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La diffusion spatiale de la reconquête : de la reconquête migratoire à la revitalisation

Dans le document LE CONCEPT D'AGRICULTURE DE TERROIR (Page 131-163)

CHAPITRE II : RECOMPOSITIONS ET PERSPECTIVES DE L’ECONOMIE RURALE

SECTION 1 : NAISSANCE D’ESPACE RURAUX CONVOITES

II) La diffusion spatiale de la reconquête : de la reconquête migratoire à la revitalisation

L'approche à partir du cas français n'est pas une simple analyse supplémentaire du phénomène. Cette étude démontre l'enchaînement de l'ensemble du mécanisme de la reconquête démographique, depuis le processus de la migration périurbaine, jusqu'à la phase de revitalisation.

A) Le renouveau démographique dans un contexte de régression agricole Nous allons, en premier lieu, comparer le déclin agricole dans l'espace rural pour le situer ensuite dans le contexte de la reconquête.

1) Un déclin de la population agricole dans la population rurale

Le repli de l'agriculture remonte à près d'un siècle. On peut observer aujourd'hui, une poursuite de cette tendance séculaire même si des disparités demeurent au sein des espaces ruraux. L'agriculture contribue pour 3,6 % au produit intérieur brute et les industries agro-alimentaires pour 3,2 % dans les années 90. L'analyse sur une plus longue période montre un repli relatif de cette activité agricole au sein de l'économie passant de 11,5 % dans les années 70 à moins de 7 % aujourd'hui235. Conjointement, la démographie agricole est en régression constante depuis plusieurs dizaines d'années, depuis les années 70, elle perd en moyenne 3,5 % de ses effectifs ce qui donne aujourd’hui une population familiale agricole, de l’ordre de 2,9 millions de personnes. Alors que l'entreprise familiale régresse peu à peu sur le plan démographique, le salariat se résorbe plus vite encore puisque le taux de régression est de 4.3 % par an depuis le choc pétrolier. En somme, les effectifs ont été divisés par trois en trente ans, actuellement, un actif sur dix-sept est agriculteur alors que la proportion était d'un pour quatre en 1954 (voir Tableau 14). De plus, l'entreprise agricole est de moins en moins comme les autres et se resserre autour de la famille236

Aussi, la France est soumise comme bon nombre de pays de l'Europe du Nord, à une résorption assez massive de sa population agricole. Dans la plupart des pays, elle compte désormais pour moins de 5 % de la population active totale. La population agricole régresse en valeur absolue (moins d'un million d'exploitation en 1990) mais aussi, en valeur relative au sein de la population rurale

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235 Ici, l'agriculture est perçue dans sa dimension la plus étroite; on peut l'appréhender sous sa forme élargie en considérant la filière agricole en général. L'approche de J.C. Bontron (1995) à partir de la sphère agricole établit le volume d'emploi directs et induits par l'agriculture à plusieurs millions In La contribution de l'agriculture à l'emploi dans les zones rurales, Economie Rurale, n° 225, pp. 15-21.

236 Voir à ce propos, B. Delors, Ph. Lacombe, (1990) Dynamiques des structures agricoles : exploitations ou familles ?, Economie Rurale, n° 199, pp. 19-25.

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La situation de l'agriculture et des agriculteurs est très bien présentée et analysée dans deux publications, B. Delors, Ph. Lacombe, (1993) Les agriculteurs et la société, in Naissance de nouvelles campagnes (sous

Tableau 14 : Evolution de la population agricole de 1954 à 1990 1954 1962 1968 1975 1982 1990 Agriculteurs exploitants 3 984 3 011 2 460 1 652 1 448 982 Salariés agricoles 1 151 830 588 372 304 282 Ensemble des actifs agricoles 5 135 3 841 3 048 2 024 1 752 1 264 Population active totale 19 151 19 164 20 439 31 771 23 525 25 033 Anciens agriculteurs 740 796 1 052 1 378 1 346 1 257 Population agricole 5 875 4 637 4 100 3 402 3 098 2 521 % des actifs Agriculteurs exploitants 30,8 15,7 20,0 7,6 6,2 3,9 Salariés agricoles 6,0 4,3 2,9 1,7 1,3 1,1 Actifs agricoles 26,8 20,0 14,9 9,3 7,5 5,0

Source : Données INSEE-RGP (CSP constante et définition constante de la population active), Unité en Milliers.

Ce déclin démographique est néanmoins variable selon les communes rurales, il peut être fonction de mode de spéculation, des différences de systèmes productifs, et de la taille de la commune. En fait, plus la commune est importante et plus l'agriculture devient faible en proportion des autres catégories de population comme nous pouvons l'observer avec le Tableau 15.

la dir.) B. Kayser, DATAR, éditions de l’Aube, pp. 65-87 et aussi, un ouvrage de l'I.N.S.E.E. (1993) Les agriculteurs, Coll. Contours et Caractères, éditions de l’INSEE, Paris, 139 p.

Tableau 15 : Evolution de la part de la population agricole totale dans la population rurale par tranche de commune

1968 1975 1982 1990 Moins de 50 habitants 26,0 35,9 35,3 31,5 de 50 à 99 habitants 27,3 32,7 31,6 25,6 de 100 à 199 habitants 27,7 27,8 26,3 22,4 de 200 à 499 habitants 26,0 23,0 19,4 16,7 de 500 à 999 habitants 22,8 18,6 14,5 12,0 de 1000 à 1999 habitants 18,7 14,5 12,2 9,7

Ensemble des communes rurales

22,9 19,2 16,7 13,1

Source : Données INSEE - RGP (1968, 1975, 1982, 1990, sondage au ¼)

A la suite d'une très forte concentration foncière dont nous présentions les caractéristiques dans le chapitre précédent, l'agriculture n'a pas perdu son emprise territoriale. La déprise foncière est, lorsqu'elle existe, variable. Elle ne dépend pas exclusivement de la bonne ou mauvaise santé de l'agriculture, elle est sensible, également, aux actions extérieures qui s'opèrent dans le rural (urbanisation, pression foncière non agricole, reforestation). On peut donc parler de régression agricole dans l'espace rural mais nous sommes beaucoup plus réservés sur la notion de déprise foncière qui serait exprimée en des termes identiques à ceux de déclin démographique. De la même façon, l'exode agricole, tel qu'il est perçu dans les statistiques, se révèle par une chute de l'emploi agricole. Il ne correspond pas à un départ d'actifs de l'agriculture, comme cela a pu être le cas autrefois. Il recouvre en fait des modalités plus discrètes, avec l'absence de succession des exploitants, leur vieillissement et leur disparition, et dans le même temps, une baisse du volume des entrants.

L'exode rural prend souvent une dimension plus large que l'exode agricole. La régression des marchés locaux, la concentration et la délocalisation des services aux populations et aux activités donnent au milieu concerné une image tragique. L'exode rural dramatise le processus d'exode agricole avec la disparition des services publics, école, poste, le commerce ou l'artisanat dans les petites communes.

L'exode agricole, sauf dans les zones difficiles de montagne et de piémont, ne se traduit pas, jusqu'à présent, par un abandon spectaculaire des terres et, par voie de conséquence, par une croissance des friches. L'exode favorise, au contraire, une concentration des exploitations avec la reprise des terres mises en disponibilité.

La pratique de la double activité, associant à l'agriculture d'autres formes d'activités économiques au niveau du chef d'exploitation ou d'autres membres de la cellule familiale, la diversification des sources de revenu des ménages permettent à des familles agricoles de

se maintenir sur l'exploitation même si cette dernière ne présente pas des critères stricts de rentabilité autonome. Alors que l'abandon de l'activité et éventuellement celui du milieu rural paraissaient irrémédiables du fait de la dégradation des revenus agricoles et de l'impossibilité d'accroître les capacités productives, la double activité joue un rôle essentiel dans le processus d'adaptation d'une partie des agriculteurs au changement économique comme le souligne B. Delors et P. Lacombe238

2) Le renouveau démographique en question

. En permettant d'atténuer l'intensité du processus d'exode, la double activité sera, à l’échelle d'une génération ou de deux, la procédure de glissement sans choc social ni traumatisme majeur, d'une partie de la société rurale de l'agriculture vers une activité non agricole. Elle est, en cela, un des mécanismes explicatifs de la rupture des liens entre exode agricole et exode rural.

Si la liaison entre exode agricole et exode rural paraît devoir aujourd'hui être nettement remise en cause, elle continue toutefois à se maintenir de manière très sensible dans certaines zones rurales dites profondes et sujettes, par voie de conséquence, à la désertification.

La régression des populations agricoles concerne le plus souvent les franges les plus traditionnelles de la société rurale. C'est toute une petite agriculture artisanale, où l'autarcie et la polyculture étaient encore courantes, qui disparaît, en même temps que les activités, tant industrielles que tertiaires, qui caractérisaient le monde rural d'autrefois.

Deux facteurs concomitants jouent dans le sens de l'effacement plus ou moins rapide de la société paysanne : d'une part, la généralisation des modes de consommation d'origine urbaine, du fait de la plus grande mobilité des populations et de l'intensification des moyens de communication, d'autre part, le brassage des populations, avec la poursuite de l'affaiblissement de la population agricole et autochtone et l'augmentation rapide et continue de la population rurale non agricole et souvent allochtone.

Les perspectives d'évolution de la population agricole laissent anticiper une poursuite de l'érosion quantitative avec toutefois un ralentissement de cette dernière. La masse globale des agriculteurs s'étant nettement affaiblie au cours des dernières décennies, la poursuite de l'exode s'en trouve nécessairement affectée, au moins dans son volume, d'autant plus que, la crise aidant, le marché du travail non agricole s'avère beaucoup moins attractif auprès des jeunes générations issues de l'agriculture239

238 B. Delors, Ph. Lacombe, (1984) La multiactivité des agriculteurs, conjoncture ou structure ?, in La pluriactivité dans les familles agricoles, Association des ruralistes Français (éditions), Paris, pp. 157-179.

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Une enquête comportant de nombreuses zones d'études a permis de révéler ces comportements. Les facteurs de glissements vers la ville sont très divers, cependant, 54 % des jeunes ruraux souhaitent plus

La croissance de la population rurale non agricole qui prend, à partir de 1975, une dimension largement perceptible devient par la suite spectaculaire et durable.

La conjonction des deux phénomènes démographiques conduit à une recomposition sociale qui modifie le fonctionnement local du milieu rural. L'implantation et le développement de nouveaux groupes sociaux, souvent issus du monde urbain, déterminent l'émergence de nouvelles sociétés locales, faisant référence à des valeurs différentes à la fois de celles du monde urbain et de celles des sociétés rurales traditionnelles.

La dynamique démographique des populations rurales repose sur les jeux conjoints du croît naturel et des échanges migratoires. Durant une longue période, le solde migratoire négatif lié à l'exode rural était compensé, ou tout le moins atténué, par un excédent naturel important. Les comportements natalistes des populations rurales favorisaient cet équilibre.

Le vieillissement des populations rurales autochtones, consécutif à la poursuite et la croissance d'un exode rural concernant principalement les classes jeunes, entraînera par la suite un affaiblissement des capacités de renouvellement naturel de la population. Cette nouvelle situation sera à l'origine du déclin démographique des campagnes.

A partir de la fin des années soixante, on commence à observer des modifications dans les comportements démographiques de certaines communes rurales. Peu à peu, la reprise démographique concerne un nombre croissant de communes rurales, le phénomène est d'autant plus surprenant qu'il fait suite souvent à une dépopulation quasiment séculaire240

a) L'origine urbaine du phénomène

. Cette croissance de la population ne peut pas reposer dans un premier temps sur une reprise de la natalité, compte tenu du vieillissement déjà mentionné. L'établissement de courants migratoires en faveur de certaines campagnes, la compensation, puis l'excédent migratoire qui s'établissent au bénéfice des communautés rurales sont responsables de ce renouveau démographique.

La diffusion urbaine est la première manifestation perceptible, au niveau français comme au niveau régional, de la reconquête de l'espace rural par les hommes et les activités. Dès les années soixante, le phénomène est observable autour des grandes villes.

tard vivre dans une commune de moins de 2000 habitants et ont atteint le chiffre de 65 % pour le milieu agricole (sachant qu’un jeune du milieu agricole sur deux projette de devenir agriculteur) selon O. Galland et Y. Lambert (1994) Les jeunes ruraux - éditions L’harmattan/INRA, Paris, chapitre 2, pp. 41-70. 240

Le premier travail sur ce point est celui de A. Berger (1975) La nouvelle économie de l'espace rural, édition Cujas, Coll. Marché et structures agricoles, où l'auteur relève les ruptures démographiques sous l'angle économique par le déploiement de fonction résidentielle inductrice d'emploi.

Ensuite, il gagne les villes de plus petite taille, jusqu'à concerner, aujourd'hui, même les petites villes et les bourgs ruraux.

Trois tendances fortes sont perceptibles au sein des dynamiques démographiques en France. La première est une tendance lourde qui se révèle par une accentuation de la métropolisation ininterrompue et se cantonne là ou la concentration démographique est déjà forte. En définitive, chaque fois que la population a augmenté de six personnes entre les recensements de 1982 et 1990, on en retrouve deux en Ile-de-France, une dans chacune des deux principales aires en cours de métropolisation, à savoir, la région Rhône-Alpes et la façade méditerranéenne entre Montpellier et Nice, une dans l'une des sept villes non comprises dans une aire métropolitaine mais qui joue un rôle international comme Toulouse, Bordeaux ou Strasbourg ; la dernière se trouve dans les 70 départements non concernés par cette courte liste241

La seconde se traduit par une littoralisation des populations, phénomène observé en France mais aussi en Floride et en Californie. Enfin, le troisième courant fait mentir quelque peu les deux premiers. La diffusion de l'habitat dans le rural périphérique à la ville n'est pas une nouveauté puisque dès les années 60, comme nous l'avons vu précédemment, l'extension "urbaine" a engendré ce phénomène. Ce qui nous intéresse, ce n'est pas la diffusion urbaine en tant que telle, c'est l'éclatement spatial du phénomène dans le monde rural en général qui est important de souligner car il révèle une rupture avec les comportements migratoires traditionnels, jusqu'alors expliqué par la recherche d'un revenu supérieur

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Dans un deuxième temps, la diffusion touche les activités économiques. Des entreprises et des établissements, relevant aussi bien du secteur industriel que des services, mais jusqu'alors localisés exclusivement dans le cadre urbain, migreront de la ville vers une

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La diffusion urbaine affecte dans un premier temps les hommes. Ces derniers quittent les centres urbains pour se localiser, volontairement ou sous la contrainte économique, dans les communes rurales situées en périphérie de la ville. La recherche de meilleures conditions de logement, d'un cadre de vie plus agréable, la volonté de passer d'un habitat collectif à un logement individuel, la recherche d'un différentiel de prix du foncier ou du bâti plus favorable, la généralisation du transport individuel seront les facteurs explicatifs de la démarche subie ou suivie par ces nouveaux migrants d'origine urbaine.

241 D'après J.P. Lacaze, Le Monde, du 24 avril 1992. 242

Cette approche classique de la relation Migration-Revenu est présentée par J. Cantanzano (1987) dans le chapitre 1 de son ouvrage Retour vers l’arrière pays - éditions Les cahiers de l’Economie Méridionale, n° 9, 2e éditions, Montpellier, pp. 25-69.

périphérie plus ou moins éloignée, alors même que leur clientèle reste à dominante urbaine. Le besoin d'espace à des prix abordables, les nouvelles formes de distribution et les nouvelles habitudes d'approvisionnement des populations urbaines, l'extension des zones d'attraction des nouveaux distributeurs favorisent ces délocalisations d'activités vers le milieu rural soumis à l'urbanisation.

Le phénomène, ainsi mis en évidence, a été l'objet de diverses appellations, généralement chargées de sous-entendus. La rurbanisation, l'urbanisation diffuse, par exemple, manifeste clairement chez les utilisateurs de ces expressions le caractère essentiellement urbain des nouveaux territoires colonisés par la ville. En outre, la nature annonciatrice du phénomène de diffusion urbaine explique sans doute la référence faite presque systématiquement à lui, chaque fois que l'on aborde la recomposition démographique de l'espace rural.

b) L'extension spatiale de la reprise

Progressivement, l'extension spatiale de la reprise démographique gagnera, au-delà des périphéries urbaines et des grands axes de communication reliant les agglomérations entre elles, des zones plus larges, englobant ainsi les espace ruraux périurbains. On parle alors de zones urbaines, d'espaces urbanisés, privilégiant toujours l'urbanisation comme le facteur explicatif essentiel, voire unique. Pourtant, un approfondissement de l'analyse du fonctionnement économique de ces zones urbanisées montre déjà que d'autres mécanismes explicatifs de la croissance de l'espace rural sont en oeuvre ou en train de se mettre en place.

La poursuite plus récente de l'extension de la dynamique démographique rurale concerne de nouveaux espaces distincts physiquement des zones urbaines et sujets à des modes de croissance plus endogènes pour ne pas dire autonomes. La croissance démographique du tiers des communes lozériennes ne peut trouver d'explication significative dans une extension toujours plus large de la diffusion urbaine243

c) Les nouveaux espaces dynamiques

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Observer des changements brusques et durables dans les trajectoires démo-économiques des territoires n'est pas quelque chose de nouveau. Si l'histoire fournit des exemples à l'échelle de pays, voire de continents, dans un temps plus récent, les changements de tendance dans les dynamiques des espaces régionaux, comme des

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L'étude du département de la Lozère est détaillée dans A. Berger et alii (1997) Nouveaux espaces ruraux en Languedoc-Roussillon, Territoires en Mutation, n° 1, Numéro Spécial, Janvier, pp. 41- 58.

communes, montrent que ces derniers peuvent être observés et analysés à différents niveaux spatiaux.

La mise en évidence de nouveaux espaces dynamiques pose un certain nombre de questions :

- quels sont les critères permettant de les identifier ?

- quelles formes de structuration spatiale présentent ces espaces ?

- comment cerner les modes de fonctionnement économiques de ces espaces et leurs mécanismes d'insertion dans des espaces plus larges ?

Cet ensemble de questions nous conduit dans la suite de ce second développement, à présenter l'ensemble de la dynamique démographique de l'espace rural dans le temps (depuis les années 60) et dans l'espace (à partir des espaces ruraux français). Nous verrons à partir de la seconde section, que l'économie rurale est influencée par cette recomposition démographique et sociale et que l’agriculture peut dégager une part de responsabilité dans cette recomposition.

B) Appréciation temporelle et spatiale de la recomposition à partir du cas français

Pour ce développement, nous reprendrons pour l'essentiel, ce qui a été fait par de nombreux auteurs français, notamment les travaux de l'INRA, ceux du CRPEE de l'Université de Montpellier, ainsi que les nombreuses études du SEGESA.

Un retour dans le temps permet de comprendre le retournement spectaculaire dont l'espace rural a été le témoin. Avant les années 60, on estime que l'exode rural avait pour moteur l'exode agricole qui était alors de 90 000 actifs par an244. Les 30 glorieuses ont accéléré plus massivement ces transferts de population entre rural et urbain. Dans le même temps, des renversements de trajectoires démographiques se font jour, ils sont au départ, cantonnés autour des grandes unités urbaines et dans les espaces ruraux méditerranéens. Ces faits sont relatés par de nombreux auteurs245

244 Voir sur ce point, l'ouvrage de A. Berger (1975) La nouvelle économie de l'espace rural édition Cujas, Coll. Marché et structures agricoles, Paris, 286 p.

245 Pour les espaces méridionaux, on peut se référer à A. Berger (1975) , op. Cit., et J. Catanzano (1987) Retour vers l’arrière pays, éditions Les cahiers de l’Economie Méridionale, n° 9, 2e éditions, 1994, Montpellier, 358 p. et J. Rouzier (1991) Les mutations de l’arrière pays ou un modèle pour la revitalisation des communes rurales, Revue d’Economie Régionale et Urbaine, n° 5, pp. 695-713. Pour les espaces périurbains en France, J. Boudoul et J.R. Faur (1982) Renaissance des communes rurales ou nouvelles formes d'urbanisation, Economies et Statistiques, n° 149, pp. 1-11.

. Ce constat est, cependant, quelque peu relégué en tant qu’épiphénomène, puisque la tendance lourde persiste au niveau national.

En effet, même si le solde migratoire est à la baisse246

L'affaiblissement de la population agricole en tant que société structurant la vie publique locale est également remise en cause. Un exemple éclairant ce propos concerne les maires ruraux. En 1971, pour deux départements fortement ruraux et soumis, comme nous le verrons, à la reconquête migratoire (l'Aude et le Gard), 42 % des communes rurales de moins de 2 500 habitants avait un maire d'origine agricole. Ils ne sont plus que 28 % en 1989

, il reste négatif et cette baisse n'attire l'attention que de quelques chercheurs. Dès lors, plus qu'un épiphénomène, les évolutions démographiques dans l'espace rural sont une révolution qui guide les campagnes vers une recomposition du tissu économique et social.

La décroissance de l'agriculture comme activité structurant l'économie rurale se révèle de plus en plus. Aujourd'hui, quelques 5 % de la population active rurale est agricole et seulement environ 13,1 % de la population rurale provient de famille d'agriculteurs. Au total, sur 14,7 millions de ruraux en France, il n'y aurait, selon l'INSEE, qu'un peu plus de 2 millions de personnes qui seraient plus ou moins liées au milieu agricole.

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La forte recomposition est également perceptible lorsque l'on analyse les

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