• Aucun résultat trouvé

Au vu de sa complexité, la zone hyporhéique se révèle une structure assez difficile à étudier, car elle varie de façon spatiale, mais aussi temporelle. De plus, selon l'échelle choisie, les outils utilisés pour les études ne seront pas les mêmes. De nombreuses expériences ont été réalisées en utilisant une grande variété d'instruments.

I-MESURES CLASSIQUES HYDRODYNAMIQUES

Pour étudier la dynamique de la zone hyporhéique, la méthode "classique" consiste à instrumenter la rivière et la zone hyporhéique en parallèle à l'aide de sondes pour mesurer la pression et donc la charge hydraulique. Ce type de mesures se fait dans le cadre du suivi d'un ou plusieurs événements ponctuels de type crue ou inondation. Dans ce dernier cas, les berges sont aussi instrumentées pour étendre le suivi sur la zone inondable. La difficulté de ces mesures consiste à pouvoir mesurer des événements aléatoires et dont

29

l'occurrence peut varier d'une année à l'autre. Sawyer et al. (2014) présentent ainsi une étude de suivi de la zone hyporhéique pendant l'ouragan Sandy, soit un événement exceptionnel. Les mesures de gradients verticaux permettent d'avoir un aperçu de la différence de charge hydraulique entre la nappe et la rivière. À l'aide du signe, il est alors possible de déterminer dans quel sens se font les échanges (Dudley-Southern et Binley, 2015).

Ce type de mesures, bien qu'efficace pour suivre la dynamique de la zone hyporhéique, reste cependant relativement limité si utilisé seul. Ces mesures hydrodynamiques sont très souvent couplées à des mesures géochimiques afin de suivre un ou plusieurs éléments au sein de l'eau porale et quantifier ainsi le mélange entre eaux de surface et eaux souterraines.

II-UTILISATION DE TRACEURS

II.1-TEMPÉRATURE

Dans le cadre de l'étude des échanges nappes rivières, un des outils les plus développés et utilisés est le suivi de la température le long de profils verticaux et sa répartition spatiale et temporelle à différentes échelles (Neilson et al., 2010a, 2010b). La température de l'eau est souvent différente entre les eaux de surface et les eaux souterraines. Les eaux souterraines, dont le déplacement est lent, sont souvent tamponnées et ne présentent que des variations de températures lentes, saisonnières et/ou annuelles. À l'inverse, les eaux de rivière sont au contact direct de l'air et leur température est donc fortement influencée par le milieu extérieur. Elles présentent des variations journalières qui se propagent jusqu'à une profondeur variable. La ZH se trouve donc être le siège d'un mélange entre des eaux de températures différentes (Figure 1-9), avec un gradient pouvant être assez fort sur les petits cours d'eau. Les cours d'eau plus importants sont quant à eux plutôt tamponnés et montrent des variations de moindre amplitude ou avec une longueur d'onde plus grande. Or, de nombreuses réactions biogéochimiques sont fortement influencées par la température, les vitesses de réaction peuvent varier selon la température de l'eau porale.

On peut également s'intéresser à la température de décharge de l'eau de nappe (Malcolm et al., 2005, 2006, Boano et al., 2007a, 2007b). Ainsi, des études tendent à lier les mécanismes agissant sur les transferts de chaleur et donc de température et la qualité de d'eau dans la ZH (Schmidt et al., 2006, Kalbus et al., 2009, Neilson et al., 2010a, 2010b, Briggs et al., 2011, Angermann et al., 2012).

Les études portant sur les suivis de température sont relativement efficaces car elles permettent de retrouver des valeurs quantitatives des échanges, tout en restant assez faciles à mettre en œuvre (Anderson, 2005, Constantz, 2008). Elles peuvent se faire à haute résolution à l'aide de capteurs de type fibre optique répartis sur une profondeur variable (Selker et al., 2006, Tyler et al., 2009, Briggs et al., 2012). La température en tant que traceur peut également être utilisée comme un traceur artificiel. Un pulse artificiel de chaleur peut être injecté dans la rivière ou les sédiments pour suivre sa répartition dans le milieu poreux et la rivière (Lewandowski et al., 2011).

30

Figure 1-9 : Exemple d'une étude sur l'évolution de la température en zone hyporhéique par rapport au débit et à la température de la rivière (Soulsby et al., 2009).

II.2-GÉOCHIMIE

Il existe deux types d'éléments chimiques qui peuvent être utilisés comme traceurs : les traceurs déjà présents naturellement au sein du milieu ou les traceurs actifs, injectés de façon artificielle.

Les traceurs conservatifs sont des éléments chimiques considérés comme inactifs dans les processus biogéochimiques, et qui peuvent donc servir de repère pour tracer certaines masses d'eaux. Kirchner et al. (2000) ont par exemple étudié la réponse de la rivière à une pluie en utilisant des analyses en chlorures, considéré comme conservatif au sein de la zone hyporhéique. Ils démontrent une réponse relativement rapide du cours d'eau alors que la réponse à l'échelle du bassin est beaucoup plus étalée dans le temps car les temps de rétention et donc le relargage progressif se fait à différentes échelles de temps et d'espace. Le chlorure est un élément très utilisé car il est présent de façon naturelle dans les eaux, mais peut aussi être facilement injecté de façon artificielle. De plus, il est très facile à mesurer à partir d'échantillons d'eau, ce qui n'est pas le cas de certains autres traceurs comme l'uranium ou le radon.

De la même façon que pour les traceurs conservatifs, il est possible de simuler le transport de traceurs réactifs au sein de la zone hyporhéique, dont la concentration va évoluer spatialement et temporellement (Haggerty et al., 2009, Liao et Cirpka, 2011, Liao et al., 2013). Le principal avantage de ce type de traceur est qu'il permet de rendre compte de l'évolution des éléments chimiques participant aux interactions biogéochimiques comme la respiration, la dénitrification ou le développement des microorganismes ou des films algaires (Rutherford et al.,

31

1993, 1995, Elliott et Brooks, 1997a, Sheibley et al., 2003, Gu et al., 2007, 2008, Boano et al., 2010c, Marzadri et al., 2011, Bardini et al., 2012, 2013).

III-GÉOPHYSIQUE

Le développement de l'hydrogéophysique, discipline qui permet de coupler l'instrumentation géophysique à des problématiques hydrogéologiques, permet de voir émerger une nouvelle approche de la zone hyporhéique. En effet, les méthodes géophysiques fournissent une image du sous-sol à l'aide d'un très grand nombre de mesures. Le principal avantage de ces méthodes est de proposer des profils bi- ou tridimensionnels de la subsurface avec une acquisition non destructive et reproductible dans le temps. Ces méthodes se révèlent donc très intéressantes pour faire un suivi spatial et temporel de la géométrie et de la dynamique de la zone hyporhéique au cours du temps.

III.1-MESURES RADAR

Parmi les types de méthodes géophysiques utilisées pour l'étude de la ZH, le radar est une méthode basée sur un signal électromagnétique, dont la réflexion au sein des sédiments permet de retrouver la géométrie de ces derniers ainsi que certains paramètres du sol (Kowalsky et al., 2006). Cette méthode a donc pu être utilisée pour retrouver de façon précise la répartition des différents faciès dans lesquels se développe la zone hyporhéique (Brosten et al., 2009, Zarnetske, 2009, Bianchin et al., 2011, Mermillod et al., 2015). Des suivis d'un traceur salé ont même été réalisés (Hinz et al., 2008). Ces informations sont cruciales car elles permettent de voir précisément l'extension spatiale de la zone hyporhéique et de détecter de potentielles zones plus actives d'un point de vue biologique et géochimique.

III.2-MESURES ÉLECTRIQUES

L'autre méthode principalement utilisée dans l'étude de la zone hyporhéique est la tomographie de résistivité électrique ou ERT (Electrical Resistivity Tomography) (Auken et al., 2014). Cette méthode permet de réaliser des images du sous-sol grâce à sa capacité à mettre en évidence une variation continue de la résistivité du milieu sur l'ensemble du profil, après inversion d'un grand nombre de données (Orlando et Renzi, 2013, Singha et Gorelick, 2006). Les mesures de résistivité électrique sont utilisées pour une grande variété d'études hydrogéologiques : impact de l'eau salée au niveau des zones côtières (Acworth et Dasey, 2013), salinisation (Wagner et al., 2013), pollution et migration du CO2 (Auken et al., 2014), propriétés du sol (Brunet et al., 2010), infiltration (Yeh et al., 2002, Clément et al., 2009, Mitchell et al., 2010, Coscia et al., 2011, 2012, Ulusoy et al.,2015). De plus, le paramètre mesuré est dépendant de la lithologie du sous-sol, mais également du contenu en eau et de sa minéralisation (Jardani et al., 2013, Crestani et al.,2015). Dans un premier temps, les méthodes ERT sont utilisées pour représenter la structure des sédiments et de la zone saturée à proximité des cours d'eau (Crook et al., 2008, Koch et al., 2009). Les relations entre eaux de surface et eaux souterraines sont mises en évidence via des mesures de tomographie électrique (Singha et al., 2008, Koch et al., 2009, Johnson et al., 2012, Gonzalez-Pinzon, 2015, Smidt et al., 2015).

D'autres auteurs, à l'image de Nyquist et al. (2008) et de Cardenas et Markowski (2011), ont montré que des mesures électriques peuvent également se révéler particulièrement utiles pour suivre les variations de résistivité au sein de la zone hyporhéique lors de variations du débit de la rivière (Figure 1-10).

32

Figure 1-10 : Exemple de profil de tomographie électrique réalisé sous une rivière (a) et sensibilité du modèle proposé (b) (d'après Cardenas et Markowski, 2011).

D'un point de vue théorique, plusieurs auteurs se sont penchés sur le développement de logiciels ou de méthodes d'inversion de données afin de réaliser des mesures 3D et en time-lapse (suivi temporel) (Loke et Barker, 1996, Rubin et Hubbard, 2006, Oldenberger et al., 2007a, Pidlisecky et al., 2007, Karaoulis et al., 2011, 2013, LaBrecque et Yang, 2001, Loke et al., 2013, 2014a, 2014b, Zhou et al., 2014, Wilkinson et al., 2015). Dans le cadre de l'étude sur la zone hyporhéique, il est nécessaire de pouvoir travailler si possible dans un environnement 3D et variable temporellement. Sur le terrain, il a également été démontré que la température pouvait avoir un rôle significatif sur les mesures de résistivité (Hayley et al., 2007, 2010). Singha et al. (2008), développent une théorie basée sur la relation entre des mesures de résistivité électrique effectuées lors d'une expérience de traçage pour retrouver des zones invariantes. Ainsi, de nombreuses expériences ont été menées pour suivre un traceur artificiel au sein d'une masse d'eau (Slater et Sandberg, 2000, Kenma et al., 2002, Slater et al., 2002, Singha et Gorelick, 2005, 2006, Oldenberger et al., 2007b, Pollock et Cirpka, 2008, 2010, 2012, Hayley et al., 2009, Haggerty et al., 2010, Monego et al., 2010, Nyquist et al., 2010, Wilkinson et al., 2010, Doetsh et al., 2012, Hermans et al., 2012, Audebert et al., 2014, Caporese et al., 2015).

Ward et al. (2010a, 2010b, 2013b, 2014) ont fait des mesures électriques et proposent une modélisation pour mettre en avant la rétention d'un traceur au sein de la zone hyporhéique via l'observation d'une courbe de percée et la façon dont la concentration d'un traceur artificiel évolue au cours du temps. Ils appliquent ensuite sur le terrain cette méthodologie lors d'une expérience de traçage. D'autres auteurs utilisent par la suite cette méthodologie pour étudier l'impact des structures de restauration de la continuité du cours d'eau sur la zone hyporhéique (Toran et al., 2012a, 2012b).