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ontaminant ubiquitaire de l'environnement, le benzo-a-pyrène (BaP) est présent autant dans l'air que sur les aliments. Tous les individus y sont exposés, que ce soit dans leur environnement de vie ou de travail. Par ailleurs, le BaP est un Hydrocarbure aromatique polycyclique (HAP) reconnu comme cancérogène pour l'homme. À ce titre, l'évaluation de l'exposition et des effets génotoxiques de ce composé doit être effectuée chez l'Homme. Des études in vivo ont montré que l'exposition aux HAP causait la formation de lésions diverses à l'ADN (adduits HAP-ADN, bris à l'ADN, échanges entre chromatides-sœurs, aberrations chromosomiques et micronoyaux). Une corrélation entre ces lésions (appelées biomarqueurs) et le niveau d'exposition est mise en évidence dans certaines études, alors qu'elle n'est pas visible dans d'autres études. Ces disparités sont causées, entre autres, par le fait que les expositions environementales et occupationelles sont mixtes. En effet, les individus sont exposés à un mélange de composés chimiques divers qui, collectivement, vont entraîner la formation de lésions à l'ADN.

Afin de cerner les effets d'un composé ou d'une classe de composés, les études in vitro sont couramment utilisées. Ainsi, le benzo-a-pyrène est utilisé comme représentant de la classe des HAP et sert d'étalon de comparaison lors de l'étude de mélanges de HAP. Les études in vitro effectuées avec des lignées cellulaires comme la lignée hépatique HepG2 ont, entre autres, permis de grandes avancées dans la compréhension du métabolisme du BaP et autres HAP. Cependant, afin d'étudier les lésions à l'ADN causées par le BaP et les

relations qui existent entre elles, il est nécessaire d'utiliser un type cellulaire provenant des tissus cibles du cancer (peau, poumon, vessie) ou des tissus de substitution servant à la surveillance biologique (principalement les lymphocytes sanguins). De plus, comme ces lésions se produisent in vivo dans des cellules normales, le choix d'un type cellulaire normal et facile à obtenir s'impose pour ces études in vitro. C'est pour toutes ces raisons que nous avons choisi le lymphocyte sanguin humain comme cellule modèle dans cette étude in vitro de la génotoxicité du BaP.

Par ailleurs, l'étude de la littérature nous permet de constater que l’analyse statistique des résultats provenant des études in vitro sur les lymphocytes sanguins humains, est toujours effectuée par groupes, sexe et âge confondus. Ce type d’analyse ne permet pas de voir les différences existant entre les individus. Ces différences interindividuelles existent, puisque ce ne sont pas tous les individus fumant la cigarette ou tous les travailleurs exposés aux HAP qui développeront ultimement un cancer. Il doit donc exister dans la population des individus plus ou moins sensibles à ce type de produit chimique. De plus, dans les études où le sexe des sujets est spécifié, il n’y a pas de stratification par sexe, donc il n’est pas possible de savoir si des différences existent entre les sexes. L’analyse des études de travailleurs exposés aux HAP ne permet pas non plus de répondre à cette question, puisque les cohortes sont généralement composées uniquement d’hommes, en partie en raison de la nature très physique du travail effectué. Il pourrait être important de savoir si de telles différences existent entre les sexes, lors d’études populationnelles où autant les hommes, que les femmes ou les enfants sont recrutés. Même si peu de données permettent de croire qu’une différence entre les sexes existe, nous explorons cette hypothèse dans notre groupe de sujets.

Finalement, la mesure des différents biomarqueurs lors de la surveillance biologique des travailleurs montre des divergences entre les différentes cohortes, ce qui entraîne une certaine confusion dans le choix du meilleur biomarqueur à mesurer. Nous croyons donc que la mesure de tous ces biomarqueurs (adduits HAP-ADN, bris à l'ADN, échanges entre chromatides-sœurs, aberrations chromosomiques et micronoyaux) dans les lymphocytes sanguins humains pourrait permettre de déterminer le/les biomarqueurs d'exposition au BaP

les plus appropriés. De plus, l'étude de ces biomarqueurs permettra de mieux comprendre les relations existant entre eux.

Les hypothèses et objectifs du projet de recherche

Hypothèse 1 : L’exposition in vitro au benzo-a-pyrène cause des effets cytogénotoxiques mesurables et significatifs aux lymphocytes sanguins humains, même à de faibles concentrations.

Pour vérifier cette hypothèse, de faibles concentrations de BaP sont utilisées (0,1 – 1 – 5 – 10 µg/mL) pour effectuer une exposition des lymphocytes durant 24 heures. De plus, une période post-exposition de 24 heures sans BaP est allouée aux cellules afin de permettre le métabolisme du BaP et la réparation de l’ADN. Les effets cytogénotoxiques du BaP sont ensuite évalués à l’aide des biomarqueurs précoces suivants : adduits BPDE- ADN, bris simple-brin à l’ADN (BSB), aberrations chromosomiques (AC), échanges entre chromatides-sœurs (ÉCS) et micronoyaux sanguins (MNs). Pour chacun de ces biomarqueurs, nous déterminerons à partir de quelle concentration de BaP testée une augmentation significative de ces biomarqueurs est retrouvée. Les résultats seront analysés statistiquement à l’aide de l’ANOVA pour mesures répétées et/ou du test des rangs signés de Wilcoxon pour échantillons liés.

Hypothèse 2 : Il existe une relation dose-réponse dans les effets génotoxiques produits par le BaP et l’intensité de ces effets augmente avec la concentration de BaP auxquelles les cellules sont exposées.

Pour vérifier cette hypothèse, les cellules d’environ 20 sujets (autant d’hommes que de femmes) sont exposées à des concentrations croissantes de BaP. Les sujets ont été strictement sélectionnés afin d’avoir un groupe le plus homogène possible (origine ethnique, tranche d’âge, expositions antérieures connue aux HAP et autres agents

génotoxiques, etc.). Puis, les dommages à l’ADN causés par le BaP sont quantifiés à l’aide des techniques suivantes : CIA (quantification des adduits BPDE-ADN), EM-ISEL (quantification des bris simple-brin à l’ADN), test des aberrations chromosomiques, test des échanges entre chromatides-sœurs et test des micronoyaux par blocage de la cytocinèse. La forme de la courbe dose-réponse dominante sera déterminée pour chacun des types de dommages quantifiés en examinant les résultats obtenus aux tests statistiques de l’hypothèse précédente.

Hypothèse 3 : Les hommes et les femmes ne répondent pas de la même façon lorsqu’ils sont exposés au benzo-a-pyrène.

À titre exploratoire, cette hypothèse est testée dans notre groupe de sujets. Pour la vérifier, la cytogénotoxicité du BaP est évaluée chez un nombre égal d’hommes et de femmes, avec chacune des techniques déjà mentionnées. Les comparaisons entre les sexes sont effectuées en suivant deux approches. En premier lieu, les quantifications effectuées chez les hommes sont comparées à celles obtenues chez les femmes pour tous les biomarqueurs précoces étudiés, à l’aide de l’ANOVA pour mesures répétées et/ou du test de t pour échantillons indépendants (bilatéral). En second lieu, la relation dose-réponse obtenue dans le groupe d’hommes est comparée à la relation obtenue dans le groupe de femmes et ce, pour chaque biomarqueur étudié.

Hypothèse 4 : Il existe des différences entre les individus dans la réponse génotoxique induite par le BaP et les biomarqueurs précoces utilisés dans cette étude permettent de les mettre en évidence.

Pour vérifier cette hypothèse, les résultats de la quantification des dommages à l’ADN de chaque sujet de l’étude sont analysés. Pour chacun des biomarqueurs et chaque condition d’exposition, le taux de variation interindividuelle est calculé. Ces taux de variation sont comparés entre eux et avec la littérature.

Hypothèse 5 : Le mode d’action du benzo-a-pyrène sur les lymphocytes sanguins humains peut être déterminé à l’aide des biomarqueurs précoces de cette étude.

Pour vérifier cette hypothèse, les différents effets du BaP sont identifiés pour chaque biomarqueur (effet clastogène, stress oxydatif, blocage de la réplication, etc.). L’analyse par corrélation partielle des différents biomarqueurs, obtenues en contrôlant ou non pour l’exposition au BaP, ainsi que l’analyse par régression linéaire multiple permettront d’évaluer l’importance de chacun de ces effets dans la réponse cytogénotoxique globale causée par l’exposition des lymphocytes humains au benzo-a- pyrène.

Les objectifs secondaires

En plus de la vérification des hypothèses énoncées, les travaux de cette thèse visent aussi à :

• Optimiser la réalisation de techniques utilisées en cytogénotoxicité : micronoyaux présents dans les cellules épithéliales de la vessie.

• Définir une approche statistique appropriée à la comparaison de plusieurs individus pour l’interprétation des données des biomarqueurs, particulièrement pour l’essai EM-ISEL.