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Chapitre 1: Introduction

6. La cytogénotoxicité du benzo-a-pyrène et des HAP chez l’humain

es sources d’exposition aux HAP sont nombreuses et à cause de leur association avec l’apparition de cancers, les travailleurs qui y sont exposés ont fait l’objet d’une surveillance biologique depuis les années 1980 environ. 44 études de surveillance biologique de travailleurs exposés aux HAP, publiées entre 1983 et 2010 ont été recensées. Les études retenues ont évalué l’un des trois biomarqueurs cytogénétiques suivants : aberrations chromosomiques, micronoyaux ou

échanges entre chromatides-sœurs. Parmi celles-ci, 28 rapportent une augmentation significative d’un ou de plusieurs biomarqueurs cytogénétiques (Figure 23, ci-haut). Les travailleurs des industries suivantes présentaient une augmentation d’au moins un biomarqueur cytogénétique : four à coke (13 études), pavage (4 études), travaillant avec des cendres de charbon (3 études), policiers et chauffeurs d’autobus (3 études), mine de charbon (2 études), aéroport (1 étude), ramonage de cheminées (1 étude) et étudiants d’une école de réparation de moteurs au diesel (1 étude).

6.1. L’augmentation des aberrations chromosomiques

Onze cohortes rapportent une augmentation des AC. Deux proviennent de fours à coke [Bender et coll., 1988; Kalina et coll., 1998], deux de l’industrie du pavage [Major et coll., 1999, 2001], deux des mines de charbon [al-Sabti et coll., 1992; Donbak et coll.,

L

Figure 23: Diagramme de Venn indiquant le

nombre de cohortes de travailleurs présentant une augmentation d’AC, d’ÉCS, de MN ou de plusieurs d’entre eux.

2005], une est exposée aux cendres de charbon [Celik et coll., 2007], une travaille dans les aéroports [Cavallo et coll., 2006] et trois sont composées de policiers affectés au contrôle du trafic automobile et de chauffeurs d’autobus [Beskid et coll., 2007; Sram et coll., 2007a; Sram et coll., 2007b].

Parmi les cinq études où une caractérisation de l’air a été effectuée, on a retrouvé une concentration de BaP variant entre 0,4 ng/m3 et 1,37 µg/m3, alors que la concentration des HAP cancérogènes varie entre 9,07 ng/m3 et 17,74 µg/m3. Quant à la mesure de 1-OH- pyrène urinaire, elle n’a été effectuée dans aucune de ces études. Chez les policiers affectés à la circulation et les chauffeurs d’autobus, l’analyse des AC par la méthode conventionnelle n’a montré aucune augmentation, alors que la variante du test des AC couplée à la FISH montre une augmentation des AC dans les trois cohortes étudiées : des translocations, insertions et autres aberrations complexes sont retrouvées. Par ailleurs, avec le retour du printemps et une diminution de la pollution atmosphérique, le niveau des AC revient à la normale [Sram et coll., 2007b].

6.2. L’augmentation des échanges entre chromatides-sœurs

Une augmentation des ÉCS est rapportée dans 15 cohortes. Huit proviennent de fours à coke [Miner et coll., 1983; Bender et coll., 1988; Motykiewicz et coll., 1992; Van Hummelen et coll., 1993; Buchet et coll., 1995; Forni et coll., 1996; Kalina et coll., 1998; Siwinska et coll., 2004], deux de l’industrie du pavage [Burgaz et coll., 1998; Major et coll., 2001], deux des mines de charbon [al-Sabti et coll., 1992; Donbak et coll., 2005], deux sont exposées aux cendres de charbon [Stierum et coll., 1993; Celik et coll., 2007] 1993) et une provient d’une école de réparation de moteurs au diesel [Karahalil et coll., 1998].

Parmi les quatre études où une caractérisation de l’air a été effectuée, on a retrouvé une concentration de BaP variant entre 0,068 et 1,37 µg/m3, alors que la concentration des HAP (totaux ou cancérogènes) varie entre 11,33 et 23,70 µg/m3. Quant à la mesure de 1- OH-pyrène urinaire, elle a été effectuée dans six études et varie entre 0,75 et 6,25 µMol/Mol de créatinine. Une corrélation a été retrouvée entre la mesure de 1-OH-pyrène urinaire et la moyenne d’ÉCS ou le pourcentage de cellules à haute fréquence d’ÉCS. Cette

corrélation a conduit deux équipes à proposer un index biologique de l’exposition (IBE) visant à protéger 95 % des travailleurs d’une augmentation de la moyenne des ÉCS (IBE = 1 µMol/Mol de créatinine [Siwinska et coll., 2004]) ou d’une augmentation du pourcentage de cellules à haute fréquence d’ÉCS (IBE - 2,7 µg/g de créatinine (équivalant à 1,4 µMol/Mol de créatinine [Buchet et coll., 1995]). Par ailleurs, deux entreprises ont modifié leurs procédés de travail et ont vu chuter les biomarqueurs cytogénétiques mesurés (ÉCS et AC ou MN) à un niveau normal [Stierum et coll., 1993; Major et coll., 2001].

6.3. L’augmentation des micronoyaux sanguins

Une augmentation des MNs est rapportée dans 13 cohortes. Six proviennent de fours à coke [Xiao et coll., 2002; Leng et coll., 2004; Siwinska et coll., 2004; Liu et coll., 2006; Yang et coll., 2007; Pavanello et coll., 2008], deux de l’industrie du pavage [Burgaz et coll., 1998; Murray et Edwards, 2005], une des mines de charbon [al-Sabti et coll., 1992], une du ramonage de cheminées [Holmen et coll., 1994], deux sont exposées aux cendres de charbon [Stierum et coll., 1993; Celik et coll., 2007] et une provient d’une école de réparation de moteurs au diesel [Karahalil et coll., 1998].

Parmi les quatre études où une caractérisation de l’air a été effectuée, on a retrouvé une concentration de BaP variant entre 0,050 et 3,96 µg/m3, alors que la concentration des HAP totaux varie entre 5,6 et 22,83 µg/m3. Quant à la mesure de 1-OH-pyrène urinaire, elle a été effectuée dans huit études et varie entre 0,78 et 12,0 µMol/Mol de créatinine. Une augmentation des bris à l’ADN, mesurée par l’essai COMET a été rapportée dans deux de ces études, alors qu’une augmentation des adduits 8-OH-dG et HAP-ADN a été rapportée dans 3 autres études.

6.4. Les corrélations entre exposition et biomarqueurs cytogénétiques 11 études ont examiné les corrélations et associations existant entre l’exposition au HAP/ BaP et les biomarqueurs cytogénétiques mesurés. Parmi celles-ci, cinq ont noté des corrélations ou associations significatives. Par corrélation de rangs de Spearman, une faible corrélation significative entre la fréquence des MN et le niveau d’adduits a été retrouvée

chez des ramoneurs [Ichiba et coll., 1994], alors que le niveau d’ÉCS et d’AC sont significativement corrélés avec la durée de l’exposition aux HAP chez les mineurs de charbon [Donbak et coll., 2005] et que le niveau d’exposition aux HAP cancérogènes est significativement corrélé avec le pourcentage d’AC et la moyenne des ÉCS mesurés chez des travailleurs affectés aux fours à coke [Kalina et coll., 1998]. Par régression logistique multivariée, une association entre l’exposition aux HAP et la fréquence des cellules comportant des MN a été retrouvée chez des travailleurs affectés aux fours à coke [Liu et coll., 2006]. La cinquième étude montre que le niveau d’adduits mesuré chez des travailleurs affectés aux fours à coke explique 26 % de la variabilité observée dans la fréquence des MN (p < 0,0001), mais uniquement lorsque les travailleurs faisant partie du tertile supérieur lors de la mesure des adduits sont exclus de l’analyse, car ceux-ci présentent un plafonnement de leur fréquence des MN [Pavanello et coll., 2008]. Finalement, six études n’ont retrouvé aucune association ou corrélation significative entre le niveau ou la durée de l’exposition et un biomarqueur (ÉCS, CA ou MN) [Carstensen et coll., 1993; Van Hummelen et coll., 1993; Merlo et coll., 1997; Popp et coll., 1997; van Delft et coll., 2001; Siwinska et coll., 2004].

6.5. Les études où aucune augmentation d’un biomarqueur cytogénétique n’est observée

15 études ne rapportent aucune augmentation d’un biomarqueur cytogénétique. Deux incluent des travailleurs affectés aux fours à coke [Popp et coll., 1997; van Delft et coll., 2001], deux cohortes travaillent dans les salles d’électrolyse de l’aluminium ou de préparation des électrodes [Carstensen et coll., 1999; Crebelli et coll., 2002], trois sont de l’industrie du pavage [Jarvholm et coll., 1999; Cavallo et coll., 2006; Cavallo et coll., 2009], deux sont du ramonage de cheminées [Carstensen et coll., 1993; Ichiba et coll., 1994], deux présentent des policiers affectés au contrôle du trafic automobile [Bolognesi et coll., 1997; Merlo et coll., 1997], une provient des mines de charbon [Ulker et coll., 2008], une provient d’une fonderie d’acier [Kubiak et coll., 1999], une inclut des travailleurs dans un aéroport [Cavallo et coll., 2009], une présente des mécaniciens réparant des moteurs

diesel [Schoket et coll., 1999] et la dernière provient de pompiers [Jacobson-Kram et coll., 1993].

La caractérisation des HAP dans l’air a été effectuée pour neuf de ces études. Les concentrations de BaP ont varié entre 0,62 ng/m3 et 2,8 µg/m3, alors que la concentration de HAP totaux varie entre 1,34 et 8,8 µg/m3. La concentration de 1-OH-pyrène urinaire a été déterminée dans 6 cohortes et varie entre 0,3 et 4,31 µMol/Mol de créatinine. Une comparaison des intervalles de concentrations de BaP et HAP dans l’air, ainsi que de 1- OH-pyrène urinaire rapportés dans les études où aucune augmentation d’un biomarqueur cytogénétique n’a été observé (Tableau V, page 101) montre que :

• Les concentrations minimales rapportées sont inférieures aux minima des études où une augmentation des ÉCS et/ou des MN est observée.

• Les concentrations maximales sont également plus faibles que les maxima des études où une augmentation des ÉCS et/ou des MN est observée, mais sont compris dans l’intervalle rapporté.

• Les intervalles de concentrations de BaP et de HAP dans l’air sont inclus dans les intervalles des études où une augmentation des AC est observée. • Sauf dans le cas de l’étude de Carstensen et coll. (1999), la concentration de

1-OH-pyrène urinaire est toujours inférieure aux BEI proposés par Siwinska et coll. (2004) et Buchet et coll. (1995).

Par ailleurs, une étude effectuée dans une fonderie d’acier rapporte une concentration maximale de HAP dans l’air de 13,72 µg/m3 et une moyenne de 1-OH- pyrène urinaire de 10,78 µMol/Mol créatinine, sans toutefois rapporter une augmentation significative de MNs [Kubiak et coll., 1999]. Les individus du groupe contrôle travaillent au sein de cette même fonderie, à des postes de travail impliquant peu d’exposition aux HAP et au BaP. Cependant, le niveau de MNs rapporté chez les contrôles étant assez élevé, cela soulève un doute quant à leur exposition à d’autres substances pouvant causer une augmentation des MNs. C’est pourquoi les données de cette étude n’ont pas été incluses dans les intervalles du groupe sans augmentation de biomarqueur cytogénétique.

Tableau V: Intervalles de concentrations de BaP et de HAP mesurées dans l’air, ainsi que de 1-OH-

pyrène mesuré dans l’urine, rapportés dans les études de travailleurs exposés aux HAP, pour lesquelles un biomarqueur cytogénétique a été analysé : aberrations chromosomiques (AC), échanges entre chromatides-sœurs (ÉCS) et/ou micronoyaux (MN).

[BaP]air [HAP]air [1-OH-pyrène]urine Pas d’augmentation d’AC, d’ÉCS ou de MN 0,62 ng/m3 - 2,8 µg/m3 1,34 – 8,8 µg/m3 0,3 - 4,31 µMol/Mol créatinine Augmentation d’AC 0,4 ng/m3 - 1,37 µg/m3 9,07 ng/m3 et 17,74 µg/m3 (HAP cancérogènes) Pas mesuré Augmentation d’ÉCS 0,068 - 1,37 µg/m3 11,33 - 23,70 µg/m3 0,75 - 6,25 µMol/Mol créatinine Augmentation de MN 0,050 - 3,96 µg/m3 5,6 - 22,83 µg/m3 0,78 - 12,0 µMol/Mol créatinine

Les études ont été regroupées en fonction de l’augmentation significative d’un des biomarqueurs cytogénétiques mesurés.

7. L’étude in vitro de la cytogénotoxicité du benzo-a-