• Aucun résultat trouvé

Des problématiques particulières : les jeunes, les femmes et les

Les politiques de lutte contre le tabagisme semblent avoir été sensiblement moins efficaces concernant certaines catégories de la population, évoquées à plusieurs reprises au cours des auditions.

● Les femmes : une progression préoccupante

Alors que la loi de santé publique de 2004 s’était donné comme objectif d’abaisser à 20 % la prévalence du tabagisme chez les femmes, 26 % des femmes déclaraient fumer quotidiennement en 2010, soit trois points de plus qu’en 2005, avec une progression particulièrement marquée chez les femmes de 45 à 64 ans.

ÉVOLUTION DE L’USAGE QUOTIDIEN DE TABAC PARMI LES FEMMES DE 2005 À 2010

Source : Baromètres santé 2005 et 2010 (présentation de M. François Beck, Inpes, 12 décembre 2012)

De plus, les résultats de la France apparaissent clairement moins bons que ceux d’un certain nombre de pays européens (1).

Or cette progression est d’autant plus préoccupante que le tabagisme féminin pose des problèmes particuliers en termes de santé publique (risques accrus pour certains cancers spécifiques aux femmes (2), risques liés à l’association du tabac avec une contraception orale ou encore à sa consommation pendant la grossesse), et qu’elles semblent également avoir plus de difficultés à arrêter (3).

(1) Avec 26 % de fumeurs quotidiens parmi les femmes, la France se situerait sur ce plan au 25ème rang sur 27 pays européens (ordre croissant), selon le HCSP (rapport précité de mars 2012).

(2) En effet, le tabac augmente le risque de cancer du col de l’utérus et de l’ovaire, et peut par ailleurs augmenter le risque de cancer du sein, selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

(3) Selon l’InCA, des études ont montré que les femmes faisaient moins de tentatives de désaccoutumance que les hommes et qu’elles échouaient plus souvent (Cepada-Benito, « Meta-analysis of the efficacy of nicotine replacement therapy for smoking cessation: differences between men and women », 2004).

POURCENTAGE DE FUMEURS QUOTIDIENS DANS LES FEMMES ÂGÉES DE 15 ANS ET PLUS EN FRANCE ET EN EUROPE ENTRE 1980 ET 2008

Source : OCDE et Eurostat, Haut conseil de la santé publique (mars 2012)

Pour pouvoir engager des actions de santé publique adaptées, il est en tout état de cause essentiel de chercher à comprendre les ressorts de cette évolution et d’identifier les facteurs susceptibles de favoriser le tabagisme féminin (par exemple, comme cela a été évoqué au cours des auditions, la crainte d’une prise de poids à l’arrêt, la recherche d’une forme d’émancipation, l’influence des médias, voire le conditionnement ou la forme des cigarettes).

● Les populations précaires : un creusement des inégalités sociales Des études ont montré que la consommation de tabac est pour partie liée au niveau socio-économique, avec une différenciation sociale croissante (1). En 2010, la proportion de fumeurs quotidiens parmi les chômeurs était ainsi sensiblement plus élevée que celle des actifs occupés (51,1 % contre 33,4 %). A contrario, les plus diplômés sont moins souvent fumeurs.

En outre, les fumeurs les plus précaires sont plus dépendants et plus souvent confrontés à l’échec dans leur tentative d’arrêt, alors même que le tabac représente un poste de dépenses significatif – environ 15 % des fumeurs consacrant plus de 20 % de leur revenu au tabac, selon l’Inpes – avec donc un arbitrage qui s’opère aux dépens d’autres consommations, par exemple pour l’alimentation ou la santé, comme cela a été souligné au cours des auditions.

(1) La cigarette du pauvre. Enquête auprès des fumeurs en situation précaire, Patrick Peretti-Watel (2012).

PRÉVALENCE DU TABAGISME RÉGULIER PARMI LES 15 À 75 ANS SELON L’ACTIVITÉ

34 31% 33,4 %

51,1 %

40,9%

25 35 45 55

2000 2005 2010

travail chômage

Source : Baromètres santé (d’après les données présentées le 12 novembre 2012, Inpes)

Le tabagisme est ainsi le reflet des inégalités sociales : de ce fait, des mesures de relèvement des prix prises isolément, c’est-à-dire sans mesure d’accompagnement (aide au sevrage par exemple), pourraient avoir pour effet d’accroître les inégalités sociales de santé et de paupériser davantage ces ménages.

● Les jeunes : un enjeu décisif en termes de santé publique

Le tabac entraîne une forte dépendance et 94 % des fumeurs commencent à fumer avant 25 ans (1) : la priorité est doit donc être de dissuader les jeunes d’allumer leur première cigarette. En effet, la précocité de l’initiation au tabac (cigarettes, mais aussi le tabac à rouler ou le narguilé par exemple) a des conséquences très graves car elle installe durablement une habitude et crée une dépendance plus difficile à combattre, sans compter que le fait de consommer un nombre plus important de cigarettes au cours de sa vie multiplie le risque de pathologies (« effet dose »).

En France, les dernières données disponibles, concernant les fumeurs quotidiens, font état d’une remontée de la consommation chez les jeunes, qui semble également plus élevée, à l’âge de 16 ans, que dans d’autres pays européens.

L’adolescence peut être un contexte favorable au tabagisme, du fait par exemple de l’influence du groupe, d’une recherche identitaire, avec une difficulté à se projeter, ou encore d’un besoin de transgression et d’émancipation, de manière paradoxale s’agissant d’une dépendance. Le tabac pourrait également constituer un

« produit d’entrée » vers des produits illicites, tels que le cannabis (2).

(1) Commission européenne (direction générale de la santé et des consommateurs).

(2) Concernant l’âge moyen d’initiation parmi les jeunes consommateurs, la première cigarette a lieu en moyenne à 14,1 ans, soit un an avant le premier joint.

TABAGISME DE LA POPULATION EUROPÉENNE ÂGÉE DE 16 ANS Note : données concernant le tabagisme dans le mois. Source : enquête Espad 2011 (présentation précitée lors de la table ronde du 12 décembre 2012)

ÉVOLUTION DU TABAGISME QUOTIDIEN DES JEUNES

Source : enquêtes Espad, HBSC, Escapad (présentation précitée du 12 décembre 2012)

Il est donc essentiel de tenir compte de l’ensemble des caractéristiques particulières des populations les plus touchées dans la conception des politiques publiques de lutte contre le tabagisme et ce, aussi bien en matière de prévention que de soutien à l’arrêt.

3. Des progrès toutefois significatifs en matière de tabagisme passif