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III. Mise en forme à l’échelle nanométrique

1. Le procédé sol-gel

Le procédé sol-gel est une méthode de synthèse d’oxydes par voie de chimie douce à partir de précurseurs moléculaires via des réactions de polymérisation inorganique à température et pression ambiante. L’une des premières descriptions de formation d’un gel a été présentée en 1845 par J. J. Edelman à l’Académie des Sciences [35] ; dans cette étude, le gel a été obtenu à partir du précurseur inorganique SiCl4.

a) Elaboration d’oxydes en solvant organique

Un oxyde MOZ/2 peut être obtenu par cette voie de synthèse via des réactions de polymérisations inorganiques d’hydrolyse et de condensation en solvant organique à partir d’alcoxydes ou de chlorure en présence d’eau. L’eau est le réactif de la réaction d’hydrolyse, qui conduit à la formation de groupements M-OH entraînant le départ d’alcool ROH pour X = OR ou d’acide chlorhydrique pour X = Cl (Figure 10-1). Ces groupements M-OH sont ensuite mis en jeu dans des réactions de condensation pour former des liaisons M-O-M avec élimination d’eau, d’acide chlorhydrique ou d’alcool (Figure 10-2). Lorsque M = Si, ces réactions sont généralement catalysées par l’ajout d’un acide ou d’une base.

1) Hydrolyse : M(X)4 + H2O  (X)3M-OH + XH avec X = OR ou Cl

2) Condensation : (X)3M-OH + OH-M(X)3  (X)3M-O-M(X)3 + H2O avec X = OR ou Cl

Bilan : M(X)4+ 2H2O  MO2+ 4XH

pour MIV.

Figure 10 : Equations des réactions 1) d’hydrolyse et 2) de condensation.

Depuis les précurseurs en solution jusqu’à l’oxyde, le système connaît plusieurs états. Lors de la première phase, il se forme des agrégats. Lorsque ces agrégats sont petits, ils restent en

40 suspension sans précipiter et la phase liquide domine par rapport à la phase solide, c’est l’état que l’on nomme le « sol ». Une fois que le réseau occupe tout le volume, la viscosité du système devient infinie pour former le « gel », qui est constitué d’un réseau tridimensionnel solide MOx(OH)yXz (avec X = OR ou Cl) emprisonnant le solvant. Une fois le gel formé, les réactions de condensation se poursuivent jusqu’à consommation de tous les groupements hydroxo. Lors de cette étape appelée le « vieillissement », le polymère inorganique se densifie et durcit.

Figure 11 : Etapes mises en jeu dans le procédé sol-gel et exemples de mise en forme. D’après la référence [36].

La transition sol-gel rend possible des mises en forme variées (Figure 11). Ainsi, à partir du sol, il est possible d’obtenir des poudres, des fibres ou des films. Un séchage rapide du sol conduit à la formation de poudre. Par extrusion, des fibres peuvent être obtenues. Un dépôt du sol par « dip-coating » ou par « spin-dip-coating » sur un substrat permet d’obtenir des films d’épaisseurs contrôlées. En partant du gel moulé dans son support, il est possible d’obtenir des poudres, des monolithes ou des aérogels. Le séchage représente l’étape critique. Dans le cas des gels, une évaporation rapide entraine l’apparition d’une nouvelle interface air/solide accompagnée de très fortes tensions internes provoquant l’apparition de craquelures conduisant à la formation de poudres. Un séchage lent permet l’obtention d’un bloc rigide appelé « monolithe ». Enfin, un séchage « super critique » conduit à la formation d’un matériau extrêmement poreux appelé « aérogel ».

41 Au cours de cette thèse, nous nous sommes particulièrement intéressés à deux types de mise en forme que nous décrivons plus en détail maintenant : les films minces et les monolithes.

Formation d’un film mince

Deux méthodes principales sont utilisées pour former des films minces par voie sol-gel. L’épaisseur des films est contrôlée par plusieurs paramètres physico-chimiques : la vitesse d’étalement, la viscosité de la solution et la vitesse d’évaporation du solvant.

La première méthode est le dépôt par « enduction centrifuge » ou « spin-coating ». Le substrat est maintenu sur un plateau tournant à l’aide d’une aspiration sous vide. Le sol est déposé sur le substrat. Le plateau entraîne alors le substrat dans des rotations à vitesse contrôlée menant à l’étalement uniforme du sol sous l’effet de la force centrifuge (Figure 12).

Figure 12 : Schéma d’un dépôt par spin-coating. a) Mise en place du sol sur le substrat, b) étalement du sol et c)

formation d’un film mince homogène en épaisseur.

La seconde méthode est le dépôt par « trempage » ou « dip-coating ». Le substrat est plongé directement dans le sol puis retiré avec un contrôle de la vitesse de remontée permettant l’étalement du film (Figure 13).

Figure 13 : Schéma d’un dépôt par dip-coating. a) Immersion du substrat dans la solution, b) formation du film

et c) évaporation du solvant.

Formation d’un monolithe

Un monolithe est un bloc obtenu par séchage lent du polymère inorganique. Ce séchage lent laisse le temps au polymère inorganique de se contracter sans craquelure en conservant la forme du

42 moule (Figure 14). La forme et la taille du monolithe dépendent du moule utilisé, ce qui est particulièrement intéressant car cela permet d’adapter la forme du monolithe à l’application de dispositifs.

Figure 14 : Schéma de la synthèse d’un monolithe.

La nanostructuration des oxydes permet d’ajouter une autre dimension de mise en forme et rendre encore plus attractif l’utilisation de tels composés.

b) Nanostructuration des oxydes synthétisés par voie sol-gel

La transition sol-gel permet l’insertion homogène de molécules organiques dans le sol, y compris des molécules amphiphiles qui ont la propriété de s’auto-organiser et de conduire à la formation d’oxydes nanostructurés. Ainsi, l’ajout de molécules amphiphiles dans le sol permet de combiner une nanostructuration induite par la micellisation des molécules amphiphiles avec une mise en forme macrométrique des oxydes inhérente au procédé sol-gel.

En effet, les molécules amphiphiles, composées d’une partie hydrophile et d’une partie hydrophobe, possèdent la capacité de s’auto-organiser à partir d’une certaine concentration appelée « concentration micellaire critique » (CMC). Les molécules amphiphiles s’agrègent pour former spontanément des micelles. Une ségrégation de phases s’opère entre la partie hydrophile et la partie hydrophobe du tensioactif, induisant une structuration de la phase liquide.

L’ajout dans le sol de molécules ou copolymères amphiphiles permet d’obtenir un mélange homogène des molécules organiques dans la solution de précurseurs inorganiques. Les molécules amphiphiles s’auto-organisent au cours de la polymérisation inorganique, permettant ainsi de structurer le gel à l’échelle nanométrique. Ces espèces amphiphiles permettant de nanostructurer les oxydes sont appelées « agents structurants ». Les premières études de structuration d’oxydes ont été réalisées à partir d’agents structurants moléculaires composés d’une tête polaire hydrophile et d’une queue apolaire hydrophobe, puis les copolymères à blocs composés de chaînes présentant des contrastes hydrophiles/hydrophobes différents se sont révélés particulièrement intéressants dans le domaine au vu de leur très grande richesse de compositions.

L’auto-organisation de l’agent structurant en phases lyotropes [37-38] de type « cristal liquide » permet d’obtenir un matériau hybride organique-inorganique avec une distribution très

43 étroite en taille de canaux organiques autour desquels condense la phase inorganique. L’oxyde mésoporeux est obtenu par élimination de la partie organique par des méthodes chimiques ou physiques. La méthode d’élimination de la phase organique la plus utilisée est le traitement thermique, qui conduit à la décomposition de l’agent structurant libérant la porosité et à la poursuite de la condensation du polymère inorganique (Figure 15).

Figure 15 : Principe de la formation d’un matériau mésoporeux.

L’élaboration d’oxydes mésostructurés par voie sol-gel a été grandement développée dans le cas de la silice. Nous présentons maintenant à titre d’exemple les deux grandes voies le plus souvent utilisées pour synthétiser des silices mésoporeuses :

La première mise en évidence de la possibilité de nanostrucuration a été présentée par des chercheurs du groupe Mobil Oil (États-Unis) en 1992. L’oxyde de silice mésoporeux est synthétisé en utilisant comme précurseur inorganique le silicate de sodium en milieu basique et comme agent structurant le bromure de cétyltriméthylammonium (CTAB ou [(C16H33)N(CH3)3Br]) [39-40]. La silice mésoporeuse ainsi obtenue possède des pores d’un diamètre de l’ordre de 2 nm (ex : la famille M41S).

La seconde a été développée en 1994 par l’équipe du Pr. Stucky à Santa Barbara (États-Unis). La synthèse met en œuvre cette fois comme agent structurant un copolymère triblocs non ionique de la famille des Pluronic® en solution dans un solvant organique à partir d’alcoxydes de silicium en condition acide [41-42]. Des nanostructurations analogues à celles obtenues par la première méthode sont obtenues mais le diamètre des pores est plus élevé, allant de 3 à 10 nm (ex : la famille SBA-n).

44 Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéresserons particulièrement à deux types de mise en forme d’oxydes nanostructurés, que nous détaillerons par la suite : les monolithes de silice mésoporeux et les films minces d’oxyde de titane nanoperforés. Les films minces d’oxyde de titane nanoperforés ont été choisis dans le but d’organiser des particules sur une surface pour l’élaboration de modèles de pistes magnétiques enregistrables. Toutefois, les quantités de matière de particules magnétiques confinées dans les films nanoperforés sont très faibles. C’est pourquoi les monolithes de silice mésoporeux vont permettre l’étude de la transformation en milieu confiné des particules d’ABP en oxydes et alliages métalliques sur des quantités de matière plus importantes mais également d’étudier les effets de la mise en forme sur les propriétés des particules. Nous allons commencer par présenter l’élaboration de films minces nanoperforés puis l’élaboration de monolithes de silice mésoporeuse.

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