• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 5 : SUIVI DE LA DYNAMIQUE DE LA ZONE HYPORHÉIQUE LORS DE LA

B- DONNÉES GÉOCHIMIQUES

I-MESURES DES ÉLÉMENTS MAJEURS

I.1-INTRODUCTION

Nous allons à présent nous intéresser aux données issues de l'analyse des prélèvements réalisés dans les tubes multi-niveaux au sein de la zone hyporhéique. Chaque jour, plusieurs prélèvements ont été effectués dans les deux dispositifs, P1 et P2, présentés dans le chapitre précédent. On rappelle que P1 est situé à proximité de la berge rive droite, alors que P2 est situé au centre de la rivière. Afin d'éviter de prélever une trop grande quantité d'eau, le volume d'eau prélevé a été limité au minimum nécessaire pour une analyse des anions majeurs et des isotopes stables de l'eau. En effet, en plus d'un renouvellement de l'eau du dispositif, le volume prélevé n'excède pas 15 ml, pour éviter de pomper un trop grand volume d'eau porale au sein des dispositifs espacés de seulement 10 cm dans les sédiments. Au niveau du dispositif P2, les prélèvements se sont avérés difficiles, car les rhizons ne permettent de prélever que de très petites quantités, et la seringue utilisée s'est révélée trop petite pour prélever une quantité d'eau suffisante pour les analyses. Finalement, seule la remontée du barrage a été suivie sur le dispositif P2, en augmentant le temps de pompage pour parvenir à obtenir une quantité d'eau suffisante.

Le choix de ne travailler qu'avec des analyses sur les anions a été fait car des analyses précédentes ont montré que le chlorure pouvait être considéré comme un élément conservatif. De plus, deux autres éléments ont retenu notre attention : les nitrates et les sulfates. Ces deux derniers sont susceptibles de réagir et témoignent de la dynamique au sein de la zone hyporhéique.

I.2-DESCENTE

Les relevés des concentrations en chlorures, sulfates et nitrates mesurées lors du suivi de l'abaissement des clapets au sein du dispositif P1 sont présentés sur la Figure 5-4. Si l'on considère dans un premier temps l'évolution du chlorure en fonction de la profondeur au cours de l'expérience, on peut voir une progression dans sa répartition. Au début de l'expérience, comme cela a été noté dans le chapitre précédent, la concentration en chlorure dans la rivière semble plus élevée que celle dans la nappe : environ 30 mg/l dans l'Essonne et 18 mg/l dans les sédiments de rivière. Ainsi, on peut se servir de ce signal pour suivre la proportion d'eau de surface au sein des sédiments de rivière. Avant l'ouverture du barrage le 18 mai, on peut voir le passage progressif d'un signal de rivière à un signal de nappe sur une profondeur d'environ 30 centimètres. Au-delà de cette profondeur, on retrouve un signal relativement constant jusqu'à la base du profil P1 situé à 1 mètre de profondeur. La zone comportant ce signal intermédiaire peut être considérée comme une zone de mélange, en accord avec la définition "géochimique" de la zone hyporhéique.

Lorsque le barrage est ouvert et donc que le niveau de la rivière est abaissé d'une quinzaine de centimètres environ, les prélèvements montrent que cette zone de transition est peu à peu réduite, puisqu'au début du jour 3 (courbe verte), seul le prélèvement en rivière et le prélèvement à 10 centimètres de profondeur peuvent être représentatifs de la zone hyporhéique. On a donc une réduction de moitié de la profondeur de la zone hyporhéique, d'après le suivi effectué par le chlorure. En revanche, on peut voir que sur le dernier prélèvement du jour 3 (courbe verte en tirets et pointillés), la concentration en chlorure présente une importante variation en surface et jusqu'à 40 centimètres de profondeur. Il est intéressant de noter que les observations faites sur

132

l'ion chlorure sont tout à fait similaires à celles effectuées pour l'ion sulfate. En revanche, l'ion nitrate ne permet pas de définir une évolution dans la profondeur de la zone de mélange lors de l'abaissement du niveau de la rivière. En dehors de la zone superficielle dont on a pu mettre en évidence l'évolution dynamique avec la descente, on peut également observer un comportement dynamique dans la partie inférieure du profil. En effet, on constate une augmentation de la concentration en chlorure et sulfates entre 70 et 100 centimètres de profondeur sur les premiers profils effectués. Lorsque le barrage est abaissé, on peut voir que cette zone présente alors une concentration qui décroit jusqu'à rester stable au niveau de la concentration dans les sédiments. On peut donc relier le phénomène de surface avec celui se produisant en profondeur. Au sein des sédiments, il existe des chemins préférentiels empruntés par l'eau de surface, qui peuvent être "désactivés" lorsque le niveau d'eau en rivière devient insuffisant.

Figure 5-4 : Évolution de la concentration mesurée dans le dispositif P1 en chlorures, sulfates et nitrates lors des trois premiers jours de l'expérience, durant l'abaissement du barrage.

I.3-REMONTÉE

Si l'on s'intéresse à présent à ce qui se passe lorsque le niveau d'eau dans la rivière remonte, c’est-à-dire lorsque le barrage est remonté, on observe plusieurs phénomènes intéressants (Figure 5-5). Tout d'abord dans la partie superficielle des sédiments, on observe un très net enfoncement du signal géochimique de la rivière quelques heures après la fermeture des clapets, visible sur le profil des chlorures mais aussi sur celui des sulfates. Ainsi, on retrouve un signal de mélange entre le pôle d'eau de surface et le pôle d'eau souterraine jusqu'à 50 centimètres de profondeur, soit près du double de la valeur observée au départ. Par la suite, lors du

133

dernier prélèvement effectué (courbes jaunes en pointillés) cette zone de mélange semble se réduire à nouveau vers une profondeur proche de celle observée initialement. Dans la partie inférieure du profil, on retrouve une concentration très proche de celle de la rivière, mais qui tend elle aussi à diminuer avec le temps. Par rapport à l'hypothèse faite précédemment, on peut supposer que lorsque le niveau de la rivière augmente à nouveau, des chemins d'écoulement de l'eau de rivière au sein des sédiments sont réactivés, ce qui permet à de l'eau de surface de se retrouver à près d'un mètre de profondeur au sein de l'eau porale.

Figure 5-5 : Évolution de la concentration mesurée dans le dispositif P1 en chlorures, sulfates et nitrates lors des deux derniers jours de l'expérience, après la remontée du barrage.

I.4-REMONTÉE AU SEIN DU DISPOSITIF P2

Seuls trois prélèvements ont pu être effectués au niveau du dispositif P2 lors de l'ensemble des cinq jours de campagne (Figure 5-6). Le comportement des différents éléments analysés est assez semblable à celui mis en évidence au niveau de P1, situé à proximité de la berge (Figure 5-1). Ici au centre de la rivière, le profil en chlorure présente une concentration dans la rivière plus élevée que celle mesurée dans les sédiments, et lors de la remontée du niveau d'eau dans la rivière on observe tout comme sur le profil P1 un enfoncement de la zone de mélange, également visible sur le profil en sulfates. En revanche, le dernier jour ne montre pas de réelle diminution de la profondeur de la zone de mélange. Dans la partie inférieure du profil, on retrouve une zone dont la concentration en chlorures et sulfates mesurée est très proche de celle de la rivière, qui semble réactivée lorsque le niveau dans la rivière augmente. Bien que les données soient moins nombreuses et parfois

134

moins facilement exploitables, elles semblent toutefois démontrer une dynamique de la zone hyporhéique similaire à celle observée à proximité des berges.

Figure 5-6 : Évolution de la concentration mesurée dans le dispositif P2 en chlorures, sulfates et nitrates lors de la remontée du barrage.

I.5-RELATION ENTRE LA HAUTEUR D'EAU DANS LA RIVIÈRE ET LA PROFONDEUR DE

MÉLANGE AU SEIN DE LA ZONE HYPORHÉIQUE

À partir des concentrations mesurées en chlorures et en sulfates en fonction de la profondeur au sein du dispositif P1, il est possible de déterminer la limite de la zone hyporhéique. En reprenant la définition d'un point de vue géochimique, on considère la limite de la zone de mélange entre eau de surface et eau souterraine par un seuil de 10% d'eau de surface mesuré dans l'eau porale. Ainsi, pour chaque série de mesures, on peut estimer la profondeur de cette limite au cours de la semaine d'expérience avec le barrage. La Figure 5-7 montre la comparaison entre l'évolution temporelle de la cote de la rivière et celle de la profondeur de la zone hyporhéique calculée à partir des profils verticaux en chlorures et en sulfates. On peut voir qu'il existe clairement une relation entre la limite de la zone hyporhéique, définie à partir de ces deux éléments, et la cote de la rivière. Avant manipulation du barrage, la profondeur moyenne de la zone hyporhéique est estimée autour de 25 centimètres. Comme observé précédemment, quand le niveau de la rivière est abaissé, on observe une diminution de la profondeur de la zone hyporhéique, qui se réduit à moins de dix centimètres d'après les mesures faites sur le sulfate. À l'inverse, lorsque le niveau de la rivière remonte, on observe une nette augmentation de la profondeur de la zone de mélange, qui dépasse les 40 centimètres la journée suivant la fermeture des clapets. Enfin, alors que le niveau d'eau dans la rivière est revenu à son état d'origine, le

135

dernier point de mesure, effectué le 22 mai 2015 après-midi, montre bien que la profondeur de la zone hyporhéique diminue de nouveau, pour retrouver une valeur proche de la valeur mesurée initialement, autour de 25 centimètres.

Figure 5-7 : Calcul de la profondeur maximale de la zone hyporhéique à partir des concentrations en chlorures et sulfates mesurées au sein du dispositif P1.

I.6-MESURES ISOTOPIQUES

Les isotopes stables de l'eau se révèlent souvent d'excellents traceurs de masses d'eaux. Nous avons montré dans le chapitre précédent que les différences enregistrées entre la nappe et la rivière étaient assez faibles. Cependant, elles restent significatives par rapport à l'incertitude sur ces mesures. Les profils verticaux δO18(z) et δH2(z) sont en accord avec ceux obtenus précédemment pour les différents éléments majeurs (Figure 5-8 et Figure 5-9). Ainsi, ils mettent en évidence que lors de l'abaissement du niveau de l'eau, la zone où les signaux de la rivière et celui des sédiments se mélangent remonte, alors qu'à l'inverse on observe des mesures tamponnées sur une plus grande profondeur lors de la remontée du niveau de l'Essonne. Enfin, on pourra noter que les observations faites dans la partie inférieure du profil montrent également l'apparition d'un signal proche de celui de la rivière uniquement lorsque le niveau de celle-ci est similaire au niveau originel.

Figure 5-8 : Mesures des isotopes stables de l'oxygène et de l'hydrogène en fonction de la profondeur dans le dispositif P1 lors de l'abaissement du niveau du barrage.

136

Figure 5-9 : Mesures des isotopes stables de l'oxygène et de l'hydrogène en fonction de la profondeur dans le dispositif P1 après la remontée du niveau du barrage.