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4 Problématique et hypothèses

Dans la partie précédente, les fondements de ce travail ont été exposés. Ils montrent que la capacité de localiser une source sonore est fortement réduite dans l'eau, du fait de la détérioration des indices tant monauriculaires que binauriculaires. On se propose, dans le cadre de ce travail, de quantifier et d'analyser la performance de localisation, et de quantifier et d'analyser le rôle des mouvements de rotation de la tête dans la localisation d'une source sonore en milieu aquatique. On essayera de répondre aux interrogations suivantes:

1. Quel est le rôle des indices binauriculaires dans la localisation d'une source sonore en milieu subaquatique? L'immersion a, comme mentionné précédemment, une incidence sur les indices binauriculaires. Les indices temporels sont modifiés par l'accroissement de la vitesse de transmission de l'onde provoquée par la densité du milieu de propagation, et par la conduction osseuse. Les indices d'intensité décroissent, la tête ne constituant plus une barrière acoustique efficace. Néanmoins, on pense que les indices interauriculaires, parce qu'ils subsistent partiellement, restent une source d'informations cohérente qui permet la localisation même approximative de la source émettrice.

2. Quelle est l'importance de la fréquence du stimulus? Mills (1958) a démontré le rôle de la fréquence dans une tâche de localisation par la dissociation des indices binauriculaires temporels et d'intensité. Les sons complexes, qui par leur nature sont plus riches du point de vue spectral, permettent d'obtenir en milieu subaquatique de meilleures performances que celles qui sont obtenues avec des sons purs, en particulier s'ils sont comparés à des signaux de hautes fréquences (Hollien, 1971; Hollien & Feinstein, 1975; Hollien, Hicks &!Klepper,!1986), ce résultat est également valable en milieu aérien (Terhune, 1974).

3. Quelles doivent être, en milieu subaquatique, les caractéristiques de la durée d'émission d'un

stimulus acoustique pour qu'il soit décelable grâce aux mouvements de tête? Il est impératif

que la durée du stimulus soit suffisamment longue pour permettre au sujet d'explorer le paysage auditif par des mouvements de rotation de la tête (Hollien, Hicks &!Klepper, 1986; Makous &!Middlebrooks,!1990).

4. Quel est, dans la localisation d'une source sonore en milieu subaquatique, le rôle des mouvements de tête, et quelle doit être leur nature? Les mouvements de tête interviennent dans l'écoute monauriculaire et binauriculaire (Thurlow &!Runge,!1967; Thurlow et al.,!1967). Ils contribuent à la localisation des sources sonores, en particulier lorsqu'une ambiguïté subsiste quant à la position de l'émetteur (avant versus arrière). Dans le cas de l'écoute binauriculaire, deux comportements opposés pourraient être appliqués: 1)!une maximisation des différences, 2)!une minimisation de celles-ci.

5. Quelles sont les positions spatiales les plus aisément localisables? Selon Wells et Ross (1980), en raison de l'illusion engendrée par la vitesse sur la position réelle de la source, les réponses devraient être regroupées dans un secteur allant de +22.5° à –22.5° de part et d'autre de l'axe médian, sur l'avant comme sur l'arrière. Mais, selon Feinstein!(1975) grâce à la persistance des indices temporels interauriculaires, ce sont les sources latérales qui devraient être identifiées avec la plus grande précision. Enfin, c'est sans mouvements de tête que les plus mauvaises performances seront enregistrées, en particulier avec les sources situées directement devant ou derrière le sujet, en raison de l'absence de différences interauriculaires sur l'axe médian (Mills,!1972; Blauert,!1983; Müller!& Bovet,!1999).

6. Quelle est l'influence de la pratique sportive de la plongée sous-marine sur l'aptitude à localiser une source acoustique en milieu subaquatique? On sait que la modification des perceptions en milieu subaquatique est la plus manifeste avec des sujets débutants (Weltman &!Egstrom,!1966). La pratique de la plongée n'est pas neutre sur ce point; les sujets les mieux familiarisés avec l'environnement subaquatique effectuent un apprentissage latent et développent des comportements adaptatifs. On constate chez des sujets expérimentés de meilleures performances, dans ce type de tâche, que chez des sujets débutants (Stouffer, Douherty &!Hollien,!1975). En ce qui concerne les capacités acoustiques et en particulier celle de la localisation, il n'existe, à notre connaissance, aucune donnée. Seule une expérience dont la tâche consistait à localiser une embarcation se déplaçant en surface a fourni des rudiments de réponse. Dans un questionnaire pré-expérimental, les sujets auto-évaluent leur aptitude à réaliser la tâche. Expérimentés ou débutants, ils se jugent incapables de la réaliser. Les résultats montrent néanmoins une différence en faveur des experts si l'on compare les

7. Quel est en milieu subaquatique le rôle des pavillons dans la localisation d'une source sonore située dans le plan horizontal où se trouve le sujet? Le pavillon est le principal organe responsable des mécanismes monauriculaires. Le pavillon modifie la composition spectrale de l'onde acoustique au moyen de sa configuration anatomo-structurelle, ce qui en fait un outil particulièrement efficace, en milieu aérien, notamment pour déterminer l'élévation d'une source. Il permet également de lever certaines ambiguïtés en matière de localisation d'une source, notamment dans le plan horizontal. En milieu subaquatique, le rôle déterminant joué par les pavillons devrait disparaître. Les cartilages qui composent le pavillon ont une impédance pratiquement égale à celle de l'eau. Cette égalité devrait faire disparaître les phénomènes de résonance et les délais de réflexion de l'onde sonore. Ainsi, l'additivité des effets des pavillons et des mouvements de tête, démontrée par Müller (1995), doit disparaître en milieu subaquatique. Il reste que des études menées sur différentes espèces de mammifères marins interpellent à cet égard. En effet, elles laissent sous-entendre que, chez ces espèces, les pavillons jouent un rôle dans les tâches de localisation. Les Otaridae (otaries, lions de mer…), dotées de pavillons, ont de meilleures performances que les Phocidae (phoques, éléphants de mer…), qui n'en possèdent pas, dans des tâches portant sur l'angle minimal de discrimination auditive entre deux sources sonores (Schusterman, 1969).

8. Quel est le rôle de la transmission du signal acoustique par conduction osseuse dans la localisation d'une source sonore en milieu subaquatique? Dans l'eau, du fait de la nature particulière des ondes acoustiques, l'os temporal devient un meilleur transmetteur du son qu'il l'est dans l'air; c'est le phénomène de conduction osseuse. Ce phénomène atténue les informations temporelles interauriculaires et élimine les différences interauriculaires d'intensité, que crée le jeu des impédances en milieu aérien. La conduction osseuse est l'un des facteurs naturels responsables de la diminution des capacités de localisation auditive de l'Homme en milieu subaquatique (Hollien,!1973). Ce phénomène, bien connu en laboratoire, n'a, à notre connaissance, pas été étudié en milieu subaquatique en raison de la difficulté d'isoler ses différents paramètres.

4.1

Hypothèse générale

L'hypothèse générale est que malgré la modification et la diminution des indices de localisation pendant l'immersion, l'aptitude à localiser une source acoustique est maintenue. Cette hypothèse est étayée par des observations ethnologiques sur les techniques de pêche de tribus malaises. On pense que la conservation de cette capacité est liée à la persistance d'indices interauriculaires, notamment à celle des indices interauriculaires temporels, qui à défaut de disparaître sont diminués mais resteront interprétables en termes de localisation.