• Aucun résultat trouvé

IV. ABPs confinés dans les oxydes nanostructurés

1. ABP confiné dans des films nanoperforés

Afin d’élaborer des pistes magnétiques, un système possible est une surface plane sur laquelle des particules bien organisées sont déposées. Dans ce travail, nous proposons d’utiliser les films minces d’oxydes nanoperforés afin d’organiser de façon périodique des particules d’ABPs sur la surface. Ce travail a été inspiré par ceux effectués sur la croissance de film continu d’ABP que nous allons présenter par la suite. La méthode la plus utilisée dans la littérature afin d’effectuer la croissance de films continus d’ABP est la méthode de dépôt couche-par-couche. Cette méthode permet d’ajuster la composition de l’ABP, ce qui la rend particulièrement intéressante pour l’élaboration de particules d’ABP organisées avec une composition ajustable en métaux M et M’.

a) Croissance de films continus d’ABP

En 2001, l’équipe du Pr. Frank Marken à Loughborough (Angleterre) et l’équipe du Pr. Bernd Tieke à Cologne (Allemagne) ont introduit simultanément le concept « d’adsorption séquentielle

52 multiple » (MSA, pour Multiple Sequential Adsorption) de bleu de Prusse (PB) sur une surface. L’idée est d’exposer une surface à une série de solutions contenant alternativement des cations adsorbables puis des anions adsorbables afin de construire graduellement des multicouches bien définies par réaction des espèces adsorbées sur la surface (Figure 22) [66-67].

Figure 22 : Etapes d’assemblage direct de multicouches de bleu de Prusse. D’après la référence [66].

En 2003, l’équipe du Pr. Bernd Tieke à Cologne (Allemagne) rebaptise le concept MSA par dépôt « couche-par-couche » [68-69].

Toujours en 2003, l’équipe du Pr. Daniel Talham à Gainesville (États-Unis) propose une méthode de croissance couche-par-couche d’un film continu de BP ou d’ABP sur une surface hydrophobe [70]. Cette méthode nécessite deux étapes distinctes. La première étape correspond à la formation d’une couche modèle possédant la même structure que le BP. Cette monocouche modèle est préformée à l’interface air/eau grâce à un complexe amphiphile de pentacyanoferrate(III) sur une sous-phase contenant des ions Ni2+. Un réseau bidimensionnel d’ABP NiFe est alors obtenu. La seconde étape de transfert de la couche modèle d’ABP NiFe sur un support hydrophobe est réalisée par une méthode de dépôt Langmuir-Blodgett. La nouvelle surface est alors une monocouche bien organisée d’ABP NiFe terminée par des ponts cyanures. Enfin, des immersions successives de l’échantillon dans les solutions d’ions Fe2+ et [Fe(CN)6]3- conduisent à la formation couche-par-couche du film mince du BP. Les cations Fe2+ sont complexés par les ponts cyanures libres présents à la surface de l’échantillon, puis les complexes [Fe(CN)6]3- réagissent à leur tour avec les cations Fe2+, formant ainsi le film de BP (Figure 23).

53

Figure 23 : Schéma des étapes impliquées dans le dépôt du film de BP. a) La couche modèle d’ABP NiFe est

préformée à l’interface air/eau. b) Transfert de la couche modèle sur un support hydrophobe et croissance couche-par-couche d’un film de BP par immersions successives de l’échantillon dans les solutions contenant les

espèces Fe2+ et [Fe(CN)6]3-. D’après le référence [70].

Cette même équipe présente ensuite en 2006 deux méthodes d’élaboration de films minces d’ABP CoFe avec insertion de cations Rb+ dans les sites Td par dépôt couche-par-couche sans fonction d’ancrage de la surface sur un substrat de polyesters Melinex® [71] :

La première méthode consiste à plonger successivement le substrat dans une solution de Co2+ puis dans une solution contenant les ions [Fe(CN)6]3- et Rb+, en rinçant l’excédent de solution entre chaque immersion. Ce cycle est répété plusieurs fois en fonction de l’épaisseur de la couche souhaitée avant de le sécher sous vide. La deuxième méthode consiste cette fois à plonger le substrat dans une solution d’ions Co2+, puis de le rincer avant de le sécher sous N2. L’échantillon séché est alors plongé dans la solution contenant les ions [Fe(CN)6]3- et Rb+, rincé et séché sous N2. Ce cycle est répété plusieurs fois afin d’obtenir des films d’épaisseur variée.

L’homogénéité et la rugosité de films de même épaisseur obtenus par les deux méthodes sont comparables. Toutefois, le contrôle de la croissance des films par la deuxième méthode est plus fin et il faut donc plus de cycles afin d’obtenir un film de même épaisseur que ceux obtenus par la première méthode.

54 La même équipe présente en 2011 l’élaboration de films de différents ABPs obtenus en utilisant la première méthode et en l’ajustant en fonction de l’ABP souhaité avec pour le cation métallique M2+ = Co2+, Ni2+, Cu2+ ou Zn2+ et pour l’anion hexacyanométallate [M’(CN)6]3- = [Fe(CN)6] 3-ou [Cr(CN)6]3- [72]. La Figure 24 montre les clichés MET de films ainsi obtenus après 200 cycles.

Figure 24 : Images MET de films continus d’ABPs après 200 cycles en adaptant la première méthode. D’après la

référence [72].

La croissance de films continus d’ABP par un dépôt couche-par-couche permet donc d’obtenir des films de différents types d’ABPs. Toutefois, l’épaisseur et la rugosité du film semblent assez mal contrôlées. La fonctionnalisation de la surface avec une fonction complexante de cations de métaux de transition va permettre de mieux contrôler la croissance couche-par-couche des ABPs et ainsi qoffrir la possibilité de les localiser.

b) Formation de plots de clathrates d’Hoffmann sur une surface

En 2011, l’équipe du Pr. Azzedine Bousseksou à Toulouse (France) présente la formation de films continus et le dépôt contrôlé de nanoplots de clathrates d’Hoffmann Fe(pyrazine)[Pt(CN)4] (appelé par la suite FePt), par croissance couche-par-couche [73]. Leur méthode consiste à utiliser un substrat de silicium sur lequel une couche d’or est déposée par vaporisation et ensuite de fonctionnaliser la surface d’or à l’aide d’un composé possédant une fonction thiol pouvant se greffer sur l’or et une fonction pyridine pouvant complexer le cation Fe2+ servant de premier précurseur pour la formation du clathrate FePt. Puis la croissance des particules est effectuée par des trempages successifs dans les différentes solutions de précurseurs du clathrate et des rinçages intermédiaires. Cette synthèse est réalisée à -78°C afin d’éviter des processus de désorption. Un film mince de clathrate FePt est alors formé. Afin de synthétiser des plots de FePt, une étape de lithographie par faisceau d’électron est préalablement réalisée sur le substrat avant de procéder aux étapes de croissance couche-par-couche (Figure 25).

55

Figure 25 : Schéma de la méthode de croissance couche-par-couche d’un film de clathrates FePt et image AFM

avec son profil de hauteur de plots FePt ainsi obtenus. D’après la référence [73].

En 2012 et 2013, l’équipe du Pr. Talal Mallah à Orsay (France) présente la formation par croissance couche-par-couche de plots d’ABPs ancrés à la surface d’un substrat de silicium fonctionnalisé par l’acide undécénoïque (C11H20O2) relié à un ligand tridentate [74-76]. Le substrat de silicium est nettoyé de sa couche d’oxyde natif SiO2 par un traitement à l’acide fluoridrique (HF) et présente une surface avec des terminaisons Si-H formant une monocouche. L’acide undécénoïque est ancré au silicium par thermohydrosilylation des terminaisons Si-H pour former une monocouche terminée par des groupements acides carboxyliques -COOH. Ces groupements –COOH vont permettre de réaliser un couplage peptidique avec le ligand tridentate (N,N-bis[(pyridine-2-yl)methyl]propane-1,3-diamine) bon complexant des cations Ni2+, afin d’effectuer la formation couche-par-couche d’ABP NiFe. Cette couche de Ni2+ complexé est appelée « Ni0 » par les auteurs (Figure 26). Ces études montrent la faisabilité d’une méthode bottom-up de dépôt d’une couche de plots d’ABP sur une surface en contrôlant la croissance par le nombre de cycles de trempage. Toutefois, les plots croissent de façon aléatoire sur la surface.

56

Figure 26 : a) Fonctionnalisation depuis le substrat de Si-H jusqu’au Ni0, b) modèle géométrique de la

monocouche Ni0, c) étapes de croissance couche-par-couche et d) modèle géométrique de la croissance des plots d’ABP. D’après les références [74, 76].

L’utilisation d’une fonction d’ancrage pouvant complexer un des précurseurs de l’ABP permet de localiser la croissance des particules d’ABP sur une surface mais les particules sont réparties de façon aléatoire sur la surface. Si l’on combine la croissance couche-par-couche d’ABP à partir d’une fonction d’ancrage et l’utilisation d’un substrat permettant une différenciation chimique organisée de sa surface, l’organisation de particules d’ABP sur une surface de façon bien organisée devrait être possible.

c) Croissance d’ABP dans les nanoperforations d’un film mince

En s’inspirant de la croissance de films continus d’ABP présentée précédemment [66, 71], un procédé visant à faire croitre couche-par-couche des plots d’ABP dans les pores d’un film mince d’oxyde nanoperforé a été mis au point en 2010 lors d’une collaboration entre les équipes des Pr. David Grosso et Anne Bleuzen. Un substrat de silicium sur lequel a été vaporisée une couche continue d’or a servi de substrat afin de faire un dépôt d’un film mince de TiO2 nanoperforé. Le film d’oxyde nanoperforé est obtenu, en utilisant le procédé EISA, par dip-coating du substrat dans un sol contenant comme précurseur inorganique du TiCl4 et comme agent structurant un copolymère à blocs présentant un fort contraste hydrophile/hydrophobe. Le film hybride organique/inorganique ainsi formé est traité thermiquement à 500°C sous air pendant 5 min. Lors de ce traitement thermique, la partie organique se décompose, libérant un accès au substrat, et l’oxyde de titane

57 cristallise. Ainsi, un film de TiO2 nanoperforé recouvre la surface de l’échantillon et la couche d’or est accessible au fond des nanoperforations, permettant une fonctionnalisation sélective des deux surfaces.

Afin de faire croître des particules d’ABP à l’intérieur des nanoperforations, la surface de TiO2 est préalablement fonctionnalisée par l’acide phénylphosphonique afin de la rendre hydrophobe et d’éviter la formation de particules d’ABP sur le film. Puis la couche d’or est fonctionnalisée par immersion du substrat dans une solution d’acide mercaptohéxanoïque, qui sert de fonction d’ancrage, puisqu’il possède une fonction thiol –SH pouvant se greffer sur l’or et un groupement acide carboxylique –COOH complexant pour le premier précurseur de l’ABP (à savoir l’ion Co2+). Enfin, par des trempages successifs du substrat doublement fonctionnalisé dans les différentes solutions des précurseurs de l’ABP et des étapes de rinçage intermédiaire, l’ABP croît couche par couche (Figure 27) [34]. Cette première étude avait montré la faisabilité de la méthode et les films d’ABP RbCoFe ainsi obtenus avaient, en plus, montré des propriétés photomagnétiques.

Figure 27 : Croissance couche-par-couche de l’ABP RbCoFe dans les nanoperforations d’un film mince de TiO2. D’après la référence [34].

La méthode de croissance couche-par-couche a donc permis de former des couches continues d’ABP. La fonctionnalisation de la surface par des fonctions complexantes des cations de métal de transition a permis la formation de plots localisés d’ABP. Enfin, en combinant ces études sur la croissance couche-par-couche d’ABP et sur l’ancrage de plots d’ABP avec l’élaboration de films minces d’oxyde nanoperforés, il a été possible d’organiser des particules d’ABP sur une surface.

La très faible quantité de matière présente dans les films rend difficiles les caractérisations de ces systèmes. Afin d’étudier la transformation d’ABP en oxydes et en alliages dans les films nanoperforés, nous avons choisi de commencer par étudier cette transformation en confinant les

58 ABP dans des monolithes de silice mésoporeux qui permettent de mettre en forme une plus grande quantité de particules. Ainsi, avec une plus grande quantité de matière, l’étude fondamentale des propriétés des particules est possible et facilite l’étude de la transformation de l’ABP en oxyde ou en métal dans un milieu confiné.

Documents relatifs