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Les procédures de recomposition en agriculture : une approche statistique difficile

Dans le document LE CONCEPT D'AGRICULTURE DE TERROIR (Page 197-200)

CHAPITRE II : RECOMPOSITIONS ET PERSPECTIVES DE L’ECONOMIE RURALE

SECTION 1 : NAISSANCE D’ESPACE RURAUX CONVOITES

III) Les procédures de recomposition en agriculture : une approche statistique difficile

J. Klatzmann, posait la question de savoir qu'elle est la place de l'agriculture dans un contexte de croissance démographique du monde rural312. Cette question très sensible a néanmoins une réponse si on considère l'espace. On a vu que les campagnes, pour la plupart en voie de recomposition démographique, subissent toujours un mouvement séculaire de déclin de leur population agricole. Actuellement, cette contraction des actifs agricoles persiste au sein d’une majorité de territoires ruraux313

A) De nouvelles modalités dans la relève des populations agricoles

et s’accompagne d’une érosion continue du nombre des exploitations. D'ailleurs, la tendance à la diminution du poids social de l’agriculture a été longtemps la contrepartie de la performance économique. De nombreuses régions agricoles ont ainsi connu une croissance économique spectaculaire, avec pour contrepartie la disparition massive d’exploitations permettant des restructurations foncières plus aisées. Actuellement, la répartition des richesses agricoles est très inégale selon les territoires, ces disparités semblent définir pour l’avenir, les espaces condamnés à la marginalisation et d’autres voués à une domination durable.

Ce fait démographique est-il toujours composé des mêmes tendances ? On peut émettre des réserves. De plus en plus souvent, des événements atypiques se révèlent concernant les modalités de relèves de la population agricole. Peut-on appréhender statistiquement ces nouvelles démographies agricoles et a-t-on la possibilité de percevoir à travers les données officielles, les éléments d’une recomposition agricole émergente ?

La première question qui se pose en matière de prospective agricole est sous nul doute, celle de la succession en agriculture. Les informations disponibles à ce sujet montrent un certain nombre de différenciations spatiales qu'il convient de souligner.

1) Une problématique de succession en agriculture différente suivant les territoires

Il est indéniable que le problème de la succession se pose de façon différente suivant les territoires. Ainsi, en Champagne-Ardenne, 44 % des chefs d’exploitation de plus de 50 ans connaissent leur successeur. Ils sont 30 % en Languedoc-Roussillon et seulement 25 %

567 p., ainsi qu'un numéro spécial de la RERU, Milieux innovateurs réseaux d'innovation (1991) Revue d'Economie Régionale et Urbaine, n° 3/4, pp. 295-533.

312 J. Klatzmann (1991) Une agriculture en déclin démographique dans un monde rural en croissance, Economie Rurale, n° 202-203, pp. 10-13.

313

J.M. Floch (1994) Les agriculteurs exploitants : Evolutions départementales, Economie et Statistiques, n° 274/4, pp. 43-56.

dans les régions de l’ouest (Pays de Loire, Basse-Normandie et Bretagne)314. Ces taux masquent également des différences dans les processus de succession, même si des travaux en illustrent la pluralité315. Globalement, les successeurs sont en majorité des membres de la famille (à 90 %), mais des disparités régionales s’observent dans les régions sud (PACA, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Aquitaine)316

a) Des installations de plus en plus souvent non aidées

. Ces régions ont des successeurs le plus souvent extérieurs à l’agriculture, indépendamment du lien familial. On devra donc s’interroger sur les critères qualitatifs qui concernent l’installation en agriculture.

Concernant les aides à l’installation, un nombre non négligeable d’exploitants s’installe sans avoir recours à ces dernières. C. Rialland317 (1992) constate que selon les chiffres des MSA de certains départements, la proportion de ces nouveaux venus en agriculture hors Dotations Jeunes Agriculteurs (DJA) 318 est loin d'être négligeable. Elle peut dépasser les 40 % des nouveaux inscrits, non compris les successions de conjoints retraités. Le nombre d’installations non aidées d’agriculteurs ayant entre 18 et 40 ans en Languedoc-Roussillon représentait 26 % des installations totales de cette tranche d’âge en 1991 selon la MSA319. Dans le département du Gard, le nombre des installations connues (DJA) s’est réduit de 110 en 1989, à 72 en 1992 puis à 47 en 1993 alors que, dans le même temps, 240 jeunes se sont affiliés à la MSA rien que pour l’année 1993320. Ces données posent la question de l’avantage ou de la contrainte que représente la dotation jeunes agriculteurs dans l’installation en agriculture, sachant que ces aides sont dépendantes de nombreuses contraintes ou conditions321

314

Selon les chiffres régionaux du Recensement Général de l’Agriculture en 1988. 315

B. Delors, Ph Lacombe (1988) Le renouvellement des agriculteurs, Etudes Rurales, n° 110-111-112, pp. 235-249

316 40 % des exploitants de plus de 50 ans des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées (ayant un successeur) ont un successeur extérieur à la profession agricole, plus de 50 % de ces mêmes exploitants sont dans ce cas en région Languedoc-Roussillon et PACA alors qu’à l’inverse, seulement 20 % de ces chefs d’exploitation en région Nord-Pas-de-Calais sont concernés.

317 D'après C. Rialland (1992) Géographie des installations en agriculture dans les Pays de la Loire, élément de comparaison avec le Québec, Thèse de doctorat en Géographie, Nantes, p. 30-31.

318 Dotations Jeunes Agriculteurs.

319 M.S.A. (1993) Les installations non aidées de jeunes agriculteurs, Observatoire économique de la Mutualité Sociale Agricole, pp. 40-44.

320 Une étude régionale en Rhône-Alpes, réalisée par J.C. Jauneau (1989), Evaluation des programmes locaux d’aides à l’installation en agriculture, CERF-ISARA, insiste sur la grande disparité pour les bénéficiaires des aides dans la mesure où ce sont les néo-ruraux agriculteurs qui ont le moins souvent la dotation jeunes agriculteurs (DJA) du fait, selon l’auteur, d’installations d’exploitations "non modernistes".

321

G. Ourliac(1994) La dotation aux jeunes agriculteurs, mesure d’incitation ou de dissuasion, Economie Rurale, n° 223, pp. 53-55.

. Le plus souvent, les nouveaux exploitants qui sont extérieurs à la profession ne constituent pas un modèle de structure qui soit en règle avec les contraintes de la DJA.

b) De plus en plus de femmes chefs d'exploitation

Les femmes ne sont plus à l’écart des constitutions et des créations d’entreprises agricoles. Au recensement de l’agriculture de 1988, elles étaient près de 150 000 à gérer des exploitations alors qu’elles n’étaient que 116 000 en 1979. Les 29 % d’agricultrices en plus peuvent s’expliquer en partie par les mesures de préretraites très récentes, la conjointe reprenant dans cette hypothèse l’exploitation jusqu’ici gérée par son mari322

322

Voir à ce sujet, S. Rattin (1993) 23 000 candidats à la préretraite en 1992, Cahier de l’Agreste, série analyses et études, n° 15, pp. 3-6.

. Cependant, cette explication n’est pas exhaustive. En 1989 et 1990, 64,4 % des agriculteurs ayant entre 18 et 40 ans et n’ayant pas bénéficié de la DJA sont des femmes, le plus souvent très jeunes, ayant moins de 25 ans. Les installations d’agricultrices ont été de 17 000 entre 1989 et 1991 au niveau national, ce qui représente 33 % des installations globales de chefs d’exploitations ayant entre 18 et 40 ans.

Dans le document LE CONCEPT D'AGRICULTURE DE TERROIR (Page 197-200)