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REPRESENTATIONS DU HANDICAP ET DES PERSONNES HANDICAPEES

PROBLEMES DE CODAGE

Les problèmes majeurs rencontrés au cours du codage sont de différents ordres. Dans l'idéal, la grille d'analyse imposait un découpage strict permettant de distinguer, pour chacun des sous-groupes, les différentes "catégories" (condition-notion, groupe, individu et soi); de mettre celles-ci en regard avec les "dimensions" (description, sentiment, conduite); et de faire la différence entre les "processus" d'énonciation (attribué et auto-attribué).

Cette procédure devait s'exprimer au travers d'un découpage en unités de signification relativement limitées. Or il n'a pas toujours été possible de procéder à un tel découpage qui aurait conduit à tronquer des propositions.

Pour éviter cela nous avons, la plupart du temps, choisi de conserver des unités plus larges en maintenant dans une même unité les "descriptions" et les "réactions" (sentiments et conduites) qui les accompagnent et en décidant de coder doublement ces unités : d'une part, dans la rubrique "description" et d'autre part, dans la rubrique correspondant à la réaction (sentiment ou conduite). Par exemple, la phrase : " Des handicapés qui bavent, ça dégoûte

forcément " a fait l'objet de deux fiches de codage. D'une part, sous la rubrique

de "description" (des handicapés qui bavent) et d'autre part sous la rubrique "sentiment" (ça dégoûte forcément). Il s'agit d'un type de problème lié à la lourdeur et à la trop grande précision de la grille que nous avons résolu par une solution économique.

Par ailleurs, nous avons rencontré d'autres types de problèmes liés à notre position méthodologique qui consistait à ne pas définir les catégories en référence au champ du handicap. Notre choix méthodologique visait à donner un même statut à tous les énoncés recueillis, indépendamment de leur pertinence supposée en regard du champ du handicap. Mais, à la pratique, ce choix s'est avéré difficile à maintenir dans la mesure où certains énoncés se sont imposés à nous comme étant plus reliés au champ du handicap que d'autres énoncés considérés comme plus éloignés de ce champ.

Une phrase telle que : "Les parents souffrent d’avoir un enfant handicapé " énoncée par un éducateur pouvait aussi bien être codée :

- soit (1) dans la catégorie "groupe", dans la dimension "description" et selon le processus "auto-attribué" au locuteur, en prenant comme entrée de codage principale "les parents"; le locuteur décrivant ainsi, de son point de vue, des parents confrontés à un enfant handicapé.

- soit (2) dans la catégorie "individu abstrait", dans la dimension "sentiment" et selon le processus "attribué aux parents"; le locuteur "attribuant" ainsi aux parents un "sentiment" à l'égard d'un "individu abstrait" ("un enfant handicapé").

Dans le premier cas, le codage exprime implicitement que l'on accorde un certain degré de réalité aux propos du locuteur en considérant qu'il "décrit" une situation extérieure à lui-même et dont il a pu être le témoin. Dans le deuxième cas, le fait de considérer qu'il s'agit d'un sentiment du locuteur attribué à "des parents" à l'égard d'un éventuel "enfant handicapé" exprime implicitement un doute du codeur à l'égard de la réalité de la situation dont le locuteur aurait pu être témoin et "attribue" en fait ce "sentiment" au locuteur (à l'éducateur). Cette "simple" opération de codage constitue déjà une forme d'interprétation

qui est déterminée par le contexte de l'entretien et sa tonalité globale d'une part, mais aussi par l'orientation théorique du codeur et son implication spécifique par rapport au champ du handicap. Il est en effet difficile de considérer que tous les énoncés qui prennent pour sujet grammatical les "réactions" d'un autre acteur qui prend ainsi le statut de "sujet" à l'égard d'un "objet handicapé" relèvent de l'attribution ou de la projection; de même qu'il est difficile de considérer que tous les énoncés de cette forme ne sont que des descriptions "objectives" d'une réalité observée par le locuteur.

Par ailleurs, le choix entre les deux possibilités exprime aussi le statut différentiel que l'on accorde implicitement à des "parents" ou à "un enfant handicapé", dans le champ du handicap. La première solution de codage implique que l'on situe les "parents" comme acteurs, dans le champ du handicap, en interaction avec "un enfant handicapé" considéré comme l'objet de leurs "réactions". La seconde solution attribue une place prépondérante à "l'enfant handicapé"; les parents n'apparaissant dans ce cas que comme le support des projections du locuteur. Ce choix est apparu plus clairement lorsque, confrontés à un énoncé du type: "les gens dans la rue regardent avec

insistance un enfant handicapé ", nous l'avons codé, sans hésitation, dans la

rubrique "attribué", c'est à dire attribution d'une "réaction" à des "gens".

En outre, compte tenu des problèmes posés lors du codage par les variations d'interprétation des codeurs, nous avons décidé de ne pas coder la polarisation positive ou négative des énoncés. Le fait d'attribuer une polarité négative ou positive aux énoncés nous est apparu de facto comme une interprétation des propos des locuteurs. En effet, certains propos qui peuvent être perçus comme "positifs" par les locuteurs sont apparus "négatifs" à certains d'entre nous et "positifs" à d'autres. L'exemple le plus marquant concerne le thème de "la surprotection" qui est souvent vécu comme "positif" par les parents et "négatif" par les éducateurs. N'ayant pas réussi à établir un consensus entre les membres de l'équipe sur cette question lors du début de l'analyse, nous avons décidé de laisser cette question ouverte pour la traiter in fine lors de l'interprétation du matériel. Le choix de ne pas traiter a priori des dimensions négatives ou positives des représentations s'inscrit, en outre, en décalage par rapport à certaines recherches sur les attitudes à l'égard des handicapés qui vise principalement à décrire des attitudes négatives afin de les transformer en attitudes positives (Livneh, 1982).

Chaque entretien a été découpé à l'aide d'une fiche d'analyse type.

Le découpage d'une partie des entretiens recueillis (n = 23) a permis de mener des analyses spécifiques sur les représentations pour chaque individu, pour

chaque catégorie de notre population, pour l'ensemble de notre population.

METHODOLOGIE :ANALYSE DES DISCOURS SAVANTS

Il s'agit d'une part, des classifications (et notamment de la classification de l'OMS) et d'autre part, des textes de lois (et notamment la Loi de 1975) qui constituent les points de repères principaux des pratiques et des prises en charge des personnes handicapées, en France.

La prise en compte de ces deux corpus de textes découle de notre position théorique de départ. En effet, l'étude des représentations sociales a depuis son origine considéré que celles-ci résultaient de la transformation des discours scientifique en discours de sens commun (Moscovici 1961; Jodelet 1989b). Dans le cas du handicap, on est confronté à des discours juridiques et à une classification socio-nosographique. Notre propos n'est pas de montrer en quoi les discours recueillis auprès des individus résultent de la transformation d'autres discours considérés comme discours princeps. La confrontation entre les analyses des entretiens que nous avons recueillis avec les discours savants (textes de lois et classifications) a permis de apparaître en quoi ces deux types de discours - discours savants et entretiens individuels - sont sous-tendus par la même "structure fondamentale de la représentation" des handicaps.

Compte tenu de cette hypothèse, les discours savants ont fait l'objet d'une analyse menée à l'aide des catégories organisatrices des représentations du handicap qui ont été mises en évidence à partir de l'analyse des entretiens. Ainsi le discours savant a t’il été interprété à la lumière des discours de “sens commun” et non pas l’inverse comme cela est souvent le cas.

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ESULTATS