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Problématique et modèles existants

Un premier modèle de nappe renforcée, que l’on appellera modèle de nappe arasée, s’appuie sur les travaux d’homogénéisation de (Gardin et al., 1998) . Les déformations de la gomme n’étant pas ho- mogènes sur la géométrie de nappe exacte (figure 2.5(a)) du fait des micro-déformations autour des

câbles, il semble difficile d’estimer la moyenne des efforts à l’échelle macroscopique. L’idée est alors d’approcher cette géométrie par un milieu bidimensionnel (figure 2.5(b)), qui conserve la même pé- riodicité selon a2et la même fraction volumique de renforts fc = π re t2, mais approche les renforts cylindriques par des cylindres à section rectangulaire. Sur une telle géométrie, on peut alors montrer que les déformations de la gomme sont homogènes sur chaque couche à section rectangulaire.

e1 e2

e3

e

t r

(a) Géométrie locale exacte d’une nappe fibrée

e1 e2 e3 e t π r2 t

(b) Modèle de nappe arasée équivalent FIG. 2.5: Approximation de la géométrie dans le modèle de nappe arasée

Remarque: Cette approximation géométrique sera d’autant plus précise qu’il y aura peu de gomme au dessus et en dessous du câble, c’est à dire lorsque le rayon de câble r approchera la moitié de l’épaisseur de nappe t, comme illustré sur la figure 2.6.

e

t r

FIG. 2.6: Représentation du cas limite r ≈2t Ce problème fait alors intervenir deux petits paramètres :

– le rapport entre la période d’empilement e et la taille de la structure L ; – le rapport de raideurs entre la partie gomme et la partie câbles.

Si on introduit le paramètre ǫ =e

L≪ 1, il est démontré dans (Grandidier and Potier-Ferry, 1990) que le rapport de raideurs doit être choisi pour respecter l’ordre de grandeur :

η =Eg Ec = O(ǫ

2) (2.9)

Sous ces hypothèses, (Gardin et al., 1998) réalise une analyse asympotique dans un cadre d’élasticité linéaire en supposant la gomme compressible. Ilest démontré qu’à la limite, les renforts sont soumis à un état de flexion/compression pure, et vérifient l’hypothèse de Navier-Bernoulli : cisaillement nul et extension transverse négligeable. En conséquence, la matrice supporte la totalité de la défor- mation en cisaillement et en extension transverse. La résolution des équations d’équilibre sur une couche de gomme montre alors que la déformation y est homogène. Le tenseur de Green-Lagrange local dans la gomme e

gest alors approché en fonction du tenseur des déformations moyennes e par l’expression :

eg= 1 1 − fce, et la déformation de câble se réduit à

Finalement, en deux dimensions, (Gardin et al., 1998) obtient la loi de comportement :    < σ11> < σ33> < σ13>    =     fcEc 0 0 0 Eg (1−fc)(1−ν2g) 0 0 0 Eg (1−fc)(1+νg)     ·    < e11 > < e33> < e13>    +      0 0 −Ecfc3 6 2 ∂ξ21< e13>     

Pour simplifier, on peut en plus supposer que la nappe travaille surtout en membrane, la flexion étant prise en compte par l’épaisseur du milieu 3D environnant (cf (Barbier, Michelin) et (Palgen, Michelin)). On va donc simplifier cette expression en négligeant le terme de flexion

Ec f 3 c 6 2 ∂ξ21 < e13> .

En termes d’énergie, si on intègre l’énergie associée à la gomme sur le volume occupé par la gomme, on obtient alors la densité volumique d’énergie

wM(e) = (1 − fc) wi nc( 1 1 − fce)

| {z }

wi ncM (e)

+fcwc ab(e11) (2.10)

où wi ncest la densité volumique d’énergie pour une gomme incompressible homogène.

L’approximation 2.10 est valable en élasticité linéaire, et on cherche à savoir si elle peut s’étendre à un cadre non linéaire. Malheureusement, en présence de fortes non-linéarités, le calcul d’une den- sité d’énergie avec un tenseur pondéré ne respectant pas les invariances mécaniques peut se révéler dangereux. Une solution est alors de supposer que les déformations restent assez petites pour ap- procher un régime linéaire, de manière à faire sortir le facteur1−ν1 de l’énergie. Finalement, pour une gomme quasi-incompressible au comportement non linéaire, cela nous conduit à choisir comme densité d’énergie homogénéisée :

wM(e) = 1 1 − fcwi nc(e) | {z } wi ncM (e) +fcwc ab(e11) + κ 2 ³ d et (∇x) − 1´2 (2.11)

Ce modèle de nappe arasée donne de bons résultats sur des problèmes dans lequels les fibres de la nappe sont sollicitées en traction, même pour des valeurs de ǫ relativement grandes (cf (Barbier, Michelin)).

Mais par contre, si la nappe est mise en compression dans le sens des fibres et que le milieu 3D environnant ne la maintient pas correctement, les limites de ce modèle apparaissent. On illustre sur la figure 2.7 le résultat d’un calcul de nappe en compression axiale avec des éléments finis en déplacements Q1 2D axisymétrique utilisant ce modèle. Il montre un phénomène d’oscillations hors plan entre les éléments, appelé flambement numérique, lorsque les câbles sont mis en compression axiale.

De manière grossière, il coûte moins cher énergétiquement de mettre la gomme en cisaillement d’une maille à l’autre plutôt que de mettre les câbles en compression. Ce résultat non physique est dû au fait que l’énergie de notre modèle ne fait pas intervenir la flexion des câbles, qui doit empêcher ce genre de phénomènes. Cet exemple montre donc l’importance de prendre en compte correctement la flexion hors plan des câbles, ce qui peut être fait par exemple en utilisant un modèle macrosco- pique de coque.

FIG. 2.7: Flambement numérique hors plan en compression axiale : résultat obtenu avec le modèle de nappe arasée sur des éléments 2D Q1 axisymétriques (tiré de (Dejonghe, Michelin))

Modèle de coque

Pour contrôler les flexions hors plan d’une structure fine tout en conservant des éléments finis C0,

le principe de la théorie des coques est de contrôler les rotations du vecteur normal à la surface moyenne a3(voir (Chapelle and Bathe, 2003)). Pour prendre en compte le fait que la nappe résiste en flexion dans le sens des fibres et non perpendiculairement à celles-ci, il suffira alors d’utiliser une loi de comportement orthotrope homogénéisée. Cette idée a été appliquée par exemple par (Chapelle and Ferent, 2003), qui modélise des nappes de renfort dans une structure grace à des élé- ments finis de coque 3D.

Le modèle de coque permet de contourner le problème de flambement numérique observé sur la fi- gure 2.7 en prenant en compte les flexions hors plan. Néanmoins, celui-ci demeure insuffisant : sous certaines sollicitations, nous avons vu en introduction qu’une nappe fibrée mise en compression peut se mettre à flamber dans le plan, et non hors plan (voir figure 2.8).

FIG. 2.8: Flambement dans le plan en flexion/compression

Le modèle de coque ne permet de prendre en compte que la flexion hors plan, donc il ne pourra pas modéliser correctement les flexions dans le plan comme on souhaiterait le faire. Pour l’enrichir, il semble nécessaire de tenir compte des rotations du vecteur directeur a1le long des fibres en plus de celles de a3.

On se dirige alors vers un modèle de nappe fibrée qui aurait pour inconnues dans son plan médian : 3 degrés de libertés de déplacements, et 3 degrés de libertés de rotations. L’énergie devra tenir compte de leurs variations dans le sens de fibres, ce qui donne envie de modéliser les fibres présentes dans la nappe comme des poutres pouvant résister en flexion dans toutes les directions.

Tout ceci nous amène à choisir la modélisation macroscopique originale, basée sur la représentation de chaque fibre comme une poutre en grands déplacements et grandes rotations, couplées entre elles par la gomme qui les entoure.

La suite de ce chapitre présente notre modèle de nappe renforcée, et est organisé comme suit : nous allons dans un premier temps décrire le modèle de poutre en grands déplacements qui permet de modéliser chaque fibre, en s’inspirant notamment des travaux de (Antman and Kenney, 1981), (Bourgat et al., 1988) et (Le Tallec et al., 1991). Dans un second temps, nous allons détailler la ma- nière d’insérer ce modèle de poutre 1D pour modéliser une nappe fibrée 3D. Enfin, nous explique- rons la méthode de résolution employée pour résoudre le problème discret non linéaire.

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