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Annaba : une ville en pleine expansion : ségrégation et contradictions

CHAPITRE V : « ANNABA, EXTENSION SPATIALE NON MAÎTRISEE ET

1. Annaba : une ville en pleine expansion : ségrégation et contradictions

Avant que la ville n’atteint les 115.000 habitants en 1954, sa croissance s’est faite par étapes et fut lente jusqu’en 1930-1948 où elle passe de 86.000 à 102.000 respectivement (1).

Toutefois le rythme va s’accélérer avec les débuts de la révolution démographique dans le pays et la généralisation des machines agricoles dans l’agriculture coloniale dans laquelle la population algérienne est confinés dans les douars et les villages d’un espace rural dominé par les exploitants européens.

A partir des années 1950, les campagnes vont se transformer et libérer leurs paysanneries tant pour des raisons économiques (sous-emploi, disette, famine) que politiques (regroupant des paysans pour cause de guerre).

A la recherche de quoi subsister, éventuellement d’un emploi dans l’industrie naissante que l’on s’efforce de développer à la hâte, pour calmer les tensions sociales (Plan de Constantine 1955), et à cette date, la ville au sens moderne du terme était déjà dotée d’un port important de 64 ha, d’un aérodrome, d’une industrie florissante, d’un réseau de chemins de fer et de communications routières et d’un réseau téléphonique important.

Ce sont là, autant de facteurs qui déterminent son attractivité, et expliquent par la même occasion sa croissance et ses problèmes. Des lors qu’on commença à s’intéresser aux problèmes de la ville, notamment les besoins en logement qui étaient estimés à 22.000 unités en 1958 (2).

Tous ces aspects de la croissance numérique de la ville, se liront à travers un site original dépassé et un étalement de plus en plus contesté.

La naissance d’une ville européenne aux portes de la Médina, annonça l’éclatement du cadre urbain traditionnel. Ainsi est née une structure « duaiée » opposant une Médina en crise, à un centre moderne appelé à se développer et à la supplanter.

La ville s’étend au-delà des marrais du ruisseau d’or dans le faubourg Saint-Anne, au Nord-ouest, naîtront ensuite les quartiers de Saint-Cloud et de la pépinière et constitueront par conséquent les premiers jalons d’une croissance spatiale nouvelle.

Ce n’est que subséquemment, que la cité Auzas et le champ de manœuvres vont se souder à la ville neuve, tandis que les quartiers Ouest connaîtront un développement considérable , que subsistera une forte poussée vers le nord, c’est alors que Joannoville apparaîtra à l’Est de la Seybouse.

Le Nord, secteur de résidences aisées et riches, se différencie désormais sur le plan des équipements du tissu urbain et de l’architecture du bâti, d’un Ouest peuplé de classes moyennes et surtout, du Sud où la population est essentiellement ouvrière et pauvre.

Les années 1950 déjà, verront une implantation massive des bidonvilles autour de la ville coloniale.

Cette structuration dualiste de la ville entre quartiers de façade et quartiers d’arrière–cour, entre quartiers plats et quartiers pentus, entre quartiers structurés et équipés et ceux « anarchiques » et sous–équipés résume à elle seule le caractère étanche et ségrégatif des relations entre communautés (3).

Apres l’indépendance, le départ des Européens a amorcé « l’algérianisation » des villes algériennes, que l’on a qualifiée à juste titre « d’urbanisation démographique et physiologique. L’urbanisation de la ville de Annaba va bien au-delà de la ville intra-muros en tentant de reprendre le contenu du plan de Constantine en injectant des ZHUN et en industrialisant davantage le territoire le long, particulièrement de l’axe Annaba El Hadjar.

Les choix sont de différents ordres dont le phénomène d’industrialisation intensif à travers le cas du pôle sidérurgique d’El-Hadjar, montre que les pôles de croissance, s’ils ont concrétisé la politique des industries industrialisantes », ont été avant tout des révélateurs à contrario des désarticulations du modèle de développement choisi (4).

Les conséquences de ce phénomène sont bien connues ; plaque tournante devient le premier pôle d’attraction pour les zones pauvres du Sud-est : Guelma, Souk-Ahras, Tébessa. Par là s’expliquent l’appel massif de la main-d’œuvre au plan quantitatif et au plan qualitatif, l’origine rurale de celle-ci, le taux de croissance démographique de la wilaya reste l’un des plus élevés d’Algérie : 4,6 % en 1966 et 6,5 % en 1977(5).

Il faut toutefois rappeler que ces entreprises socialistes ont adopté une politique de logement destinée à favoriser le recrutement et éviter le « turn-over », avec des pratiques différenciées, ainsi El Hadjar, dans la mouvance du grand complexe sidérurgique, les 60000 personnes qui vivaient en 5000 baraques en 1979 seraient devenues 300000 en 50 000 baraques en 1985 (6).

Le bidonville serait-il la « face cachée du marché du travail », le revers de la politique d’accumulation tant vanté ?

C’est alors que, la croissance de Annaba correspond à une expansion spatiale vers son espace périphérique. D’abord vers la ville d’El Hadjar qui connaîtra des extensions sous forme de lotissements et de programmes de logements..., puis d’ El Bouni créée en 1975 sous forme de ZHUN (Zone d’habitat urbain nouvelle) avec les aspects bien connus des cités dortoirs . Enfin, la ZHUN de Sidi Amar, et celles de la pleine Ouest et plus récemment les lotissements de Kherraza , Essarouel , oued Zied et Hadjar Diss ont attiré les populations , et ce en réponse à la volonté politique de "supprimer les inégalités"(1), conduit donc l’Etat planificateur à inscrire son action à l’échelle de la commune et de la wilaya ce qui n’a donc pas enrayé "l’urbanisation– gaspillage"selon la pertinente expression de ( Sidi Boumediene R et Taïeb M, 1982, p79).

En effet, ce noyau dynamique de la croissance de la ville se situe au niveau de l’intercommunal, au carrefour des principaux couloirs de communication de l’ensemble de la région (RN 44, RN 44 Ouest, RN 21 et RN 16), composé des communes de Annaba, El Hadjar, El Bouni et Sidi Amar, et se considère comme de la superposition de différentes logiques, en raison de ses caractéristiques socio économiques(2) (voir carte n°1).

Pour mieux apprécier l’amplification ce cette urbanisation favorisant l’étalement en tache d’huile de la ville, certains chiffres méritent d’être rappelés. En 2004, la wilaya de Annaba compte une population de près de 600.000 habitants dont 90% sont concentrés au niveau des quatre communes Annaba, El Hadjar, Sidi Ammar, El Bouni soit près de 18% de son territoire. La wilaya de Annaba est caractérisée donc par une concentration de 90% de sa population sur 18% de son territoire.

(1)

Si la révolution algérienne vise à la promotion des hommes, à l’égalité entre tous les citoyens, elle ne pourrait atteindre ces objectifs que dans la mesure où elle supprime les inégalités de chance entre algériens, indépendamment de la région où ils vivent, la politique d’équilibre régional visant à orienter les plus grands efforts de développement sur les régions déshéritées ». Charte Nationale 1976.

(2) Plus encore cette dynamique socio-économique, arrive en définitive, à imposer sa logique sur le terrain en dépit des différentes formes de dissuasion. De nombreux bidonvilles prolifèrent même dans la ville centre et arrivent en fin de compte à s’imposer comme des quartiers de la ville. PDAU intercommunal, Annaba, El Bouni, Sidi Amar, El Hadjar 1996.

Toujours est-il quelques soient leurs causes, ces problèmes ne sont que les manifestations des difficultés et de la « crise » plus générale, qui sans être particulière à Annaba, semble toucher toutes les grandes villes algériennes(1). Ces problèmes constituent néanmoins autant d’entraves au bon fonctionnement d’un organisme urbain déjà confronté à une épineuse crise du logement dont les aspects sont multiples, et les solutions insuffisantes ou inefficaces.