• Aucun résultat trouvé

2. Questionnements autour de l’architecture et de

2.1 Problématique

La réflexion vers la formation de la problématique de notre étude s’est déroulée en plusieurs étapes. La première de celles-ci a été de remettre en question la problématique de notre étude précédente dont nous avons parlé plus haut. Initialement, cette dernière interrogeait la postmodernité de Los Angeles. Nous nous étions rendus compte assez rapidement que cette question, qui lançait le débat n’était pas véritablement pertinente et c’est alors que nous avions décidé de réorienter nos recherches au travers du postulat de la présence d’un schéma invariable dans l’ensemble des manifestations postmodernes, le triptyque de concepts : patchwork, individualisme et quête de sens. Malgré les résultats plutôt positifs de cette étude, nous avons constaté que notre problématique nous avait conduit vers une démarche un peu artificielle en nous poussant à réduire certains phénomènes pour qu’ils s’adaptent à notre hypothèse1. De plus, l’intérêt de cette problématique dans sa capacité à enrichir le débat, à apporter quelque chose de nouveau, peut être questionnée. A la lumière de ces constatations, nous avons décidé de réorienter notre axe de recherche tout en continuant à observer les manifestations postmodernes. Il s’agit donc désormais d’interroger ces différentes manifestations car, comme nous l’avons vu, si le postmodernisme est omniprésent, il se matérialise sous des formes les plus diverses.

Après cette première étape qui nous a permis de redéfinir la direction générale de notre étude, il fallait trouver une voie pour l’exploiter dans notre domaine de recherche, l’urbanisme. Afin de mieux faire comprendre l’aboutissement de notre réflexion, nous allons maintenant exposer les postulats de base qui nous ont conduits vers la formulation finale de notre principale hypothèse de travail qui conditionne l’ensemble de notre problématique.

Premièrement, nous avons affirmé que le postmodernisme n’était pas uniforme. En d’autres

1 Il s’agit notamment de notre classification du système industriel post-fordiste dans le concept d’individualisme.

Si l’on comprend bien, en suivant notre raisonnement, la raison de cette classification, dans ce cas, le terme individualisme aurait sans doute gagné à être remplacé par fragmentation.

Los Angeles à l'heure du postmodernisme: morphologie du bâti et identité socio-culturelle

termes, cela signifie que ses manifestations sont multiples. En effet, le postmodernisme touche de nombreux domaines et il est, lui-même, composé de différents aspects, ce qui explique la pluralité de ce concept. Nous verrons dans les chapitres suivants quelles sont, concrètement, les matérialisations du postmodernisme dans les domaines qui nous concernent, l’urbanisme et l’architecture. A partir de l’affirmation de ce postulat, une question émerge immédiatement : Que peut-on tirer de la distinction des différentes manifestations du postmodernisme ?, Quels types de renseignements peut-on découvrir en observant les différentes manifestations du postmodernisme ?

Deuxièmement, nous postulons un lien étroit entre le postmodernisme et la culture. Selon nous, le postmodernisme puiserait ses racines dans la culture et la vie sociale et individuelle, là où d’autres courants de pensée étaient plutôt inspirés par la science, notamment (naturalisme, modernisme,…). Sans revenir en détail sur la genèse du postmodernisme, rappelons simplement que ses principales inspirations, émergeant en partie en réaction face aux excès du modernisme, sont une ré-humanisation de la société, une réaffirmation de l’individu, un retour de la recherche du sens et un rejet de l'uniformisation, survivance de la civilisation moderniste. L’ensemble de ces valeurs est donc profondément social mais aussi culturel. En effet, selon l’anthropologue américain Clifford Geertz, la culture serait :

" un modèle de significations incarnées dans des symboles qui sont transmis à travers l’histoire, un système de conceptions héritées qui s’expriment symboliquement, et au moyen desquels les hommes communiquent, perpétuent et développent leur connaissance de la vie et leur attitude devant elle. "2

Dans cette définition, les mots-clés sont communication, symbole et connaissance. Lorsque l’on étudie attentivement la nature de ces notions, on remarque indéniablement leur parenté avec les composantes majeures du postmodernisme et donc le lien qui existe entre ce dernier et la culture. En effet, nous avons dit plus tôt que l’un des traits fondamentaux du postmodernisme était la recherche du sens. La dimension symbolique est donc bien présente dans ce courant de pensée. La culture étant un vecteur de symboles, l’on peut donc affirmer que le postmodernisme met en œuvre un processus culturel lorsqu’il utilise des symboles. Par ailleurs, Geertz affirme que la culture est un moyen de communication. La postmodernisme

2 In « La religion comme système culturel », GEERTZ, Clifford, p.21, op. cit.

met justement l’accent sur la communication. Ne dit-on pas que la société (postmoderne) actuelle est une société de communication ? Il y a une communication sans barrières, sans limites entre les individus. La culture sert donc à la communication alors que le postmodernisme l’utilise. Finalement, la définition de l’anthropologue américain met en avant la connaissance, l’histoire. L’une des sources contribuant à l’hétérogénéité, à l’éclectisme du postmodernisme est justement la tradition, l’histoire accumulée par les différentes civilisations. La culture est un vecteur de propagation de l’histoire et des connaissances accumulées par l’Homme, sources employées par le postmodernisme. Le postmodernisme est donc un courant de pensée utilisant comme sources, les symboles et les connaissances véhiculées par la culture. Le lien est donc établit entre ces deux notions.

En résumé, nous postulons que :

1. le postmodernisme a de nombreuses manifestations 2. le postmodernisme est lié à la culture

Donc, par une simple déduction logique, nous pouvons affirmer que:

Les nombreuses manifestations du postmodernisme sont étroitement liées à la culture

Corollairement, cela implique qu’en étudiant les manifestations postmodernes, on peut déduire le substratum socio-culturel de leurs utilisateurs, qu'ils soient habitants, travailleurs, visiteurs ou autres. Nous entendons par substratum socio-culturel, l'ensemble des facteurs participant à la détermination de l'identité individuelle (origine ethnique, statut économique, niveau d'éducation, affinités culturelles,…).

Pour faire la transition avec notre domaine de recherche dans cette étude, nous postulerons que les différentes applications postmodernes dans le bâti sont en relation avec l’environnement socio-culturel dans lequel elles émergent. En effet, en suivant le raisonnement exposé plus haut, le bâti postmoderne est liée à son contexte puisque ce dernier influence la culture. Donc, en étudiant la forme du bâti, particulièrement au travers de ses différentes expressions postmodernes, l’on peut déduire un certain nombre de caractéristiques de son milieu.

Los Angeles à l'heure du postmodernisme: morphologie du bâti et identité socio-culturelle

Cela nous amène à pouvoir formuler notre principale hypothèse de travail :

La morphologie du bâti urbain reflète les spécificités socio-culturelles des habitants. Il est donc possible de reconnaître l’origine sociale et culturelle des habitants/utilisateurs de différentes zones en observant les différentes nuances dans l’utilisation de la trame postmoderne, non seulement au niveau de l’unité de construction (immeuble ou maison) mais aussi à l’échelle supérieure, celle du bloc, voire du quartier.

Il est absolument nécessaire d’apporter une première précision quant à la forme concrète de notre analyse. En effet, celle-ci se basera de façon préférentielle sur le bâti d’habitation, ce que nous justifions par le fait que nous considérons que celui-ci renferme les plus profondes racines de l’identité des gens puisqu’ils y vivent et y laissent donc, généralement, leur empreinte. Le bâti des lieux de travail et, à moindre mesure, celui des autres activités sociales, est aussi intéressant de notre point de vue, car il fait aussi partie de la vie socio-culturelle de la population. Pourtant l’étude de sa morphologie n’est pas toujours significative car souvent l’usager n’y laisse pas son empreinte et les caractéristiques du bâti ne peuvent refléter les nuances de ses occupants.

2.2 Architecture et urbanisme postmodernes : implications