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La problématique et le cadre conceptuel

La trajectoire de la production des sujets dans la modernité sociopolitique au Togo

Chapitre 1 La problématique et le cadre conceptuel

Introduction

Ce chapitre expose les contours théoriques de la recherche en cours. Il n’y a pas de recherche sans une problématique et toute recherche s’enracine dans un champ théorique dans lequel d’autres chercheurs se sont inscrits. En ce qui concerne la problématique de la recherche, ma démarche va tourner autour des thématiques aussi importantes que le christianisme africain, la conversion et tout le débat tournant autour des questions de la subjectivité, surtout dans le catholicisme. Dans quelle mesure pourrait-on avancer que le christianisme aliène, ou transforme ou encore permet la continuité de soi ? Ce questionnement me permettra de dégager les objectifs de la recherche, de faire une revue de la littérature autour du thème de la recherche et de dégager la pertinence de ce travail de réflexion.

Je dresserai le cadre théorique de la recherche en me laissant guider par la thématique de la subjectivité. Je fais appel ici à la pensée de Michel Foucault, mais aussi aux débats qui ont structuré les notions de l’imaginaire et du symbolique en anthropologie. Entre l’imaginaire et le symbolisme, lequel est premier quand il s’agit de la fabrique des subjectivités ? Dans quelle mesure les rituels jouent-ils aussi un rôle important quand il s’agit de façonner les sujets ? Enfin, j’aborderai la question des subjectivités, dans le cadre des études du genre et des ontologies. Ce sont des courants conceptuels de grande importance en anthropologie sociale. Ces différents champs sondés peuvent apparaître éclectiques, mais en réalité ils sont connectés les uns aux autres par l’invariant commun qu’est la question de la fabrique ou de la déstructuration des subjectivités.

1-1. Les quêtes identitaires et le christianisme en Afrique

Entre le christianisme et l’identité africaine y a-t-il eu « rupture » ou « continuité » ? C’est la question de fond qui a occupé les anthropologues du christianisme africain. Transportée sur d’autres terrains, cette discussion a généré de nouveaux paradigmes comme ceux de la « transition » et de la « transformation » qui ont fini par enrichir la réflexion sur la conversion et le devenir des subjectivités.

1-1.1. Le Christianisme comme aliénation identitaire : le paradigme de la rupture

Le discours sur le christianisme en Afrique rime presque toujours avec le sentiment de domination ou d’affront impérialiste et son corollaire de la perte du monde connu. Ceci se justifie dans la mesure où, dès l’origine, le christianisme est entré sur le continent africain en même temps que la colonisation (Akron 2008 ; Boulaga 1981 ; Ela 2016 ; Mbonimpa 1996). Cela suffit de facto pour légitimer le soupçon que le christianisme est un instrument idéologique de la colonisation. Il est presque impossible aujourd’hui de parler du christianisme sans penser à l’impérialisme : « […] le Dieu qu’allègue ce christianisme dans l’exercice de sa domination symbolique comme son fondement ne souffre-t-il pas, dans sa représentation d’une tare partisane, qui en fait nécessairement “le Dieu des autres” » ? (Boulaga 1981: 8).

Pour l’anthropologue Laburthe-Tolra (2006: 326), le judéo-christianisme confère « forcément » une identité de type dynamique qui blesse et brise l’identité de l’autre. De la brisure d’identité, il en a d’ailleurs été question aussi pour les tout premiers chrétiens qui étaient des juifs. Poussés par leur foi en l’événement de la résurrection, ils se sont distanciés peu à peu du Temple de Jérusalem, du sacrifice annuel, du Sabbat, alors que ces institutions étaient les fondations de l’identité juive. C’est cette caractéristique du christianisme qui est rejetée par des intellectuels africains. Les premières analyses du christianisme par l’élite africaine, avant les indépendances, ont consisté en un rejet pur et simple de cette brisure dont est porteuse la religion chrétienne, exacerbée par certains comportements des missionnaires. Les premières et les plus virulentes attaques sont venues des écrivains comme Beti (1972, 1976) et Oyono (1956) qui ont directement établi une corrélation entre christianisme et colonisation. Ces critiques vont même donner lieu à des expressions blasphématoires avec Akare (1981). Pour ce dernier, il n’est pas question d’identifier l’homme noir à aucune des

religions venues de l’extérieur. Le Noir n’a pas de religion, le christianisme est pour l’Israélien comme l’islam est pour l’Arabe et l’hindouisme pour l’Asiatique. Dans la première génération de la littérature africaine, le rejet du christianisme s’est conjugué avec le mépris de la foi chrétienne, voire l’accusation de racisme au sein de l’Église (Sulzer of Winterhur 1984). Rabémananjara résume bien la préoccupation de cette première génération d’élite africaine quand il estime que l’Occident, par la colonisation et la christianisation, manifeste une volonté délibérée de vider les Africains d’une valeur essentielle, de les dépouiller d’une qualité qui leur appartient de façon authentique et de transférer à la place une essence étrangère (cité par Ela 1963: 61). La colonisation est une force de domination et d’inhibition de la subjectivité africaine. Indépendamment du message du Christ, le christianisme est destiné à toute culture, mais malheureusement, il a endossé l’économie capitaliste coloniale qui est un contre-exemple du principe même de l’altérité. Léonardo Boff, parlant du cas du Brésil, écrivait que l’effet de l’impérialisme culturel qui conduit à l’acculturation est non seulement la domination de l’espace et du corps, mais aussi la défaite de l’âme à travers la non-reconnaissance de l’autre comme personne (cf. Akron 2008). Or l’altérité suppose la reconnaissance de l’autre en tant qu’autre, radicalement différent de moi et que je dois accepter comme « un mythe » dont on se doit de faire l’herméneutique (Quellec et Sergent 2017: 21). Ces soupçons et accusations vont atteindre leur paroxysme dans les années 80, période au cours de laquelle ces critiques apparues dans la littérature vont être reprises et développées dans des milieux universitaires et même dans les milieux ecclésiaux.

Partant de la situation socio politique et économique de l’Afrique, Mveng (1985: 80) évoque une double crise concernant le rapport que le christianisme entretient avec l’Afrique. Une crise de « dépersonnalisation » du sujet africain et celle liée à la trahison des missionnaires vis-à-vis de l’Évangile, rendant désormais impossible ce qui aurait dû être une rencontre constructive. Pour l’auteur, la personne africaine rencontrée par les missionnaires était en rupture avec les racines historiques de sa personnalité. Elle était isolée et en perte de sécurité, elle n’existait pas au moment de cette rencontre. Le verdict est sans appel, l’auteur parle de la pauvreté anthropologique de l’Africain, qu’il analyse non pas comme un état, mais une situation historique. Il ne faut pas s’attendre à moins de pessimisme quant au diagnostic du pasteur Kä (1991). Ce dernier a bâti sa philosophie africaine à partir des réflexions théoriques élaborées par Arendt (1988). Pour la philosophe juive, le propre de la condition

humaine est l’action, c’est-à-dire la faculté d’entreprendre du neuf. En partant de là, Kä estime au regard de la situation de la faillite générale de l’Afrique que c’est justement cette faculté d’agir qui a été annihilée dans l’être africain par la dramatique histoire que le continent a expérimentée. Cette histoire a engendré chez l’être africain, de multiples pauvretés, à la fois matérielle, sociologique culturelle et religieuse. Dans cette perspective, Kä dresse un tableau tout aussi sombre du sujet africain nourri au quotidien par des imaginaires mythologiques qui l’éloignent du réel. Pour sortir de cette crise dans laquelle est englué le sujet africain, l’auteur propose un nouveau projet éthique qui doit viser le renouvellement anthropologique consistant à passer du primat du subconscient, à celui de la conscience.

Toutes ces analyses partent d’une vision holistique du christianisme considéré comme une force globale, comme une machine impérialiste qui déstructure les identités avant de les restructurer à sa manière. C’est d’ailleurs après tout, le soupçon qui vise toutes les structures qui revendiquent le statut de l’universel : « l’universalisme n’est-il pas un universel qui s’est trahi en se satisfaisant de lui-même et devenant dominant » s’est interrogé François (2008: 146) ? Né dans la culture orientale et s’exprimant à partir des idiomes de la culture occidentale, le christianisme qui a subi un formatage dans son essence par son contact avec la philosophie grecque, devenant ainsi par une force d’acculturation pour les peuple non- occidentaux (Ela 2003). Le christianisme est un message, un style de vie dont le contact avec d’autres cultures entraîne des changements dans les modèles culturels initiaux de ces dernières (Comby 2005). Le christianisme missionnaire devra, à cet effet, résoudre la contradiction qu’il porte en lui-même : prêcher un message universel tout en véhiculant un mode de vie occidental (Pirotte 2006). Ce reproche adressé au christianisme est, pourrait-on affirmer, la cause de la méfiance que certains adoptent à son égard.

Si la critique est adressée au christianisme comme système religieux, elle ne vise pas moins les missionnaires qui ont incarné ce système dans la vie de tous les jours. Comme l’affirme Ayegboyin (2008: 42.), autant les colons ont dominé les institutions politiques, autant les missionnaires régnaient en maîtres dans les missions. Ces derniers ont fait preuve d’un certain autoritarisme que « certains prêtres africains, formés à la bonne école, endossent tout aussi allègrement, sans se demander s’il est rentable à long terme pour l’enracinement du témoignage » (Sastre 1963: 23). Cette domination réelle et symbolique s’est traduite par

l’opposition des missionnaires à certaines façons de vivre des Africains, jugées non conformes à la culture occidentale. Dans le cas des Twana de l’Afrique du Sud par exemple, Comaroff Jean & Comaroff John (1991: 244-251) ont avancé que c’étaient justement les points de différences culturelles des Twana remarqués par les missionnaires qui ont fait de ces derniers des êtres inférieurs. C’est d’ailleurs pourquoi dans la logique des missionnaires, ces différences culturelles devraient être éradiqués si les indigènes veulent faire partie du monde chrétien. Dans la perspective de Jean et John Comaroff, même si on peut parler au départ, d’une divergence des points de vue entre les indigènes et les missionnaires, il faut craindre que les impositions que ces derniers ont mises en place dans le cadre de la « long conversation » que constitue le processus de conversion finiront par coloniser la conscience des indigènes. En effet, parmi les missionnaires, nombreux étaient ceux qui concevaient la rupture totale avec la culture africaine comme une condition sine qua non pour réaliser le fait chrétien. Toute conversion dans cette perspective devra alors entrer dans la perspective d’une tabula rasa de la cosmologie autochtone. Dans la section suivante, je montrerai concrètement comment s’est joué ce drame identitaire dans l’histoire de la christianisation chez les Éwé. Échos de cette rupture dans l’entreprise missionnaire chez les Éwé

Dans la perspective des missionnaires, la conversion chrétienne se devait d’être « a complete break with the past » comme l’a rapporté Meyer (1998b: 316), à propos des pentecôtistes ghanéens. Le christianisme est présenté comme une façon d’embrasser une nouvelle subjectivité, mais aussi une certaine façon d’entrer dans la modernité selon ce qu’en écrit Asad (1996). La conversion au christianisme devait être pour les Éwé une démarche consistant essentiellement à accéder à la lumière divine agissant dans l’intériorité humaine (Meyer 1992, 1996). La formation de la subjectivité chrétienne était donc au cœur du projet de la christianisation. À la suite de Dumont (1983); Mauss ([1938] 1985a), la réflexivité est apparue comme une conséquence de la christianisation. L’exigence que l’être humain cultive un baromètre interne lui permettant de mesurer une certaine vision de lui-même avec une forme de conscience indépendante des règles sociales est la conséquence du fait de se constituer chrétien a repris Cannell (2006).

Amener les Éwé à s’ouvrir à l’anthropocentrisme a été la tâche particulièrement significative menée par les missionnaires protestants du Nordeutsche Missionsgesellschaft

(NMG), communément appelés des missionnaires de Brême. Cette entreprise s’est révélée intense vu la culture de base et l’histoire particulière des Éwé. Embrasser une nouvelle subjectivité pouvait s’entendre pour les missionnaires piétistes. Mais entrer dans la modernité était une option pour laquelle ils étaient plus que réservés. Pour les missionnaires du NMG, la modernité devait se traduire par le rejet d’une certaine ontologie éwé d’une part et, d’autre part, ne devait surtout pas signifier l’accès des Éwé à la jouissance des commodités et matériels mondains. Pour Meyer (1996), cette posture des missionnaires était une façon d’enfermer les Éwé dans leur univers, ne pas leur permettre de se prévaloir d’une culture allemande réservée aux élites. Pour mieux saisir les impacts de la christianisation des Éwé, il convient de remonter comme le conseillent Comaroff Jean & Comaroff John (1991) au contexte de la congrégation responsable de leur évangélisation. À cet effet, deux faits majeurs sont à retenir en ce qui concerne l’identité de ces missionnaires de Brême qui ont fait asseoir les bases du christianisme en pays éwé.

Les études de Meyer (1996) montrent que durant le 18e siècle, le développement socio-économique de l’Allemagne avait ruiné les bases de l’économie traditionnelle du pays. La modernisation avait sacrifié ceux qui travaillaient dans l’artisanat, l’élevage et l’agriculture. Ce changement économique avait ainsi créé une classe d’individus très vulnérable qui avait du mal à trouver leur place dans la nouvelle Allemagne. Beaucoup de ceux qui avaient été ruinés ont exilé dans les villes et c’était justement dans cette tranche de la population qu’étaient recrutés les missionnaires piétistes. Ces derniers avaient développé un sentiment de méfiance contre la modernité. Devenus missionnaires, ils promurent la vie intérieure et des valeurs conservatrices comme l’essentiel de la vie chrétienne, en conformité avec leur spiritualité piétiste.

Par ailleurs, en ce qui concerne leur représentation du monde, les piétistes avaient une conviction dualiste de la réalité. Alors que Dieu est bon et a créé tout ce qui est bon, Satan lui est responsable des malheurs de ce monde. Il est l’instigateur principal des religions populaires et, par conséquent, de la religion traditionnelle éwé. Cette dernière, comme la langue éwé d’ailleurs, devait être débarrassée de ses impuretés et être élevée à la civilisation pour qu’elle soit digne du Grand Dieu de qui viennent les véritables biens. C’est vers lui que doivent se tourner les peuples du monde (Meyer 1992). Ces points, c’est-à-dire la réserve des

missionnaires vis-à-vis de la modernité et leur dualisme conceptuel constitueront les points qui vont alimenter les malentendus nés de la rencontre entre les Éwé et la mission chrétienne. Le dualisme des missionnaires aura pour conséquence de générer une conception dichotomique de la notion du mal. L’étiologie traditionnelle éwé fait souvent référence aux ancêtres. La conception des maladies, de certaines façons de mourir, spécialement, mourir par accident, sont généralement interprétés comme une vengeance punitive des ancêtres : « Offenser gravement le clan en se rendant coupable d’un inceste, en étant parricide ou fratricide, etc.[…] déclenche une intervention punitive de la part des défunts » écrivait Agossou (1972: 113) à propos des Fon qui, comme les Éwé, partagent la même cosmologie ajatado. En cas d’accident, un rituel est réalisé pour exorciser le mal et empêcher la reproduction de la même mauvaise expérience (Rosenthal 1998 ; Surgy 1988). L’activité missionnaire a introduit dans la cosmologie éwé une nouvelle façon de concevoir l’origine du mal. Il est désormais lié à un personnage dénommé « Satan ». Pour désigner cette nouvelle réalité, dans le dictionnaire éwé-allemand publié en 1905-1906, le pasteur allemand Dietriech Westermann (1875-1956) emprunta le terme abosam aux Akan, voisins des Éwé. Le terme Abosam, qui était utilisé pour désigner un monstre de la forêt ou encore un sorcier mâle, devient une nouvelle réalité avec laquelle les Éwé devront désormais apprendre à vivre. Cet apprentissage a été très vite incorporé dans l’imaginaire des nouveaux chrétiens. Ils ont fini par attribuer à Satan toute la réalité sociale traditionnelle éwé. Ainsi, les non-convertis ou ceux qui appartiennent à Abosam étaient appelés Abosamtowo par opposition aux convertis qui sont de vrais enfants de Dieu (Meyer 1992, 2002). C’est donc toute la vie sociale et la conception religieuse qui la soutenait qui entrèrent dans la catégorie du diable mise en place par l’effort d’évangélisation. Cette dichotomisation marquera pour toujours le christianisme éwé. Même quand les missionnaires catholiques arrivèrent officiellement en 1892, soit presque quarante ans après les protestants, ils héritèrent le dialecte des Anlo-Éwé, choisi par leurs prédécesseurs protestants. Ils pratiquèrent la même politique de rejet de l’éwéïté, c’est- à-dire ce qui fait l’essence même de la personne éwé et de sa culture. En fondant de nouvelles stations au-delà des frontières de la zone éwéphone comme à Atakpamé, les missionnaires catholiques contribuèrent aussi à étendre au-delà de ses limites la géographie de la langue éwé.

Pour récapituler, je dirais que dans un premier temps, les missionnaires étaient porteurs d’une dichotomie conceptuelle bien marquée entre le bien et le mal. En venant chez les Éwé elle s’est appliquée à leur réalité sociale, ainsi tout ce qui est chrétien entre dans la catégorie du bien et tout ce qui relève du paganisme appartient à la catégorie du mal et de Satan. Il faut donc inclure dans cette dernière catégorie, les rituels traditionnels éwé, l’oracle Afa qui a servi jusqu’ici à identifier la personne. Il y a là, un glissement important qui s’opère dans l’herméneutique de soi. Le sujet traditionnel qui se converti au christianisme rejette comme satanique la tradition qui a contribué à faire de lui la personne qu’il a toujours été.

J’ai suffisamment présenté plus haut des arguments allant dans le sens de la subjectivité comme inhibition de l’essence africaine. Je voudrais surtout insister ici sur les conséquences de cette inhibition sur la conceptualisation de la famille qui s’est considérablement rétrécie. Ce glissement a eu pour conséquence de faire émerger une conception nucléaire de la famille par opposition à la conception traditionnelle très étendue. Le témoignage suivant de Monseigneur Cessou, administrateur de la mission catholique8 durant la colonisation française, permet de mieux saisir ce que les Éwé mettent sous le concept traditionnel de la famille: « Une fois casé et en possession d’emploi ou d’un métier lucratif, le Togolais fait venir ce qu’il appelle sa “famille”, vocable qui comprend parents, amis, gens de même village […] » (Degbe 2013: pp. 269-270). Une telle façon de concevoir la famille ne rentrait pas du tout dans la logique occidentale des missionnaires. Les Éwé qui sont devenus membres de l’assemblée chrétienne au temps des piétistes recevaient formellement des instructions de ne léguer leur héritage qu’aux parents proches, c’est-à-dire ceux qui sont reconnus par les liens de sang. Pour leur inculquer entre autres, ce nouveau sens de la famille, les collaborateurs locaux des évangélistes sont envoyés en Allemagne, puis insérés dans des familles où ils apprennent à vivre la vie de famille à la manière occidentale (Meyer 2002: 185). Il était interdit aux nouveaux convertis de participer aux fêtes organisées par les membres de leur famille et leurs anciens compagnons qui ne se sont pas convertis à la foi nouvelle. Cette stratégie visait à couper les chrétiens de leur terroir et de la logique relationnelle qui caractérisait jusque-là leur culture. Tout se passait comme si pour

intégrer les néophytes à la nouvelle socialité chrétienne, il fallait nécessairement saboter la socialité traditionnelle : « By preaching and teaching in standard Ewe, and through the formulation of Ewe history and customs, the mission aspired to turn the various separate ewe ‘tribes’ into one ‘people’ united in the Ewe mission church » (Meyer 1996: 211).

En arrachant le néophyte à sa communauté culturelle, la mission se donnait le devoir

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