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D- MODÉLISATION HYDROGÉOLOGIQUE

II- MODÈLES À BASE PHYSIQUE

Les modèles physiques sont basés sur des principes physiques, comme l'équation de conservation de la masse et les forces de surface et subsurface de l'eau, induisant des échanges. Les flux évoluent donc principalement en fonction de la géomorphologie du terrain. Un grand nombre de modèles physiques sont centrés sur les variations morphologiques du terrain à différentes échelles : séquences "pool-riffles" (Cardenas et Wilson, 2007a, 2007b, Tonina et Buffington, 2007), dunes (Elliott et Brooks, 1997a, 1997b, Cardenas et al., 2004, Hester et Doyle, 2008), échelle du méandre (Boano et al., 2006, Revelli et al., 2008), changement d’échelle, de la ride au méandre (Revelli et al., 2008). Outre les flux issus des hétérogénéités de forme du lit des rivières, d’autres auteurs se sont également concentrés sur le développement de modèles de transport : traçage d’éléments chimiques (Harvey et al., 1996), mouvements des colloïdes (Packman et al., 2000a).

Le principal problème de ces modèles réside dans le besoin d'avoir des connaissances précises du terrain à modéliser, en particulier les caractéristiques sédimentologiques et géomorphologiques. Ils sont relativement efficaces pour prédire les flux et le transport, mais difficiles à mettre en place car ils nécessitent un nombre

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considérable de données de terrain. C’est pourquoi des modèles théoriques peuvent être construits pour travailler de façon numérique sur les problèmes et faire du prédictif.

II.1-TEMPÉRATURE ET TRANSPORT DE CHALEUR

Deux codes sont souvent utilisés pour modéliser le transfert de chaleur en milieu poreux en 1D : Ex-stream (Swanson et Cardenas, 2011) qui utilise Matlab, et VFLUX développé par Gordon et al. (2012). Mais en 2010 Lautz met en garde contre la représentation simplifiée en 1D de ces modèles, car ils ne prennent pas en compte l'extension 2D voire 3D des flux et peuvent donc entraîner une vision limitée des processus de transfert (Lautz, 2010). D'autres modèles plus évolués ont alors été développés pour suivre les évolutions dans le temps et dans l'espace des variations de température (Vogt et al., 2010, 2012, Molina-Giraldo et al., 2011, Lautz, 2012) mais aussi selon la morphologie des cours d’eau (Elliott et Brooks, 1997a, 1997b, Cardenas et Wilson, 2007c, Cardenas et Wilson, 2007c, Hester et al., 2009, Stonedahl et al., 2010, Swanson et Cardenas, 2010, Briggs et al., 2012).

Des mesures sur le terrain dans un environnement complexe en 3D ont également pu être réalisées (Lewandowski et al., 2011) et comparées avec des modèles théoriques. Des simulations ont démontré l'importance majeure de la présence d'hétérogénéités dans le milieu (Burkholder et al., 2008, Schornberg et al., 2010, Westhoff et al., 2011a, 2011b, Krause et al., 2012, Angermann et al., 2012).

La température permet aussi d'observer l'effet de la géomorphologie du terrain et des flux à plus grande échelle (Cardenas et Wilson, 2007c, Krause et al., 2011, Stonedahl et al., 2013). Ces auteurs ont mis en évidence une disparition de ces flux là où la nappe se décharge dans la rivière de façon active. Ainsi, Marzadri et al. (2013b) ont démontré que les flux présents en zone hyporhéique et dus à un processus d'advection permettaient une régulation de la température, en créant une sorte de zone tampon. Les conséquences sur la faune et la flore peuvent alors être cruciales, ainsi que sur les nombreuses réactions biogéochimiques qui ont lieu à cette interface.

Plusieurs auteurs se sont intéressés aux possibilités d'élaborer des modèles plus complexes pour représenter un nombre de dimensions accru et une meilleure caractérisation des champs de perméabilité et des propriétés thermiques du milieu (Sawyer et Cardenas, 2009, Frei et al., 2009, Cardenas, 2009a, Boano et al., 2010b, Stonedahl et al., 2010). Bandaragoda et Neilson (2011) et Bingham et al. (2012) estiment ainsi qu'il est préférable de combiner plusieurs traceurs afin d'obtenir une meilleure estimation des échanges, par exemple en couplant le transfert de chaleur avec un ou plusieurs traceurs géochimiques.

II.2-RIDES ET DUNES

On retrouve avec ce type de modèle la représentation plus ou moins aboutie des structures de longueur d'onde variable présentes au fond des lits de rivières. De nombreux auteurs se sont intéressés à la modélisation des rides et des dunes, d'une hauteur en général comprise entre le centimètre et le mètre : Elliott et Brooks, 1997a, 1997b, Packman et al., 2000a, Cardenas et Wilson, 2007a, 2007b, Bottacin-Busolin et Marion, 2010. Le développement de ces modèles en 2D a pu être réalisé assez facilement et c'est donc le premier type d'échange en zone hyporhéique qui a pu être quantifié. En effet, la géométrie régulière et la séquence 2D de la topographie est assez simple à reproduire dans ces modèles analytiques (Figure 1-12).

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Figure 1-12 : Représentation schématique des structures de rides et de dunes du lit de la rivière (d'après Boulton et al., 2010).

Le premier modèle physique développé pour les rides met en place le système dit APM (Advective Pumping Model) proposé et validé par Elliott et Brooks en 1997. Ce modèle est basé sur la loi de Darcy afin de reproduire les échanges d'eau entre un conduit et des parois ondulées perméables. Ce modèle était principalement utilisé pour retrouver une distribution des temps de résidence et donc la fraction d'eau entrée et sortie du modèle à chaque pas de temps. Ce système a été mis en évidence sur le terrain à plusieurs reprises (Bottacin-Busolin et al., 2011, Drummond et al., 2012, Stonedahl et al., 2012). Cette solution est beaucoup utilisée comme solution de référence pour un grand nombre de modèles plus ou moins évolués (Packman et al., 2000a, 2000b, Packman et Brooks, 2001, Marion et al., 2002, 2003, 2008a, Zaramella et al., 2003, 2006, Cardenas et al., 2004, Salehin et al., 2004, Boano et al., 2006, 2008, Wörman et al., 2006, 2007a, Cardenas et Wilson, 2006, 2007a, 2007b, Sawyer et Cardenas, 2009).

Ce type d'échanges est avant tout étudié en régime permanent, quand on atteint un certain équilibre et que les conditions hydrauliques en nappe et en rivière sont relativement stables. Mais les environnements naturels présentent une grande variabilité spatiale et temporelle, ce qui nécessite une complexification progressive des modèles pour parvenir à rendre compte des échanges réels entre les deux réservoirs. Ainsi Boano et al. (2007a, 2010a, 2013) s'intéressent au moyen d'inclure dans ce type de modèle des variations dynamiques de la rivière. Par exemple, en modifiant les conditions aux limites de la charge hydraulique du lit, on peut rendre compte de l'effet d'une crue. Les variations temporaires des flux liées à des événements ponctuels ont un impact relativement limité en comparaison des variations permanentes dues à la circulation de l’eau au sein de la rivière.

Les rides représentent l'échelle de modélisation la plus importante pour la zone hyporhéique depuis plusieurs décennies. Outre des modèles purement analytiques, des études ont aussi été menées en reproduisant des séquences plus ou moins longues et larges en laboratoire (Thibodeaux et Boyle, 1987, Richardson et Parr, 1988, Shimizu et al., 1990, Eylers et al., 1995, Elliott et Brooks, 1997a, 1997b, Hutchinson et Webster, 1998, Forman, 1998, Packman et al., 2000a, 2000b, 2004, Marion et al., 2002, 2008a, Salehin et al., 2004, Tonina et Buffington, 2007, Fox et al., 2014).

II.3-BARRES ET MÉANDRES

À une plus grande échelle, on trouve des modèles plutôt centrés sur la représentation de barres sédimentaires, qui font de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres de long et qui se situent dans les zones de méandres des rivières. Ici, le principal moteur de l’écoulement est plutôt lié aux variations de gradients hydrauliques dues à la diminution des vitesses d’écoulement autour de ces structures, d'où une pénétration verticale et/ou longitudinale de l'eau au sein de ces barres.

De même, à une échelle similaire, la question de l'effet de la sinuosité du cours d'eau et des différences de pente qui entrainent des flux dans le milieu poreux est aussi étudiée (Boano et al., 2006, Peterson et Sickbert, 2006, Cardenas, 2009a, 2009b, Revelli et al., 2008, Gomez et al., 2012).

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Une représentation en 3D est souvent nécessaire pour modéliser les barres et les méandres les plus grands. Ce type de modélisation est donc moins fréquent car plus complexe et surtout plus exigeant en temps de calcul et en puissance informatique. Pour cette modélisation, plusieurs étapes sont souvent nécessaires. Dans un premier temps, l'équation d'un flux turbulent ou équation de Navier-Stockes est résolue au sein de la rivière et permet d'obtenir alors un champ de charges hydrauliques à l'interface avec le lit de la rivière. Dans un second temps, le champ de charges ainsi calculé est appliqué comme condition aux limites dans un modèle Laplacien qui simule cette fois-ci les écoulements au sein du milieu poreux. Enfin, les deux résultats sont traités ensemble afin d'en extraire des flux quantitatifs entre la rivière et le milieu poreux, ainsi que le calcul des temps de résidence et les caractéristiques de ces échanges. On peut citer entre autres pour ce type d'études : Boano et al., 2010b, Marzadri et al., 2010, mais aussi Cardenas et Wilson (2006, 2007b).

Un certain nombre d'études en laboratoire sont venues compléter les apports quantitatifs fournis par les modèles à l'aide d'une expérimentation réelle, bien que fortement contrôlée dans un milieu souvent homogène et en état permanent : Gooseff et al., 2003, 2005a, Kasahara et Wondzell, 2003, Storey et al., 2003, Saenger et al., 2005, Kasahara et Hill, 2006a, Wondzell, 2006, Tonina et Buffington, 2007, Peterson et Sickbert, 2006.

Enfin, les travaux à l'échelle d'un méandre entier ont aussi pu être réalisés grâce au développement de modèles physiques 3D plus ou moins complexes (Wroblicky et al., 1998, Woessner, 2000, Kasahara et Wondzell, 2003, Cardenas et al., 2004, Boano et al., 2006, Peterson et Sickbert, 2006, Wörman et al., 2006, 2007a, 2007b, Poole et al., 2006, Kasahara et Hill, 2007a, 2007b, Cardenas, 2008a, Revelli et al., 2008, Zarnetske et al., 2008, Boano et al., 2010b, 2010c, Gomez et al., 2012). Les méandres intéressent particulièrement les chercheurs car ils sont le siège de nombreuses interactions assez complexes et se présentent à une échelle bien plus grande que les rides et les dunes, qui ont un effet relativement local.

E-CONCLUSION

Bien que la communauté scientifique s'intéresse de plus en plus à la problématique complexe posée par cette zone critique qualifiée de "hot spot", et que les développements de nombreux modèles numériques aient permis une meilleure appréhension des mécanismes à l'origine des écoulements dans la zone hyporhéique, certains points restent encore à améliorer. En particulier, le lien entre les modélisations numériques et les expérimentations de terrain n'est souvent pas établi ; de nombreuses études sont encore réalisées sur la base de données soit purement numériques, soit purement expérimentales. Par exemple, plusieurs auteurs ont déjà souligné qu'en règle générale les résultats issus de modèles (Cardenas et Wilson, 2007b Hester et al., 2013) présentent des mélanges moins importants que ceux observés sur le terrain (Triska et al.,1989, Harvey et Bencala, 1993, Valett et al., 1996, Harvey et Fuller, 1998). L'augmentation du mélange observé sur le terrain peut être due à plusieurs phénomènes comme la présence de nombreuses hétérogénéités qui ne sont pas définies au sein des modèles.

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CHAPITRE 2 : MESURES GÉOPHYSIQUES :