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5. Analyse

5.3 Viabilité des projets de développement mis en place par les PFST et

5.3.3 Les six principes fondamentaux favorables au renforcement de la

1. L’orientation vers les groupes cibles :

Compte tenu des nombreux colloques effectués, je pense que les membres d’OTM ont largement tenu compte des aspects socioculturels liés à la population cible. A travers ceux-ci, ils ont fixé des objectifs clairs et réalistes aux étapes successives de la réalisation des projets. Ils ont adapté les activités aux comportements, modes de vie et systèmes de valeurs de la culture locale. Ils ont été sensibles aux représentations initiales et parfois sceptiques des habitants et ont pris en considération les doutes et appréhensions de ces derniers. Le soutien de la congrégation des PFST - intégrée, écoutée et respectée depuis une vingtaine d’années dans la région - a sensiblement facilité cette prise en compte. Crédibles et bénéficiant de la confiance de la population, les PFST ont en effet souvent dû expliquer aux intervenants d’OTM le raisonnement, parfois surprenant, des paysans.

Lors de la réalisation concrète des divers projets, des tâches spécifiques ont été confiées aux participants, selon leurs aptitudes et connaissances singulières, leur âge et leur sexe. Ainsi, les femmes ont pour la plupart été chargées d’acheminer les matériaux de construction (briques,

pierres, sable etc.) à destination ou se sont occupées du ravitaillement des travailleurs. Les hommes ont pour leur part participer aux étapes plus techniques et physiques, comme celle du creusage des tranchées de canalisation ou celle de l’édification des bâtiments. De plus, OTM a tenu compte des superstitions des villageois puisqu’elle les a laissé procéder à des rituels dits

“purificateurs“ des infrastructures. Ils ont également pu choisir un nom pour chacune des fontaines d’eau.

Le projet du centre de formation professionnelle ainsi que celui de la turbine hydroélectrique représentent des innovations. Sur l’ensemble du territoire haïtien, rares ou inexistantes sont (respectivement), les actions similaires conçues par d’autres organisations humanitaires. En définitive, ces deux projets prennent donc le statut de “projets pilotes“ et pourront certainement représenter à l’avenir, une base solide de départ pour la programmation d’actions analogues.

2. Capacité organisationnelle :

Bien que les concepteurs des projets intégrés de Café Lompré aient sollicité la création de comités locaux destinés à favoriser l’autogestion de ceux-ci, force est de constater que ces structures ne sont pas encore en mesure d’assumer seules, une telle responsabilité. En effet, malgré les formations continues ponctuelles, ses membres ne détiennent pas les ressources et connaissances suffisantes pour assurer pleinement leur fonction. Déjà que les communautés rurales haïtiennes n’ont que peu de visions globales et à long terme des choses, cette situation s’aggrave par les carences du gouvernement, qui ne met quasiment pas en place de programme d’intervention dans ces régions reculées. La création d’une route bétonnée reliant le carrefour Saint-Etienne à Bainet (dernière localité au Sud-est) en est un bon exemple. En effet, bien que tous les notables des localités concernées ainsi que le maire de Léogane s’accordent à considérer cette route comme primordiale, ceux-ci ne parviennent pas à concevoir une action commune. Suite à leurs sollicitations répétées auprès des autorités compétentes, ils n’ont obtenu que le goudronnage de quelques tronçons.

Les multiples colloques organisés par OTM et/ou les PFST avec les comités locaux, se sont efforcés à transmettre graduellement les notions nécessaires à la bonne gestion des projets. Petit à petit, des changements touchant à la sphère des responsabilités ont été effectués. C’est ainsi que le comité ODEC s’est vu confier la responsabilité de la gestion du projet d’eau de Bois-Debout (turbine, fontaines d’eau, citernes, etc.) jusqu’alors assumée par les PFST.

Les intervenants d’OTM ont aussi cherché à augmenter les compétences spécifiques et personnelles de certains participants. Ainsi, Julien et Etienne ont respectivement été formés à réparer la turbine et à la maintenance des infrastructures hydrauliques. Consciente que la présence de formateurs locaux rassure et encourage la participation aux séances d’information, OTM a également montré à ces derniers et aux PFST, comment transmettre à leurs pairs les notions et connaissances qu’ils ont acquises.

En définitive, bien que les efforts fournis soient considérables, toutes ces démarches ne permettent pas encore de garantir une autogestion fiable et complète des projets de Café Lompré.

3. Capacité financière : frais récurrents et rentabilité :

Les frais occasionnés pour la réalisation des divers projets de développement de Café Lompré ont majoritairement été pris en charge par OTM. Les outils et machines nécessaires à l’enseignement des différents ateliers également. En choisissant de s’impliquer dans la réalisation de plusieurs projets simultanément, OTM et les PFST se sont efforcés de répondre à un seul et unique objectif : améliorer les conditions de vie de l’ensemble de la population rurale.

infrastructures mises en place, il est actuellement difficile d’imaginer une bonne continuité de celles-ci, si l’aide financière d’OTM devait prochainement s’interrompre. En effet, malgré leurs efforts, OTM et les PFST n’ont pas apprécié correctement les capacités et limites de l’économie locale. Le prix de vente de l’eau aux kiosques (1 gourde par seau de 20 litres) est certes accessible à la population, mais ne génèrent apparemment pas une entrée d’argent suffisante pour payer les réparations éventuelles du réseau, les pièces de rechange, les produits d’entretiens ainsi que les salaires du technicien et de son intendant. Le centre de formation professionnelle dont elles espéraient tirer suffisamment de profits pour diminuer les charges de l’école primaire, n’arrive même pas à s’auto-suffire. En effet, partis de bonnes intentions en voulant limiter l’exode rural, les concepteurs des projets n’ont pas pleinement évalué l’impact que pouvaient avoir sur les recettes du centre, le manque de marketing associé aux difficultés de transport et d’accessibilité. De plus, l’économie familiale de la communauté s’apparentant à une économie de subsistance ; les villageois des environs ne peuvent représenter une clientèle subsidiaire. Au vu de la crise actuelle et des restructurations budgétaires, même les cantines scolaires, cofinancées par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et OTM, sont en péril.

Les champs communautaires destinés à les prendre en charge ayant été abandonnés, les étudiants des deux établissements (école primaire et centre de formation) n’ont d’autre choix que d’espérer et prier pour que l’aide financière étrangère se poursuive encore longtemps.

4. Technologie adaptée :

Il est clair que même avec les ressources financières nécessaires, les projets de développement de Café Lompré n’auraient pas pu prendre de telles proportions sans le soutien technique et logistique d’OTM. Bien que le matériel cédé aux ateliers de formation soit considéré comme ancien, voire même comme des “antiquités“ pour les européens, il correspond à une technologie adaptée pour les Haïtiens. Les machines à coudre à pédale ainsi que les moulins manuels à maïs et à manioc (quand ils ne sont pas en panne évidemment), permettent une utilisation fiable, économe et continue. Les machines des ateliers de ferronnerie et d’ébénisterie sont quant à elles alimentées par l’électricité produite grâce à la turbine hydraulique. Ainsi, on peut considérer que le procédé utilisé pour obtenir cette énergie respecte les critères écologiques et est en adéquation avec le milieu dans lequel il s’inscrit. Concrètement, la turbine hydroélectrique correspond toutefois à une réalisation qui implique un niveau de connaissances (micro) technique important. Les savoir-faire techniques locaux n’étant pas suffisants, OTM continue tant bien que mal à former du personnel capable de répondre aux pannes du système. Bien que la technique sous-jacente à la turbine ne soit pas assimilée par la majeure partie des utilisateurs du réseau d’eau, ceux-ci disposent aujourd’hui d’une meilleure représentation de son fonctionnement qu’auparavant. De plus, par souci de continuité et en contrepartie de son soutien dans la création de l’atelier technique à Sigueneau, l’organisation luxembourgeoise a exigé que Julien – le futur propriétaire de l’atelier - forme des apprentis supplémentaires.

5. Caution de décideurs :

Etant donné l’extraordinaire passivité de l’Etat face à ses responsabilités, les actions de développement instaurées à Café Lompré ne se sont heurtées à aucune objection gouvernementale. Bien que celles-ci correspondent à des priorités nationales, les décideurs politiques n’ont pris part ni à leur programmation, ni à leur réalisation, ni même à leur promotion. En effet, à l’exception du ministre de l’agriculture venu pour l’inauguration du funiculaire, aucune figure politique influente n’est venue voir ce qui avait été réalisé dans la région. Dans ces conditions, une éventuelle collaboration avec les instances politiques concernées, semble bien peu probable. A cet égard, le commentaire de M. Wallon, maire depuis neuf mois de la commune de Léogane (comprenant Café Lompré) est très expressif :

« Il est vrai que je ne me suis jamais rendu physiquement à Café Lompré et que je ne suis pas trop familier avec les activités de cette région. Toutefois, je sais que les PFST ont beaucoup contribué à son développement. Grâce à eux, Café Lompré correspond d’ailleurs à l’une des localités les plus développée de Léogane. Malheureusement, nous n’avons pas les moyens de faire notre politique. Sans contribution extérieure, nous ne pouvons rien faire, nous sommes pieds et mains liés ! D’après les informations dont je dispose, la mairie n’a pas été consultée avant la réalisation des projets, car les PFST en tant que congrégation religieuse, n’ont pas besoin d’autorisation pour agir quand il s’agit de mettre en place des dispositifs améliorant les conditions de vie de la population. En cas de problème, ils peuvent bien évidemment faire appel à nous. Nous essayons alors, dans la mesure du possible, c’est-à-dire si cela nécessite une contribution autre que financière, de répondre à leurs requêtes. »

6. Conception réaliste du projet :

Bien que la création des infrastructures ait donné du fil à retordre aux concepteurs de projets, force est de constater que ces actions étaient réalisables puisqu’elles ont été accomplies ! Malgré les doutes et le scepticisme de départ, OTM et les PFST sont parvenus à gagner la confiance et l’implication de la communauté. Voyant que ses intérêts ainsi que ses opinions étaient pris en considération, celle-ci a effectivement apporté une grande contribution. Afin de la rassurer, OTM a échelonné les activités dans le temps et a adapté la progression des travaux en fonction des circonstances locales. Tenant également compte des réalités quotidiennes du groupe cible ainsi que de ses capacités organisationnelles, les deux organismes d’appui s’efforcent encore aujourd’hui à transmettre les rudiments nécessaires à la bonne gestion des projets de développement.