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Selon Labrune (2006), les structures moraïques admises en japonais sont les suivantes : V, CV, CyV, N, Q et R, où V est une voyelle, C une consonne, y une pala- talisation, N correspond à la nasale-more /N/, Q est une première partie de consonne géminée, et R représente l’allongement vocalique. Les mots katana, sanpo, kūki ou

katto sont donc tous trimores.

Jetons tout de même un coup d’œil aux structures syllabiques admises en japo- nais selon Kindaichi et Maës (1978). Celles-ci font certainement plus sens pour les Occidentaux que nous sommes pour se donner une idée des structures possibles du japonais (figure 3.3).

V CV CyV

VR CVR CyVR VN CVN CyVN VQ CVQ CyVQ

Tab. 3.3 : Listes des structures syllabiques admises en japonais d’après Kindaichi et Maës (1978, p. 12)

Kindaichi ajoute plusieurs autres structures plus rares, seulement attestées dans les onomatopées ou les emprunts récents, ou encore dans le cas d’une flexion passée de certains verbes (comme /tooQta/ : « il est passé ») :

VRQ CVRN CyVRN

VRN CVRQ CyVRQ

VNQ CVNQ CyVNQ

VRNQ CVRNQ CyVRNQ

Tab. 3.4 : Structures syllabiques rares, d’après Kindaichi et Maës (1978, p. 12) On constate qu’il ne peut donc y avoir de groupe consonantique de type CCV ou VCC, et toutes les syllabes sont ouvertes, à l’exception de N et Q en coda.

3.6 Problématique

Même si le japonais possède une structure syllabique assez simpliste, un sys- tème vocalique limité à 5 phonèmes et un système consonantique apparemment assez

réduit, on constate que l’étude de sa phonologie n’en est pas simple pour autant. L’histoire du pays a chamboulé plusieurs fois son système, l’écriture a notamment joué un rôle important dans la transformation de la langue, et aujourd’hui peu de phonologues sont en accord dans la définition de la phonologie japonaise. Il a donc été tenté ici de résumer la situation, en optant plutôt pour la description d’un sys- tème économique privilégiant les allophonies, comme celui que proposent Kindaichi et Maës (1978), tout en gardant un œil sur les travaux d’autres grands phonologues japonais ou étrangers.

Avec un tel système phonologique en langue maternelle, on peut légitimement penser aux difficultés que des apprenants japonophones du français peuvent rencon- trer au cours de leur apprentissage. Citons par exemple le système vocalique du fran- çais avec ses 16 voyelles (au maximum), ou ses 20 consonnes et semi-consonnes, ou encore les 16 gabarits différents de structures syllabiques dont quelques monstres tels que CVCCCC ou CCCVCC13.

Afin de savoir quelles sont les difficultés réelles des apprenants japonophones, une courte étude de cas sera présentée dans le chapitre suivant. Après une analyse détaillée des difficultés des apprenants, nous pourrons réfléchir à une approche plus adaptée de la phonologie, que nous mettrons ensuite en place dans la partie expérimentale de notre étude.

Chapitre 4

Étude de cas sur la production orale

d’un apprenant japonophone

Après avoir survolé les différentes caractéristiques de la phonologie japonaise, on peut émettre un certain nombre d’hypothèses sur les difficultés des japonophones à acquérir le système phonologique français :

- manque de tension dans l’articulation (les voyelles et consonnes sont globale- ment relâchées en japonais et tendues en français);

- difficultés à enchaîner plusieurs consonnes (aucun cluster consonantique en japonais, sauf avec /N/);

- difficultés à prononcer les combinaisons CV qui n’existent pas en japonais ou qui sont très récentes dans son système, et difficultés à les distinguer de leur équivalent japonais traditionnel (par exemple [si] et [ʃi], [zi] et [ʤi] ou [ʒi], [tu] et [ʦu] etc.); - difficultés à réaliser les voyelles et consonnes qui ne sont pas présentes dans le système japonais (on peut penser que tous les phonèmes japonais sont légèrement différents de ceux du français, mais certains posent probablement plus de problèmes, comme les voyelles ouvertes ɛ, œ, le schwa ə, et ɔ ; les voyelles fermées y et u ; les consonnes ʁ ou χ, ʒ, et la semi-consonne ɥ);

Mais comme le suggère Brière (cf. Chapitre i), les différences interlangues ne sont pas toutes à l’origine de difficultés dans l’apprentissage, et surtout pas de diffi- cultés du même degré. Afin de vérifier ces hypothèses, nous allons donc observer la production réelle d’une apprenante japonophone. Cette étude a pour objectif d’obser-

ver les principales difficultés de prononciation d’un individu japonophone. La qualité de la prononciation variant souvent chez les apprenants selon qu’ils lisent ou parlent spontanément, le corpus audio étudié sera composé d’un extrait d’enregistrement de texte lu, et d’un enregistrement de discours spontané. Dans le deuxième cas, l’étu- diante ignorait qu’elle était enregistrée, sa prononciation est donc naturelle. Après avoir présenté le profil du locuteur, le corpus utilisé et la transcription intégrale des enregistrements, seront analysées les difficultés au niveau phonétique puis au niveau syllabique en fonction de ce qui est observable dans les enregistrements.

4.1 Profil du locuteur

Le locuteur est de sexe féminin, elle a 24 ans au moment de l’étude. Elle est née dans la préfecture de Hyōgo au Japon, mais a vécu la plus grande partie de sa vie dans la ville de Fukuoka. Elle parle un japonais plutôt standard avec sa famille, mais utilise parfois le dialecte local de Kyūsyū avec ses amis. Après trois ans d’études du français au Japon en tant que spécialiste à l’université, elle séjourne en France depuis presque un an, suivant un Master de littérature. Elle a obtenu le diplôme de langue française DELF B2 au Japon avant de venir. Malgré son niveau vraisemblablement élevé de français, elle semble avoir encore beaucoup de difficultés de prononciation. L’étude de son cas paraît donc pertinente pour connaître les difficultés réelles rencontrées par les japonophones dans l’acquisition de la phonologie française.