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Les méthodes d’éducabilité cognitive

La méthode de gestion mentale d’Antoine de la Garanderie - L’idée développée est que chaque apprenant utilise des stratégies particulières pour apprendre et qu’il est nécessaire d’en tenir compte pour faciliter son apprentissage en proposant les enseignements adaptés aux fonctions qu’il met en avant. L’auteur part du principe selon lequel la cognition s’établit selon trois sens - qui permettent de distinguer trois types d’individus : les visuels, les auditifs et les kinesthésiques. On en déduit ainsi que certains retiendront mieux s’ils voient, d’autres en fonction de ce qu’ils entendent ; d’autres enfin auront besoin de toucher, de manipuler pour faire fonctionner leur mémoire et retenir l’apprentissage.

Les pratiques d’apprentissage alors mises en œuvre vont tenir compte des facultés prioritairement utilisées par l’apprenant, amenant ainsi le formateur à privilégier comme support, selon les cas, des graphiques et schémas explicatifs, l’explication orale, des objets permettant la compréhension du phénomène exposé.

Les ateliers de raisonnement logique (ARL) – prennent essentiellement la forme d’exercices de raisonnement mathématiques et logiques. Ils sont pratiqués seuls ou en groupe et visent en quelque sorte à déclencher et développer les capacités d’abstraction, de raisonnement des individus. Ils sont plutôt pratiqués en cours du soir sur la base de modules de 40 heures, sur 6 à 8 semaines.

De la même façon, la méthode de Mialet est un système de manipulation logico-mathématique de cubes destiné à favoriser les capacités d'abstraction de l’individu en phase de remise à niveau ou de préparation à une formation professionnelle. Ces méthodes se déroulent le plus souvent sur une journée par semaine pendant 4 à 8 semaines.

Enfin, dans le PEI - Programme d'enrichissement instrumental – de Reuven Feuerstein, il s'agit là encore essentiellement d'exercices de logique - à destination d’adultes en requalification professionnelle et on compte généralement la formation sur un créneau de 100 à 200 heures. L’objectif visé est de pouvoir doter le sujet de démarches cognitives performantes lui permettant d’analyser son environnement et d’acquérir des stratégies de résolution de problèmes32.

Outre ces quatre principales méthodes (re)connues de remédiation cognitive, il existe aussi la méthode appelée Activolog - Activation et développement du raisonnement logique. Il est là encore question d'exercices de numération et de logique ; ils se veulent cependant plus proches de la vie professionnelle – et sont plus spécifiquement destinés aux adultes de bas niveau de qualification confrontés à l'introduction de nouvelles technologies. La formation se déroule sur une base de 40 à 60 heures.

La méthode Tanagra, quant à elle, propose un entraînement individuel au raisonnement logique suivi d’une discussion en groupe. La formation se déroule sur 5 à 10 jours et le public ciblé est essentiellement celui des adultes apprenant une nouvelle technique faisant appel à la logique informatique (pour de la comptabilité par exemple).

En fait, la catégorie de méthodes dites « d'éducation cognitive » n'est pas strictement définie. Certains peuvent vouloir y intégrer des pratiques dont le but principal est l'acquisition de connaissances (comme les mathématiques) ou de savoir-faire généraux (comme la lecture). D'autres vont chercher à y inclure des pratiques visant au développement personnel (facilitation de la communication, établissement d'une image positive de soi en sont les principaux indicateurs). Ce qu’il faut noter avant tout c’est que les formations calquées sur ces méthodes ne semblent pas à même de se formaliser comme étant une fin en soi ; elles constituent seulement une étape, une pré-formation, un apprentissage à l’apprentissage qui vise plus en fait à préparer l’individu à suivre une formation. Sommairement dit, l’individu qui sort de ce type de formation n’aura pas acquis de connaissances (au sens large – savoirs et savoir-faire) immédiatement « praticables »

32 . Ce programme, appliqué en formation d'adultes commence aussi à trouver ses applications dans le système scolaire. Il a notamment été utilisé aux États-Unis dans le cadre de programmes « d'éducation compensatoire » destinés à lutter contre la pauvreté et la discrimination et visait essentiellement à améliorer la réussite scolaire et donc à faciliter l'intégration des enfants issus des minorités noire et hispanique. Il comportait donc un versant social et un versant psychopédagogique.

et formalisables sur son lieu de travail par exemple ou dans sa vie quotidienne. En revanche, il doit pouvoir y acquérir les stratégies qui lui faciliteront ses apprentissages futurs.

Que dire de ces méthodes ?

 Ces méthodes prônent avant tout la valorisation des processus métacognitifs - c'est-à-dire les procédures de contrôle et de régulation que le sujet met en œuvre sur son propre fonctionnement mental et la connaissance qu'il a de ce fonctionnement. On le considère donc maître de son apprentissage et pouvant agir sur sa façon d’apprendre et trouver ainsi sa formule d’apprentissage personnelle.

 On appuie aussi fortement sur le rôle de médiateur que joue le formateur. Ainsi, revient l’idée que l'apprentissage n'est pas seulement le résultat de l'interaction entre le sujet apprenant et le monde physique ; il provient aussi et surtout du rôle joué par l'enseignant qui vient s'intercaler entre le monde physique et le sujet et qui oriente l'activité mentale de ce dernier en adaptant par exemple le niveau de difficulté des tâches, en maintenant l'attention, en facilitant l'évaluation des résultats et par là même facilite le processus d’apprentissage auquel l’individu s’adonne.

 Autre point important relatif à ces méthodes d’apprentissage : elles valorisent les processus d’acquisitions plutôt que les connaissances – et en ce sens s’opposent totalement à la pédagogie classique. En effet, si celle-ci considérait qu’il fallait acquérir des connaissances pour devenir plus intelligent, il semble au contraire que l’éducabilité cognitive joue à l’inverse : il faut devenir plus intelligent pour pouvoir acquérir de nouvelles connaissances.

 Maintenant, l’application peut paraître plus discutable. Ce développement intellectuel, tel qu’il est conçu dans ces méthodes s’acquiert pour ainsi dire exclusivement au travers d’exercices de logique. Et, lorsque les exercices consistent par exemple à repérer un carré ou un triangle dans un nuage de points (dans la méthode du PEI notamment), on a plutôt le sentiment d’une infantilisation et on peut douter de la plus-value que l’individu y trouvera et de la motivation qu’il aura à poursuivre un processus d’apprentissage. Il n’est, en outre, pas sûr du tout que les capacités spécifiques acquises soient généralisables et puissent donc donner lieu à une ‘augmentation d’intelligence’ – si tant est que l’intelligence soit le seul élément à prendre en considération lorsqu’il est question d’enrichir ses connaissances, capacités et/ou aptitudes.

 Considérant le nécessaire développement intellectuel à acquérir, ces méthodes ont en effet la particularité de ne prendre en compte que la cognition et de laisser largement de côté les facteurs de motivation et d’auto-estime comme source potentielle de réussite. Ainsi, plutôt que de considérer que la confiance en soi, la motivation, etc. facilitent l’apprentissage et sa réussite, les concepteurs des méthodes d’éducation cognitive estiment que les effets positifs éventuels sur la personnalité des sujets (par exemple une meilleure image d'eux-mêmes) ne sont que la conséquence des progrès cognitifs. Tous les travaux menés sur le rôle de la motivation, de la confiance en soi sont totalement ignorés.

 Enfin, les liens étroits qu’il peut exister entre les procédures cognitives et les connaissances auxquelles elles s’appliquent ne sont pas prises en compte. Il est pourtant permis de penser que l’individu apprendra plus facilement quelque chose qui l’intéresse et que donc, le niveau de développement cognitif des individus et leurs capacités de mémorisation ne seront pas les mêmes selon les contenus des connaissances à mémoriser.

Ces divers éléments enjoignent donc plutôt à penser que l’efficience cognitive (c’estàdire le rendement -généralement évalué par les performances dans les tests d’intelligence) de l’application en formation de ces diverses méthodes et pratiques est de peu d’effets. Elles n’apportent souvent qu’une plus-value peu significative et ne tiennent en outre pas compte de la personnalité de l’apprenant. Elles peuvent cependant l’aider à retrouver des stratégies de pensée et des modes de fonctionnement facilitant l’entrée dans un processus de formation, et, de ce fait, restent souvent – suivant la population ciblée (car il faut aussi noter une certaine stigmatisation du public) - à la base des nouvelles méthodes d’apprentissage pour les adultes.

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L’éducabilité cognitive est une méthode plus spécifique à l’apprentissage des adultes (de bas niveau d’instruction le plus souvent). Elle permet effectivement de « remettre le pied à l’étrier » dans le processus d’apprentissage et d’inviter l’apprenant à un rôle actif.

Elle ne donne cependant pas en elle-même un véritable produit d’apprentissage et laisse de côté toutes les caractéristiques individuelles de l’apprenant (motivation, intérêt cognitif) et toutes les variables également opérantes (relation de groupe, relation pédagogique, etc.) dans le processus d’apprentissage.

Il semble plus probant et bénéfique que l’apprentissage ait une finalité concrète.

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1.3.2. Pédagogie du projet et pédagogie de la médiation

La finalité de la « pédagogie du projet » vise l'apprentissage d'un comportement d'autonomie qui se définit par la mise en œuvre d'une démarche dominante de projection. Schématiquement, on peut dire que le projet est l'outil de l’apprenant et ce qui lui permet d’avancer dans sa démarche de formation. Elle demande d’avoir un but précis vers lequel tendre (ce que l’on ne trouvait pas dans les méthodes pédagogiques d’éducabilité cognitive).

Il s’agit d’un processus cumulable : se projeter, c’est produire ses propres repères et les introduire dans son environnement pour le modifier – ce qui permet alors le développement de nouvelles projections entraînant à leur tour d’autres modifications de l’environnement.

Ce type de pratique de formation intervient souvent dans le cadre de SOA – Session d’orientation approfondie - dans une problématique formative d'insertion, notamment pour les chômeurs de longue durée, jeunes. La formation qui est mise en œuvre consiste d’abord à faire émerger le projet d’avenir de l’individu - basé sur un désir33 – et ensuite de l’accompagner dans sa démarche pour le faire aboutir. La plus grosse difficulté est de faire émerger ce projet (lorsque l’individu n’a pas, au préalable, procédé à un bilan de compétences notamment) et le processus de formation commence généralement par un atelier

33 . La capacité de projection pourrait se décrire comme le symétrique inverse de la capacité d'adaptation ; elle est basée sur un désir alors que l’adaptation est basée sur un besoin.

« histoire de vie » où il est demandé aux stagiaires de revenir sur leur passé, sur leur parcours – personnel notamment – pour avancer dans l’avenir.

Dans cette pédagogie du projet, peut-être plus que dans toute autre méthode, l’individu apprenant est au centre de la situation d’apprentissage et, presque, la dirige – puisque la formation, en quelque sorte, s’autogénère à partir des projets motivés de chacun. Cette appropriation de l'espace-temps de la formation par les formés entraîne un niveau d'implication personnelle qui permet de déboucher, semble-t-il, sur la construction de projets personnels. Mais, si elle a le mérite de laisser une grande part d’initiative et d’autonomie aux apprenants, elle a aussi souvent quelques difficultés à se mettre en place (encadré 8).