine affectif est un domaine complexe. C’est le monde des valeurs, des attitudes, des émotions, des sentiments et de la compétence qu’on se reconnaît (Martin, 1989).

Le monde affectif de l’apprenant exerce une grande influence sur l’acquisition de nouvelles connaissances. Comme nous sommes dans un contexte de formation des immigrants adultes au FL2, il est probable que l’apprenant allophone, au cours de son apprentissage, soit ébranlé dans ses valeurs, ses croyances et sa culture.

L’influence de la motivation et des attitudes des apprenants sur l’apprentissage des langues secondes a fait l’objet de nombreuses recherches (Gardner, 1985, 2001a, 2001b ; Gadner et Lambert, 1959 ; Gardner, Moorcroft et MacIntyre, 1987 ; MacIntyre, 2002 ; MacIntyre et Gardner, 1994 ; Viau, 1994, 1999). Pour parler spécifiquement de l’écriture, Barré-de-Miniac (2000) mentionne que le second modèle d’écriture de Hayes (1995) s’organise autour de deux composantes : la production écrite et l’individu (le scripteur). Selon elle, la composante « individu » regroupe trois catégories de variables : la motivation ; les connaissances du sujet et les processus cognitifs. Il existe donc « une relation (interne à l’individu) entre la motivation et l’écriture. Cette relation est à double sens : la motivation influe sur l’écriture comme sur toutes

les activités cognitives ; mais l’écriture influence aussi la motivation et l’affectivité » (p. 37). Pour Pritchard et Honeycutt (2007), dans les processus liés à l’apprentissage comme l’activation des connaissances antérieures et l’utilisation de mémoires à court et long termes, les facteurs affectifs et sociaux, comme la motivation, influencent l’écriture.

Au sujet de l’estime de soi et de la valorisation, les travaux de Duclos, Laporte et Ross (1995) ; Horwitz, Horwitz et Cope (1986) révèlent que l’estime de soi et la valorisation exercent un impact sur la motivation qui à son tour favorise l’ancrage de l’apprenant dans l’engagement et la persévérance dans l’activité à entreprendre. Mu par la motivation et se concentrant sur le processus d’apprentissage (engagement et persévérance) en corrigeant ses erreurs et en ajustant ses stratégies en cours de route, l’apprenant connaît indubitablement des succès. Il se sent alors efficace, étant conscient qu’il a adopté les bonnes attitudes et qu’il a choisi les bonnes stratégies. Il éprouve aussi un sentiment d’efficacité et de fierté qui nourrit l’estime de lui-même. Lorsqu’il se sent efficace et fier de lui, il développe graduellement sa compétence langagière.

En ce qui concerne le champ de « l’anxiété et de la confiance en soi », il a été investi par de nombreux chercheurs comme (Braden, 2003 ; Booth-Butterflied, 2008; Chastain,1975 ; Couzon et Nicoulaud, 2007 ; Dezutter, Casino et Sylva, 2010 ; Dôrnyei, 2005 ; Gadner, Lalonde, Moorcroft et Evers, 1987 ; Kleinmann, 1977 ; Macintyre, 2002 ; Macintyre et Gadner, 1994 ; Simons et Decco, 2007 ; Steinbach, 2010 ; Young, 1990, 1991). Selon ces auteurs, l’anxiété et la confiance influencent de manière significative l’apprentissage d’une langue seconde. Chastain (1975) et Kleinmann (1977) pensent qu’il existe une relation positive entre l'anxiété et l'apprentissage des langues secondes c’est-à-dire que les apprenants qui éprouvent plus d'anxiété dans leurs cours de langues réussissent mieux. Dans le même ordre d’idées, Dôrnyei (2005) établit une distinction entre l'anxiété bénéfique et l'anxiété débilitante. Selon Macintyre (2002),

l'anxiété bénéfique peut avoir un impact positif sur l'apprenant parce qu'elle engendre chez lui une augmentation de l'effort. En revanche, l'anxiété débilitante selon une théorie développée par Tobias (1986) et soutenue par le modèle de Macintyre et Gardner (1994, cité dans Balley, Onwuegbuzie et Daley, 2003) nuit aux trois étapes de l'apprentissage : l'input, le traitement (processing), et l'output. Selon Dezutter, Cansigno et Sylva (2010), « le stade de l’input représente l’appréhension ressentie lorsqu’une information relative à la L2 est recueillie, le stade du processing fait référence à l’anxiété vécue lors de l’apprentissage ou la pensée en L2 et le stade de l’output décrit l’anxiété ressentie lors de la communication ou de l’écriture » (p. 31).

Plusieurs chercheurs reconnaissent le travail en équipes coopératives comme un facteur favorable à la réduction de l’anxiété langagière des apprenants (Young, 1991 ; Young, 1992). Il permet aux apprenants d’utiliser davantage la langue cible que lors des interactions entre l’enseignant et le groupe-classe. Dans une équipe coopérative, l’apprenant a moins peur de faire des erreurs. Il est moins agité, éprouve moins de pression et se sent en quelque sorte soulagé. Dans ce type d’activités, les apprenants anxieux voient que leurs pairs sont à même de faire des erreurs semblables. Ils constatent qu’ils ne sont pas plus compétents qu’eux. Cette forme de socialisation influe donc positivement sur l’apprentissage de la production écrite. D’ailleurs à ce sujet, il paraît important de signaler que la collaboration des pairs est une composante nécessaire dans toutes les étapes du processus d’écriture Peregoy et Boyle (2005) notamment dans la phase de révision (Blain et Painchaud, 1999).

Au regard de ce qui précède, nous constatons que la dimension affective réside au cœur même du processus d’apprentissage de la langue seconde. En ce qui concerne notre étude, le rôle de la personne enseignante s’avère capital dans la gestion des facteurs socio-affectifs impliqués aux différents moments de l’enseignement des habiletés rédactionnelles. Cet enseignement

consiste à savoir comment expliquer, démontrer et fournir un appui pédagogique aux étapes du processus de l’acte d’écrire.

En conclusion de cette sous-section, la personne enseignante gagne à proposer aux apprenants en contexte de francisation des activités qui ne soient pas incompatibles avec les expériences ou les acquis antérieurs de l’apprenant adulte immigrant. Comme le suggèrent Denhière et Le Ny (1980), les formateurs doivent disposer d’un support sur le plan affectif afin d’attirer l’attention de l’apprenant adulte immigrant sur ses états affectifs, ses préférences, ses attractions, ses aversions qui peuvent guider son choix ou son rejet des informations suivant les attitudes qu’il éprouve à l’égard des objets, des personnes ou des événements rapportés dans un texte. Outre cette dimension affective, la dimension sociale de l’apprentissage paraît tout aussi fondamentale, car entrer en contact et avoir de bonnes relations avec d’autres personnes fait partie de la croissance personnelle de tout individu (Burge, Howard et Ironside, 1991). Ces contacts comme le soulignent (Kirkup et Prummer, 1990) peuvent aussi faciliter l’apprentissage et permettre aux apprenants d’acquérir de nouveaux comportements et attitudes qui pourraient engendrer chez eux l’extériorisation de leurs connaissances, de leurs attitudes et de leurs sentiments.

La question générale de recherche

Au regard du manque de documentation sur le contexte de l'enseignement de la production écrite des immigrants adultes en contexte de francisation, notre recherche, qui concerne une étude du cas des institutions de formation en région, s’organise autour de la question principale suivante :

Quelles sont les pratiques d’enseignement de l’écriture en français langue seconde (FLS) dans les classes de première francisation des immigrants adultes et les discours associés à cet enseignement ?

Cette question appelle quelques sous-questions :

 Quels sont les discours des personnes enseignantes de l'étude sur l'enseignement de la production écrite en FLS à des immigrants adultes peu scolarisés ?

 Comment la personne enseignante soutient-elle les apprenants adultes dans le développement de leur compétence à écrire ?

Nous venons de présenter la problématique de notre recherche qui débouche sur la question générale de recherche. Pour circonscrire cette question générale de recherche, nous avons élaboré, dans le chapitre suivant, un cadre conceptuel qui nous a permis de mieux comprendre les pratiques d’enseignement de la production écrite en français langue seconde (FLS) dans les classes de première francisation des immigrants adultes et les discours associés à cet enseignement.

Le cadre théorique, en plus des explications des concepts qu’il fournit, s’appuie sur une théorie particulière qui « guide le chercheur comme le chien guide l’aveugle. Les résultats de la recherche confirment ou non la validité de la théorie comme l’arrivée à destination de l’aveugle témoigne de la valeur de son fidèle compagnon » (Gauthier, 2009, p. 107). Comme le suggèrent Fortin, Côté et Fillon (2006), ce chapitre commence par une « une brève explication d’un ensemble de concepts et de sous-concepts interreliés et réunis en raison de leurs rapports avec le problème de recherche » (p. 97). Selon Mace et Petry (2000), le concept demeure « l’instrument fondamental en recherche scientifique ; c’est le pivot de la recherche scientifique sur lequel repose tout notre savoir, car sans concept bien défini, aucune connaissance scientifique n’est possible » (p. 28). Nous avons donc choisi de définir les concepts suivants : l’alphabétisation (1), l’écriture (2), les pratiques enseignantes (3) et les pratiques d’enseignement de l’écriture en langue seconde chez les adultes allophones issus de l’immigration (4). Pour ce qui est du cadre théorique, nous avons été guidé dans notre recherche par les travaux en psychologie cognitive éclairant le processus d'écriture notamment le modèle de Hayes et Flower (1980). Nous avons également convoqué le cadre de Bucheton et Soulé (2009) qui décrit les différentes composantes de l’agir enseignant dans la classe et celui de Dolz, Gagnon et Toulou (2008) sur les trois dimensions de l’écriture.

Envisager la classe de francisation comme une communauté regroupant les apprenants peu alphabétisés nous amène à nous intéresser, d’entrée de jeu, à la question de l’alphabétisation.