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La problématique de l’habitat précaire

CHAPITRE II : « LA PRECARITE DANS LE BATI URBAIN : ESSAI

1. La problématique de l’habitat précaire

L’Algérie, à l’instar de beaucoup de pays en voie de développement, connaît une croissance urbaine rapide et des mutations socio-économiques et culturelles profondes. Une des expressions de cette croissance apparaît dans les caractéristiques morphologiques et socio-économiques des villes et notamment, à travers de larges secteurs d’habitat précaire.

L’habitat précaire désigne, en fait, une multitude de formes d’habitat, différentes de point de vue caractéristiques du tissu urbain créé, de l’occupation du logement ou des habitants, mais aussi du point de vue de formation et développement. Plusieurs indicateurs permettent de différencier les formes d’habitat précaire. Chaque expression de la précarité, désigne, en fait, des caractéristiques, suggère des facteurs explicatifs ou renvoie à une problématique plus globale. Si le phénomène est commun à plusieurs pays en voie de développement, les conditions de sa formation et de son extension sont spécifiques à chaque contexte national, voire local. Le fait est que le phénomène s’est imposé dans le paysage urbain et dans le fonctionnement des villes et on assiste à une prise de conscience de plus en plus large ; en témoigne l’intérêt, relativement récent, accordé dans les recherches universitaires et les études opérationnelles à ce thème.

Dans ce sens, nous allons tenter de traiter globalement et spécifiquement de l’habitat précaire dans sa complexité, dans ses retombées négatives tant sur la santé des habitants que sur leur environnement, sur les différents tissus et espaces et dans ses différentes formes d’expression.

1-1. L’insalubrité : une idéologie hygiéniste

Nous travaillons sous l'emprise d'un concept d'insalubrité construit dans le XIXe siècle. Ses antécédents sont la plupart du temps ignorés : on la traite souvent, à tort, comme une question n'ayant été seulement soulevée qu'au moment où se forme la société industrielle, la société dite moderne, à l'aube du XXe siècle. Une idéologie hygiéniste s'est en effet développée avec la caution des progrès scientifiques du XIXe.

Mais, dès qu’on aborde l’insalubrité, on se heurte à la difficulté d’appréhender ce concept et de définir ses contours. La loi s’y référant, remonte à 1914 et porte réglementation des établissements insalubres, incommodes ou dangereux. Elle s’attache davantage à réglementer l’insalubrité, au sein des dits établissements, qu’à la définir et reste muette quant à l’habitat urbain. Nous remarquerons, cependant, que les définitions qui ont prévalu jusqu’à nos jours, font référence à l’insalubrité, qui met la santé des hommes au centre de sa problématique. Le concept lié à l’insalubrité était, en effet, défini avec une connotation hygiéniste, fortement marquée par le contexte historique de son élaboration comme nous tenterons de l’expliquer ci-après. Les préoccupations étaient alors centrées sur le contrôle social et les luttes contre les

épidémies. Ces préoccupations restent d’actualité, malgré l’évolution du contexte et la salubrité continue d’être définie comme l’état d’un milieu favorable à la santé (1).

C’est dire que menée en Europe par le Mouvement moderne dont se réclame Michel Ecochard, la salubrité renvoie à des rituels d'exorcisme, d'un mal qui peut s'abattre sur une communauté humaine, la décimer, voire, l'anéantir. La salubrité, entendue aujourd'hui comme expression de santé, puise en réalité à la même racine étymologique du mot latin "salus" qui qualifie à la fois le salut et la santé (2).

Sur un plan plus général, l’urbanisme moderne, est marqué par les thèses hygiénistes : toutes les techniques urbaines sont mobilisées pour cureter et prévenir le développement des germes morbides que favorise l'entassement urbain, lui même accru par l'activité industrielle.

La qualité de l'air, le rôle de l'ensoleillement, essentiel dans le recul de la tuberculose, fondent des dispositifs réglementaires applicables à la construction des immeubles et au gabarit des voies. Ces derniers sont conçus au début du siècle et toujours en vigueur dans leurs grandes lignes.

La règle devient une norme administrative et les raisons initiales qui la fondaient finissent par être oubliées. Elle se transforme en un dogme dont la valeur est universelle et finit même par revêtir un caractère normatif, voire obsessionnel (3). On peut ainsi considérer que la norme a tendance à opérer comme un mythe moderne, et l'application appropriée, tend finalement à devenir obligation bureaucratique : la lettre s'instaure au détriment de l'esprit. Ainsi l'hygiénisme, assuré du crédit scientifique des progrès de la médecine, tend à prendre une place tellement importante que tous les autres aspects du mode d'habiter, et les dispositions spatiales qui lui correspondent, passent au second plan, ou sont même quelquefois purement et simplement liquidés : l'aseptisation du logement social, la conception clinique des appareils ménagers (du moins dans les années 50, mais sans doute encore aujourd'hui) ne sont pas sans correspondre à cet envahissement de la prophylaxie hygiéniste.

C'est dire qu'il nous faut dépasser l'aspect technique de la salubrité, avec lequel on la considère aujourd'hui, pour l'articuler à une dimension culturelle, dont les ressorts sont profondément cachés.

De nombreux cas dans les travaux de ( Bensa A, 1996, p121), peuvent être avancés de dispositifs intégrés en vue d'une amélioration de l'hygiène, qui se sont retournés contre lui, parce qu'inadaptés culturellement ou excessivement sophistiqués dans leur conception

1-1-1.Intérêt et actualité de l’approche hygiéniste ?

Mais aujourd’hui au-delà de l’intérêt général que prend la question de l’insalubrité en regard de l’ensemble de l’humanité et même de la planète, cette question se trouve désormais plus globalement inscrite dans ce que (Pinson D, 1992, p 109) appelle l’écologie urbaine dès le moment où les menaces de la pollution, amplifiées, interpellent collectivement la société et, non plus simplement des quartiers insalubres, clairement délimités.

En ce sens, il nous pensons que la salubrité peut recevoir à la fois des traits d'universalité et de spécificité. C'est avec une telle posture qu'il faudrait envisager les nouvelles urbanisations, en analyser les formes d'insalubrité et en reconcevoir les règles dans une perspective écologique plus globale, et d’inclure dans le champ de réflexion les préoccupations du courant développementaliste dominant actuellement, exprimé notamment par le concept développement humain et durable ainsi que les stratégies d’allégement de la pauvreté.