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La prise en compte des styles cognitifs et styles d’apprentissage

3. LES ÉLÉMENTS NÉCESSAIRES À L’APPRENTISSAGE

3.4. La différentiation pédagogique pour des méthodes d’apprentissage (ré)ajustables

3.4.1. La prise en compte des styles cognitifs et styles d’apprentissage

Dans cette volonté qui anime la pédagogie différenciée de respecter la diversité des apprenants, on conçoit que, face à une situation d’apprentissage donnée, le sujet a tendance à utiliser un mode préférentiel de penser et d’agir (le « striving-and-thinking » d’Allport, 1937) qui s'apparente à sa personnalité et à ses aptitudes.

La conception des styles d’apprentissage est issue des travaux sur les styles cognitifs. En fait, c’est après plusieurs tentatives d’application éducative du concept de style cognitif que le style d’apprentissage émerge – apparaissant moins abstrait et plus près de la pratique (Olry-Louis, 1995). Le style est ce qui

« marque » chaque acte adaptatif de l’individu. Ces styles renvoient donc à la fois aux « différences individuelles constantes dans la manière d’organiser et des traiter les informations et ses expériences » et aux « attitudes stables, préférences stables et aux stratégies habituelles déterminant les modes typiques d’une personne de percevoir, de mémoriser, de penser et de résoudre des problèmes » (Messick, 1976).

Nous avons déjà cité les profils pédagogiques définis par De la Garanderie (1980 et encadré 7) qui travaille sur la distinction entre auditif, visuel ou kinesthésique. Ainsi, selon le type qui aura été déterminé pour un individu apprenant donné, l’enseignant ou formateur sera amené à utiliser plutôt l’explication orale, le schéma au tableau ou une manipulation par exemple.

D'autres théories et tentatives de typologies se sont plutôt penchées sur les dimensions de DIC (Dépendance-indépendance à l'égard du champ) ou la dimension RI de réflexivité-impulsivité (encadré 23).

Encadré 23. Quelques styles cognitifs

Dans la théorie de dépendance-indépendance à l’égard du champ, on distingue deux catégories d’apprenants et deux formes inhérentes d’apprentissage (Huteau, 1987) :

- les sujets indépendants du champ utilisent plutôt leurs repères personnels pour restructurer les données : ils recherchent peu les informations en provenance de l'extérieur et leurs apprentissages sont peu liés au contexte social et affectif ;

- en revanche, les sujets dépendants du champ sont moins enclins à restructurer leurs représentations : ils font confiance aux informations venant de l'entourage et le contexte social et affectif est très important.

De la même façon, la dimension de réflexivité–impulsivité considère deux types d’apprenants et donc deux types de comportements auxquels il convient de s’adapter en situation d’apprentissage : - les sujets réfléchis sont ceux qui ont tendance à différer une réponse pour s'assurer au mieux d'une solution exacte ; ils vont donc préférer l'indécision au risque d'erreur.

- les sujets impulsifs sont ceux qui ont tendance à répondre rapidement, quitte à commettre des erreurs ; ils sont souvent inquiets vis-à-vis d'eux-mêmes et de leurs rapports avec autrui.

En fait, plusieurs typologies permettent de classer les individus et de leur proposer donc un apprentissage en fonction de l’élément considéré significatif et prévalant dans leur processus d’apprentissage et d’acquisition des connaissances. Les styles d’apprentissage sont en fait des manifestations, dans un contexte spécifique, des styles cognitifs définis à un niveau plus général. Plusieurs typologies de styles d’apprentissage ont émergé depuis les années 70 en fonction des éléments considérés comme déterminants.

On a ainsi des typologies de styles et profils d’apprentissage en fonction :

 de l’environnement et du contexte pédagogique

 des modalités d’encodage des données et de représentation

 des modalités de traitement de l’information puis ceux fondés sur :

 un modèle de l’apprentissage expérientiel

 sur une théorie de la personnalité

ou encore des modèles mixtes associant plusieurs éléments (encadré 24 pour des exemples).

Encadré 24. Exemples de délimitations de profils d’apprentissage à partir des études des éléments considérés déterminants dans la définition des styles

Sur les styles d’apprentissage en fonction de l’environnement et le contexte pédagogique

 Grasha et Riechman (1975) élaborent un Student Learning Style Scale déterminant 3 dimensions bipolaires définissant les profils d’apprentissage « participant » ou « fuyant », « collaborateur » ou

« compétitif », « autonome » ou « dépendant ».

 Renzulli et Smith (1978) établissent, eux, des profils d’apprentissage à partir des préférences à l’égard de 9 modes d’enseignement : les projets, la récitation, l’enseignement par les pairs, la discussion, les jeux, l’étude individuelle, l’enseignement programmé, l’enseignement magistral et la simulation.

sur les styles d’apprentissage en fonction des modalités d’encodage et de représentation

 plusieurs chercheurs ont travaillé cette variable dont De la Garanderie déjà cité (encadré 7), Barbe et al.

(1979).

sur les styles d’apprentissage en fonction des modalités de traitement de l’information

 Schmeck et al. (1977) établissent leurs profils à partir de 4 tendances stratégiques : la tendance à organiser les informations, celle à élaborer le contenu d’apprentissage, la tendance à retenir des informations factuelles et enfin celle à utiliser des méthodes d’étude reconnues.

 Entwistle (1981) considère le profil d’apprentissage en fonction des modalités de traitement de l’information selon 3 orientations : l’orientation vers la signification personnelle, celle vers la reproduction de l’information et enfin celle tendant à l’accomplissement et la réussite.

sur les styles d’apprentissage fondés sur un modèle de l’apprentissage expérientiel

 Partant d’un apprentissage dit expérientiel en 4 étapes, comprenant l’expérience concrète, l’observation réfléchie, la conceptualisation abstraite et l’expérimentation active, Kolb (1974) et Gauthier et Poulin (1985) envisagent l’existence de 4 modes d’adaptation (concret, réfléchi, abstrait et actif) qui, combinés deux à deux donnent 4 styles d’apprentissage :

- Le style divergent (qui correspond à un profil concret-réfléchi) - Le style assimilateur (qui correspond à un profil réfléchi-abstrait) - Le style convergent (qui correspond à un profil abstrait-actif) - Le style accommodateur (qui correspond à un profil concret-actif).

 s’inspirant de ce modèle, McCarty (1997) créé un autre modèle d’apprentissage - le 4MAT System - qui conduit à envisager 4 styles d’apprenants : l’apprenant innovateur, l’apprenant analytique, l’apprenant de sens commun et l’apprenant dynamique – auxquels il convient d’adapter la forme d’apprentissage qui leur correspond.

Sur les styles d’apprentissage fondés sur une théorie de la personnalité

Les typologies de styles d’apprentissage qui s’inspirent plutôt des connaissances développées dans le cadre de recherches sur la personnalité ont, généralement, pour cadre de référence la théorie de Jung sur les types psychologiques.

 C’est sur cette base que Myers et Briggs (1962) définissent 4 dimensions de la personnalité : - extraversion – introversion,

- sensation – intuition, - raison – émotion, - jugement – perception.

Ce serait ces caractéristiques de la personnalité qui définissent le style d’apprentissage d’une personne et c’est donc en identifiant les conduites « éducatives » caractéristiques de chacun des types qu’il est possible de spécifier les styles d’apprentissage à tenir.

Pour autant qu’ils tiennent compte de caractéristiques individuelles spécifiques, cette classification par désignation d’un élément vecteur principal des capacités d’apprentissage n’est pas totalement satisfaisante : elle étiquette l’individu apprenant en le confinant à un seul style d’apprentissage.

D’autres recherches envisageant plutôt une sorte de métastructure psychologique multidimensionnelle semblent alors plus propices à créer ce lien entre le style d’apprentissage à mettre en œuvre en fonction de la personnalité de l’individu. C’est notamment le travail qui a été mené par Dunn et Dunn (1978) et, plus récemment, Provencher (1981) prenant en compte une vingtaine de variables formant cinq catégories :

 les variables environnementales (son, lumière, agencement du lieu)

 les variables affectives (motivation, persistance, responsabilité, structure)

 les variables sociologiques (apprendre mieux seul, avec un autre, en équipe, de manière variée)

 les variables physiologiques (modalités perceptives, fluctuation du niveau d’énergie selon le moment de la journée, besoin de mobilité durant l’apprentissage)

 les variables psychologiques (en termes de traitement global ou analytique, de fonctionnement réfléchi ou impulsif).

Ces cinq catégories se déclinent en fonction de trois facteurs intervenant dans la manière dont les apprenants donnent du sens aux informations qu’ils cherchent à s’approprier par :

 des orientations symboliques (par exemple préférer lire ou écouter, préférer l’un ou l’autre des cinq sens pour apprendre, la façon de se comporter avec les autres)

 des déterminants culturels qui accompagnent les significations de ces symboles (préférer se fier à une figure d’autorité ou à son expérience, etc.)

 les modes d’inférence (par exemple porter attention aux ressemblances ou aux différences).

Constatant la complexité pour déterminer des styles d’apprentissage, Keefe et Monk (1987) élaborent un nouvel instrument : le Learning style profile, qui, lui, mesure vingt-trois variables – et comporte donc vingt-trois échelles, regroupées en trois facteurs misant sur :

 les habiletés cognitives (habiletés analytique, spatiale, de discrimination, de catégorisation, de traitement séquentiel, de mémorisation)

 les réponses perceptives (visuelle, auditive, émotive)

 les préférences pour l’étude et l’enseignement (persévérance au travail, désir d’exprimer son opinion, préférence verbale-spatiale, préférence pour la manipulation, préférence pour travailler le matin, l’après midi, le soir, préférence ayant trait au regroupement, à l’arrangement spatial, à la mobilité, au type d’environnement sonore, à la luminosité, à la température…).

S’il est clair qu’il est important de tenir compte de tout ce qui fait l’individu et son comportement pour initier et conduire au mieux son processus d’apprentissage, ces modèles n’épuisent de toutes façons pas la liste des modèles possibles. Au fur et à mesure des réflexions et des travaux, de nouvelles dimensions sont mises à jour comme étant significatives ; Curry, en 1990, répertorie une centaine d’instruments pour mesurer les diverses dimensions du style d’apprentissage. Aussi, toute intéressante que soit cette prise en compte, on ne peut manquer de constater les difficultés qu’elle occasionne dans ses applications.