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D'HYDROGEOSPHERE ET DÉMARCHE DE MODÉLISATION

A- PROBLÉMATIQUE ET PRÉSENTATION D'HYDROGEOSPHERE

I-GÉNÉRALITÉS

I.1-INTRODUCTION

Les résultats et conclusions issus des expériences menées sur le terrain ont montré que la réponse de la zone hyporhéique à des variations hydrodynamiques était complexe. Pour comprendre plus précisément le fonctionnement de la zone hyporhéique sur le site étudié et pour identifier les paramètres physiques qui en sont responsables, une démarche de modélisation a été lancée. La modélisation vient donc en complément de la partie expérimentale afin de reconstruire de façon numérique les expériences menées sur le terrain.

Contrairement à de nombreux cas où ces deux approches sont utilisées de façon assez découplée, il est question ici dans le cadre du projet sur l'île Ambart, de faire interagir les expériences de terrain tout en gardant à l'esprit les problématiques posées par le modèle. Ainsi, tout au long de la démarche d'installation et d'équipement de la zone, une part de la réflexion a été réservée à la mise en place de dispositifs de mesures qui permettront à terme de réaliser un modèle le plus complet possible que l'on puisse caler au mieux sur des données représentatives de la réalité. Puis de la même façon, l'élaboration du modèle hydrogéologique a été longuement réfléchie afin qu'il puisse répondre au mieux aux questions et interrogations soulevées par les mesures de terrain. Ce modèle a donc deux objectifs principaux :

i. Reproduire la dynamique du traceur dans les sédiments et "l'effet-ressort" observé sur le terrain afin de le relier à une série de paramètres et voir quelle serait l'influence de leur changement sur la circulation et la dynamique de l'eau dans cette zone ;

ii. Prédire des comportements sur des expériences qui n'ont pas été réalisées, mais aussi sur l'évolution à plus long terme de la zone en termes quantitatifs avec des changements de dynamique (arasement des barrages, période de crue ou d'étiage, modélisation à long terme…).

Durant ces trois années de travail, les investigations se sont concentrées sur le premier objectif, qui s'inscrivait directement dans le sujet de la thèse. Le travail a consisté à construire une maquette numérique du site d'étude, à la tester avec différentes conditions aux limites et à l'adapter à notre terrain pour en comprendre les mécanismes. Cette maquette pourra être utilisée par la suite pour répondre au second objectif.

I.2-CHOIX DU LOGICIEL DE MODÉLISATION

La complexité de la zone hyporhéique réside en partie sur une interaction entre deux masses d'eau de signatures différentes. Il paraît donc primordial lorsque l'on veut modéliser des échanges au sein de cette zone d'utiliser un modèle capable de traduire le mieux possible ces interactions. Si possible, le logiciel choisi doit permettre un couplage entre les écoulements de surface et de subsurface. D'autres logiciels de modélisation, comme Modflow, sont capables de résoudre des problèmes centrés uniquement sur les écoulements souterrains et se trouvent donc assez limités pour montrer une éventuelle interaction avec les eaux de surface.

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CAST3M, développé par le CEA et utilisé par l'équipe du LSCE qui collabore à l'encadrement de cette thèse, fournit une solution de calcul avec une continuité totale des charges entre le domaine de surface et de subsurface, mais est très exigeant en temps de calcul et en développement. Le projet de thèse n'étant pas uniquement basé sur une approche numérique, mais également expérimentale, il n'était pas possible de consacrer l'intégralité des trois années à la construction du modèle. Un compromis a dû être fait sur l'utilisation d'un logiciel permettant à la fois de coupler écoulement de surface et de subsurface tout en restant parcimonieux en temps de développement et de calcul. C'est le logiciel HydroGeoSphere (HGS) (Aquanty Inc., 2013) qui a finalement été choisi (Therrien et Sudicky, 1996, Brunner et Simmons, 2012).

Le principal avantage d'HGS est qu'il permet d'avoir à la fois une résolution des écoulements de surface mais aussi de subsurface, tout en restant relativement souple. En effet, le logiciel permet de définir une "longueur de couplage" qui sert d'indication sur la longueur d'une "zone tampon" entre la surface et le domaine souterrain, où les paramètres sont ajustés, permettant une plus grande flexibilité et surtout un gain non négligeable de temps de calcul. Cette longueur de couplage prend en général une valeur assez faible, puisqu'ici elle a été fixée à 10-4 m, ce qui est totalement négligeable à l'échelle à laquelle nous allons travailler par la suite.

Il existe actuellement peu d'études portant sur l'utilisation d'HGS afin d'étudier la zone hyporhéique (Brookfield et al., 2009, Bardini et al., 2013, Xie et al., 2016). Plusieurs étapes ont été définies dans ce travail :

i. Identifier la capacité du modèle à représenter des flux en zone hyporhéique, c’est-à-dire issus de la rivière et retournant à la rivière, sous l'effet d'une topographie 2D ;

ii. Définir quels paramètres sont importants pour simuler ces flux, et comment ils influencent les résultats obtenus ;

iii. Mettre en place et tester toutes les conditions aux limites nécessaires à cette étude ;

iv. Utiliser la maquette créée pour reproduire les expériences faites sur le terrain et comparer les résultats obtenus. Les jeux de paramètres physiques utilisés dans le modèle pourront alors être confrontés aux conditions observées réellement.

II-PRÉSENTATION D'HYDROGEOSPHERE

II.1-GÉNÉRALITÉS

HydroGeoSphere est un logiciel développé par Aquanty (Aquanty Inc., 2013) qui permet de simuler toute la partie terrestre du cycle de l'eau. Cet outil numérique fait partie de la famille des modèles hydrogéologiques intégrés ; on peut citer par exemple ATS (Painter et al., 2016), Cast3M (Weill et al., 2009), CATHY (Bixio et al., 2002, Camporese et al., 2010), GEOtop (Rigon et al., 2006, Endrizzi et al., 2014,), MIKE-SHE (Abbott et al., 1986, Butts et al., 2004), ou encore ParFlow (Jones et Woodward, 2001, Kollet et Maxwell, 2006).

Comme mentionné précédemment, HGS est basé sur une conceptualisation complète du système hydrologique et hydrogéologique, comprenant à la fois les écoulements de surface et les écoulements souterrains, tout en y ajoutant la possibilité d'avoir des interactions entre ces deux milieux. HGS permet également de modéliser le transport de solutés.

HGS utilise une méthode de résolution implicite pour résoudre simultanément une équation de diffusion en 2D pour l'écoulement de surface, et la forme 3D des équations de Richards dans le milieu poreux, saturé ou non saturé

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II.2-ÉCOULEMENT DE SURFACE

Pour l'écoulement de surface, HGS résout l'équation en deux dimensions de l'onde de diffusion, qui est une approximation de l'équation de Saint Venant (Viessman et Lewis, 1996). Dans cette approche, la conservation de la masse et de la quantité de mouvement s'écrit de la façon suivante :

𝜕ℎ0 𝜕𝑡𝜕 𝜕𝑥(𝑑0𝐾𝑜𝑥 𝜕ℎ0 𝜕𝑥) − 𝜕 𝜕𝑦(𝑑0𝐾𝑜𝑦 𝜕ℎ0 𝜕𝑦) + 𝑑0𝛤0𝑄0= 0 , (7.1)

où do est la profondeur de la lame d'eau, 𝑄𝑜 est le débit par unité de surface représentant les sources et puits externes, 𝛤𝑜 est le flux d'échange unitaire, 𝐾𝑜𝑥 et 𝐾𝑜𝑦 sont les conductances de surface selon x et y, et ℎ0 la cote de l'eau.

Dans le cas de l'écoulement de surface, un autre coefficient prend toute son importance : le coefficient de Manning ni. Dans la suite du manuscrit, l'influence de ce paramètre sur l'écoulement sera discutée. Il est défini de la façon suivante :

𝑛𝑖=𝑑0

2/3

𝜐̅𝑖0 √𝑆𝑓𝑖 , (7.2)

avec i = x ou y et 𝜐̅𝑖0 les flux moyennés sur l'épaisseur de la lame d'eau et Sf la pente. On peut voir que ce coefficient permet de relier la vitesse de l'écoulement de surface à certains paramètres physiques de la rivière. Il peut être associé plus ou moins à l'expression de la rugosité du lit. Une modification de ce paramètre aura donc un impact direct sur la vitesse d'écoulement, et donc sur le débit des eaux de surface.

II.3-ÉCOULEMENT SOUTERRAIN

La modélisation de l'écoulement souterrain en milieu saturé ou non dans HydroGeosphere suit quant à elle une forme modifiée des équations de Richards, donnée ici pour un environnement 3D :

𝜕𝜃

𝜕𝑡+ ∇ ∙ 𝒒 = ∑ 𝛤𝑒𝑥± 𝑄 , (7.3)

avec 𝜃 la teneur en eau (aussi exprimée comme le produit de la porosité ω et de la saturation Sw), Γex et Q, les flux entrant et sortant, et 𝒒, la vitesse de Darcy définie par :

𝐪 = −𝐊𝑘𝑟∇ℎ , (7.4)

avec 𝑘𝑟 , la perméabilité relative du milieu (en relation avec le degré de saturation Sw), h, la charge hydraulique et K, le tenseur de perméabilité.

L'équation 7.3 décrit l'évolution de la teneur en eau de chaque unité de volume du modèle à chaque pas de temps. Elle est résolue dans chaque maille du modèle.

II.4-TRANSPORT

HGS permet de résoudre l'équation de transport d'un soluté dans un environnement saturé ou non. Dans notre étude, nous nous focaliserons uniquement sur la modélisation du transport d'un soluté conservatif :

𝜕𝜃𝐶

𝜕𝑡 + ∇. (𝒒𝐶 − 𝜃𝐷∇𝐶) = ∑ 𝛺𝑒𝑥± 𝑄𝑐 , (7.5)

avec C, la concentration en soluté de l'espèce considérée. Qc représente une source (positif) ou un puits (négatif) au sein du milieu poreux dans le cas d'échanges avec un autre domaine que le milieu poreux. Ωex

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représente le terme d'échange par unité de volume entre le milieu poreux et les autres domaines inclus dans le modèle.

On définit également un coefficient de dispersion dynamique D sous la forme d'un tenseur donné par Bear (1972) :

𝜃𝐷 = (𝛼𝑙− 𝛼𝑡)𝒒𝒒

|𝒒|+ 𝛼𝑡|𝒒|𝐼 + 𝜃𝜏𝐷𝑑𝑖𝑓𝑓𝐼 , (7.6)

avec αl et αt, les dispersions longitudinales et transversales, τ, la matrice de tortuosité, Ddiff, le coefficient de diffusion et I, la matrice identité.

II.5-FORMULATION DU PROBLÈME DE COUPLAGE

Les domaines concernés par l'écoulement de surface et l'écoulement souterrain dans le milieu poreux sont discrétisés simultanément (Figure 7-1).

Figure 7-1 : Représentation schématique du cycle de l'eau et du couplage entre les mailles de surface et du milieu poreux dans le modèle HydroGeoSphere (Aquanty Inc., 2013).

Les domaines de couplage surface/subsurface se composent de plusieurs couches :

i. Une première couche unique de nœuds de surface, représentés par des triangles sur le schéma ; ii. Des couches sous-jacentes de nœuds de sol et d'aquifères, représentés par des cercles, pour les

milieux en zone non saturée, les aquifères et aquitards ;

iii. Optionnellement, on peut ajouter en surface des éléments unidimensionnels, sous la forme d'un segment de nœuds en lignes représentant des écoulements de surface tels que les rivières, les puits, les drains, les écoulements urbains de pluie ou de sanitaires, ou tout autre écoulement de surface linéaire. Cette dernière option ne sera pas utilisée dans le cadre du modèle de l'île Ambart, qui sera représentée par un écoulement de surface.

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Comme montré sur la Figure 7-1, la grille de surface en 2D est "drapée" sur la surface 3D du maillage représentant le milieu poreux afin de maintenir une topographie cohérente, tout en s'assurant que les nœuds de la grille de surface coïncident avec les nœuds de la première couche du maillage de subsurface.

Le modèle permet de réaliser non seulement un maillage composé d'une grille rectangulaire, comme montré ci-dessus, mais accepte aussi un maillage triangulaire, qui permet généralement une meilleure flexibilité géométrique, en particulier pour travailler avec des modèles de bassin versant dont on connaît précisément la topographie. Il est possible de réaliser par exemple un maillage issu d'un fichier raster ArcGIS ou d'autres logiciels d'extrapolation et de maillage. En l'absence de fichier raster (données spatiales) suffisamment précis pour le site de l'île Ambart, cette option n'a pas été utilisée, mais sera peut-être envisagée par la suite.

II.6-ÉTAPES D'UTILISATION DE HGS

L'utilisation du modèle se fait en plusieurs étapes successives afin de construire un modèle hydrogéologique : i. Mise en place du problème, description précise des enjeux et du problème que l'on cherche à

résoudre par la modélisation ;

ii. Construction des différents fichiers pour le préprocesseur grok, qui va lire les fichiers relatifs au maillage et aux paramètres du modèles ;

iii. Lancement de l’exécutable grok.x qui crée tous les fichiers nécessaires à HGS ;

iv. Lancement de l'exécutable phgs.x qui résout le problème posé et crée les fichiers de sortie ; v. Traitement des fichiers de sortie du modèle pour visualiser et analyser les données et les résultats. Le modèle fournit un grand nombre d'informations dans des fichiers qui peuvent ensuite être lus par différents logiciels. Dans le cadre de cette thèse, le logiciel gratuit Paraview a permis de visualiser et traiter les résultats en 3D. Il permet aussi d'extraire des informations et de réaliser des coupes. Les graphiques et sorties numériques seront traités via un tableur de type LibreOffice ou Excel.