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Principes de d´etection

1.2 Les instruments d’observation

1.2.1 Principes de d´etection

Comme nous venons de le signaler, un d´etecteur γ ne devient un t´elescope que lorsqu’il est possible de d´eterminer (avec plus ou moins de pr´ecision) la direction du photon incident (en plus de son ´energie dans le cas des spectrom`etres). G´en´eralement, une premi`ere ´etape de collimation est r´ealis´ee en entourant le d´etecteur d’un blindage (actif ou passif, cf. § 3.3.2.2 page 133) d´elimitant le champ de vue.

La sensibilit´e d’un t´elescope γ peut ˆetre quantifi´ee `a partir des variations statistiques (loi de Poisson) du nombre de coups d´etect´es. En effet si N (E) = S(E) + B(E) est le nombre de coups mesur´es (signal+bruit), d´ependant de l’´energie, alors, la variation statistique moyenne (´ecart-type) de cette valeur est de pN(E). La significativit´e du signal (en multiple de l’´ecart-type) est donc :

nσ =

S(E)

pS(E) + B(E) (1.2)

A l’inverse, la sensibilit´e d’un instrument peut ˆetre mesur´ee par le niveau de signal n´eces- saire pour atteindre une certaine significativit´e (typ. 3σ). L’´equation pr´ec´edente se r´esout alors en :

Smin(E) = nσpB(E)

à nσ 2pB(E) + s n2 σ 4B(E) + 1 ! (1.3) G´en´eralement, les instruments γ sont domin´es par le bruit de fond et nσ ¿ 2pB(E) donc

Smin(E) s’exprime par :

Smin(E)≈ nσpB(E) (1.4)

D’autre part, si F (E, Ω) est le flux du signal incident par unit´e de temps et de surface `a l’´energie E et dans la direction Ω, alors :

S(E) = Aef f(E, Ω)F (E, Ω)Tobs, (1.5)

o`u Aef f(E, Ω) est la surface efficace de d´etection et Tobs le temps d’observation. De mˆeme,

on peut d´efinir fB(E, Ω), le flux incident de bruit de fond, par unit´e d’´energie, de temps,

de surface et d’angle solide :

B(E) = fB(E, Ω)Aef f(E, Ω)Tobs∆E∆Ω, (1.6)

o`u ∆E est la r´esolution ´energ´etique de l’instrument et ∆Ω sa r´esolution angulaire. Ce terme correspond donc au bruit de fond induit dans le champ de vue de l’instrument

(provenant de la mˆeme direction que le signal). Cependant, l’instrument lui-mˆeme est une source de rayonnement γ et, de plus, les collimateurs ne stoppent g´en´eralement pas 100% du flux incident. Il faut donc ajouter une fonction de bruit de fond, d´ependant de la g´eom´etrie de l’instrument, du flux ambiant sur le satellite, etc., mais g´en´eralement ind´ependante de la r´esolution angulaire :

B(E) = (fB(E, Ω)Aef f(E, Ω)∆Ω + α(E, Ω)) Tobs∆E (1.7)

Finalement, le flux minimum d´etectable par l’instrument peut s’exprimer par (`a partir de l’eq. 1.4) :

Fmin(E, Ω) = nσ

s

(fB(E, Ω)∆Ω + α(E, Ω)/Aef f(E, Ω)) ∆E

Aef f(E, Ω)Tobs

(1.8)

D’apr`es (1.8), un instrument sera d’autant plus sensible que sa surface efficace est grande (´evidemment !). Augmenter le temps d’observation am´eliore aussi la sensibilit´e. N´eanmoins, le temps caract´eristique d’une observation spatiale en γ est de 106 s (`a peu

pr`es deux semaines), am´eliorer la sensibilit´e d’un facteur 10 par ce biais uniquement n´eces- siterait donc 108 s d’exposition, soit plus de 3 ans ! La mˆeme formule semble aussi montrer

que de bonnes r´esolutions ´energ´etiques (pour une raie fine) et angulaire (source ponctuelle) am´eliore la sensibilit´e. Il faut cependant avoir `a l’esprit que suivant les techniques utili- s´ees, l’am´elioration de la r´esolution (angulaire ou ´energ´etique), influe sur d’autres termes de la formule (1.8). Par exemple, la r´esolution angulaire d’un t´elescope `a masque cod´e peut ˆetre, en principe, augment´e en pla¸cant le masque plus loin du d´etecteur (mˆeme si en pratique, d’autres effets interviennent, notamment la r´esolution spatiale du plan de d´e- tection). Suivant ce cas d’´ecole et en consid´erant le mˆeme nombre d’´ev`enements de bruit de fond dans les d´etecteurs, la diminution de ∆Ω induit une augmentation de fB(E, Ω)

dans les mˆemes proportions.

D’autre part, le flux incident de bruit de fond par l’ouverture (fB(E, Ω)) ne peut pas

ˆetre r´eduit par l’instrument. N´eanmoins, dans beaucoup de d´etecteurs, la production locale et les “fuites” du blindage (α(E, Ω)) dominent le bruit de fond. De plus, ces param`etres sont fortement li´es :

– L’am´elioration de la r´esolution angulaire (∆Ω) par des collimateurs et une modu- lation d’ouverture (t´elescopes `a masques cod´es par exemple) n´ecessite beaucoup de mat´eriel et augmente donc, entre autres, le bruit de fond interne (α(E, Ω)).

– Certaines techniques de discrimination spatiale des ´ev`enements (chambres `a ´etin- celles ou assimil´es, t´elescope Compton) permettent d’avoir un bruit de fond induit (α(E, Ω)) relativement bas mais g´en´eralement au d´etriment de la surface efficace (Aef f)

– Les instruments γ ne focalisant pas (encore !) le faisceau incident, l’augmentation de la surface efficace passe par l’augmentation du volume du d´etecteur et donc de α. . .

– Les spectrom`etres germanium offrent aujourd’hui la meilleure r´esolution ´energ´etique ∆E. Cependant, leur efficacit´e de d´etection Aef f(E, Ω) n’est suffisante que pour des

volumes importants (augmentation de α(E, Ω)). – . . .

La conception d’un t´elescope γ n´ecessite donc une optimisation de tous ces param`etres en fonction des technologies existantes et de l’objectif de la mission.

L’impossibilit´e actuelle de focaliser les rayonnements γ demande des id´ees originales pour la fabrication des t´elescopes observant au-dessus de quelques keV. Parmi les tech- nologies actuellement disponibles dans ce domaine (quelques keV `a quelques MeV), les meilleures performances d’imagerie du ciel γ ont ´et´e obtenues par principalement deux types de t´elescopes :

– les t´elescopes `a modulation d’ouverture – les t´elescopes Compton

1.2.1.1 Les t´elescopes `a modulation d’ouverture

La r´esolution angulaire d’un t´elescope peut ˆetre sensiblement am´elior´ee en modulant le signal incident, temporellement ou spatialement. Cette modulation (qui doit donc ˆetre parfaitement d´etermin´ee) est effectu´ee en bloquant les rayons incidents.

La modulation temporelle la plus simple consiste `a utiliser la Terre ou la Lune comme masque. Connaissant les positions relatives du satellite et de l’astre, il est possible de d´eterminer la position de la source `a partir de la modulation du signal. Cette technique a ´et´e utilis´ee avec succ`es par SMM [Purcell et al., 1989] et BATSE [Harmon et al., 1992]. Le d´esavantage de cette m´ethode est que les sources observables d´ependent de l’orbite du satellite, et peu le sont `a un instant donn´e.

Pour contourner ce probl`eme d’observabilit´e, certains instruments ont ´et´e ´equip´es de grilles et collimateurs tournants permettant de moduler le signal incident. L’image peut alors ˆetre reconstruite par d´econvolution de Fourier des ´ev`enements d´etect´es. Cette technique est assez peu utilis´ee pour la conception d’instruments spatiaux γ (d´etecteurs WATCH de l’observatoire GRANAT [Lund, 1986]). Notons qu’une autre variante, plus basique, de la modulation temporelle, consiste `a “balayer” le ciel avec l’instrument. La position des sources peut alors ˆetre d´etermin´ee `a partir de leur apparition/extinction en fonction de la r´eponse angulaire de l’instrument. Cette technique est souvent utilis´ee telle quelle par des exp´eriences ballons ou comme am´elioration de la r´esolution angulaire d’autres techniques (p.ex. masques cod´es d’INTEGRAL).

L’imagerie par modulation spatiale est obtenue en utilisant un masque cod´e, alternance de zones opaques et transparentes, couvrant le champ de vue. Connaissant la structure du masque et l’ombre projet´ee sur une matrice de d´etecteurs, la direction de la source peut ˆetre calcul´ee (principe du st´enop´e) [Skinner et al., 1987]. Un des avantages de cette m´e- thode est la mesure simultan´ee du bruit de fond et du signal (pour une source ponctuelle) en fonction des zones ´eclair´ees ou masqu´ees (cf. fig 1.6 page ci-contre).

SIGMA Le premier grand t´elescope `a masque cod´e fut SIGMA, `a bord de l’observatoire spatial GRANAT [Paul et al., 1991]. Cet instrument a ´et´e op´erationnel de 1989 `a 1995, le principal objectif scientifique ´etant le centre galactique dans la bande 35 keV-1 MeV.

INTEGRAL Le satellite INTEGRAL (INTErnational Gamma-Ray Astrophysics La- boratory), lanc´e en octobre 2002, est enti`erement consacr´e `a l’observation `a haute ´energie.

Fig. 1.6: Principe du t´elescope `a masque cod´e. En traversant le masque (zones transpa- rentes et opaques), les rayons γ forment une ombre sur le plan de d´etection. Connaissant la forme de cette ombre, il est possible de d´eterminer la direction de la source.

Les deux instruments principaux sont des t´elescopes `a masques cod´es : IBIS, d´edi´e `a l’ima- gerie haute r´esolution, et SPI, plus performant en spectroscopie. Une description compl`ete de cet observatoire, ainsi que les premi`eres performances en vol peuvent ˆetre trouv´ees dan Winkler et al. [2003] et les articles suivants de ce num´ero sp´ecial.

Le masque d’IBIS est constitu´e de 53x53 ´el´ements opaques et transparents. Associ´e `a deux plans de d´etection superpos´es (4096 barres de scintillateurs CsI surmont´es de 16384 d´etecteurs CdTe), la r´esolution angulaire est de 12 secondes d’arc (champ de vue enti`erement cod´e de 9◦). `A 1 MeV, la sensibilit´e de raie est de 4 10−4 ph/s/cm2 (temps

d’exposition de 106 s) avec une r´esolution ´energ´etique de 10%. Une description d´etaill´ee

d’IBIS peut ˆetre trouv´ee dans Ubertini et al. [2003].

SPI utilise un masque de 63 ´el´ements hexagonaux en tungst`ene. Le plan de d´etection est un ensemble de 19 d´etecteurs germanium hexagonaux avec une tr`es bonne r´esolution spectrale (∆E/E ≈ 0, 2% entre 20 keV et 8 MeV). `A 1 MeV, la sensibilit´e pour une raie est de 3 10−5 ph/s/cm2 [Roques et al., 2003]. Le champ de vue (enti`erement cod´e) est de

15◦ avec une r´esolution angulaire de 2(cette derni`ere valeur est en fait tr`es d´ependante

du flux de la source et de l’algorithme de reconstruction utilis´e). Le cryostat des d´etecteurs est fabriqu´e en b´eryllium afin de minimiser le bruit de fond, notamment l’activation de la raie `a 511 keV. Toujours pour r´eduire le bruit de fond, le plan de d´etection et le collimateur (entre le masque et les d´etecteurs) sont prot´eg´es par un blindage actif de 511 kg de BGO (`a titre de comparaison, les 19 d´etecteurs p`esent 20 kg).

Ces deux instruments (IBIS et SPI) repr´esentent aujourd’hui les meilleures perfor- mances r´ealisables avec un masque cod´e (imagerie pour IBIS, spectrom´etrie et sensibilit´e pour SPI). Ces deux exemples montrent bien le compromis entre r´esolution angulaire et sensibilit´e des instruments γ et il est peu probable que la technologie des masques cod´es am´eliore encore notablement les performances d’INTEGRAL (principalement en raison du bruit de fond induit dans le mat´eriel passif).

1.2.1.2 Les t´elescopes Compton

Au-dessus d’environ 1 MeV, l’interaction la plus probable d’un photon avec un mat´e- riau est une interaction Compton. Dans ce type de diffusion, le photon c`ede une partie de son ´energie `a un ´electron (´energie de recul). Par conservation de la quantit´e de mouve- ment, le photon est d´evi´e d’un angle d´ependant de son ´energie initiale et de la perte dans l’interaction : ϕ = arccos · 1− mec2 µ 1 Er − 1 Etot ¶¸ , (1.9)

o`u ϕ est l’angle de diffusion, mec2 est l’´energie de masse de l’´electron (511 keV), Er est

l’´energie transf´er´ee `a l’´electron (´energie de recul) et Etot est l’´energie totale du photon

incident. La reconstruction de l’angle de diffusion n´ecessite donc la connaissance de deux ´energies : l’´energie de recul et l’´energie totale du photon incident. Ce principe est `a la base des t´elescopes Compton, illustr´e par la figure 1.7. Le t´elescope est constitu´e de deux

Fig. 1.7: Principe du t´elescope Compton. Au-dessus d’1 MeV, l’interaction la plus pro- bable est une diffusion Compton. Connaissant les ´energies d´epos´ees dans les deux plans de d´etection, la source du photon peut ˆetre localis´ee sur un cercle.

plans de d´etection. Le premier est optimis´e pour provoquer une (et une seule !) interac- tion Compton et mesurer ainsi l’´energie de recul E1. Dans un deuxi`eme temps, l’´energie

r´esiduelle du photon est d´etect´ee E2. Dans le cas id´eal, Er= E1 et Etot = E1+ E2, l’angle

de diffusion est donc ainsi reconstitu´e. D’autre part, la connaissance de la direction de diffusion (χ, ψ sur le sch´ema) doit ˆetre d´etermin´ee grˆace `a des d´etecteurs permettant de reconstruire la position de l’interaction dans les deux plans de d´etection (matrices de d´etecteurs et/ou intensit´es relatives de plusieurs photomultiplicateurs d’un mˆeme scin- tillateur). Connaissant ces trois angles (χ, ψ, ϕ), la direction de la source est contrainte sur un cercle (voir fig 1.7). La reconstruction de la direction exacte n´ecessite donc plu- sieurs observations suivant des angles de diffusion ou des ´energies diff´erentes. Notons que la connaissance de la direction de recul de l’´electron permettrait de lever l’incertitude de r´evolution et fait l’objet de nombreux d´eveloppements actuels des d´etecteurs Compton.

Deux techniques permettent de r´eduire consid´erablement le bruit de fond des t´elescopes Compton sans avoir recours `a de lourds blindages :

– Afin de maximiser la probabilit´e d’interaction Compton, le premier plan de d´etec- tion est g´en´eralement constitu´e d’un mat´eriau l´eger (scintillateurs organiques). Une discrimination sur la forme du pulse d´etect´e permet alors de rejeter les ´ev`enements induits par les neutrons.

– L’´ev`enement dans le plan de diffusion doit pr´ec´eder la d´etection dans le deuxi`eme plan. D`es lors, les ´ev`enements dont le temps de vol (temps entre les deux int´eractions) n’est pas compatible avec l’ordre et la distance des d´etecteurs sont rejet´es.

N´eanmoins, les ´energies mesur´ees sont souvent incompl`etes (interactions multiples dans le premier plan, d´epˆot partiel d’´energie dans le second) et induisent donc une incertitude dans la d´etermination de l’angle de diffusion ϕ. D’autre part, la direction de diffusion est elle aussi entach´ee d’une erreur due `a la r´esolution spatiale des plans de d´etection. Ces erreurs conduisent `a une pr´ecision angulaire de l’ordre de 2,0◦ `a 1 MeV et de 1,5au-dessus

de 4 MeV (d’apr`es Sch¨onfelder [2001, p. 54]). Ces instruments poss`edent cependant un tr`es grand champ de vue (typ. 1 str), et sont donc bien adapt´es `a une cartographie globale du ciel γ.

Le dernier t´elescope spatial Compton, et le plus performant `a ce jour, ´etait l’instrument COMPTEL `a bord du satellite CGRO, ayant vol´e de 1991 `a 2000. La gamme d’´energie s’´etendait de 0,7 `a 30 MeV, sa r´esolution angulaire variant de 3,5◦ `a 500 keV jusqu’`a

1,25◦ `a 10 MeV. Les surfaces g´eom´etriques du plan de diffusion ´etaient respectivement de

4200 et 8750 cm2. N´eanmoins, la surface efficace de l’instrument se r´eduit `a 10-50 cm2 (la

valeur exacte d´epend de la configuration des ´ev`enements retenus ainsi que de leur ´ener- gie). Ces surfaces efficaces conduisent `a des sensibilit´es de quelques 10−5 ph/s/cm2 pour

deux semaines d’observation. Sch¨onfelder et al. [1993] propose une description d´etaill´ee de l’instrument COMPTEL.

Parmi les t´elescopes γ, les instruments Compton sont probablement ceux qui b´en´e- ficient du plus d’efforts dans le d´eveloppement de d´etecteurs plus efficaces et avec une meilleure r´esolution angulaire. N´eanmoins, si les t´elescopes Compton sont bien adapt´es `a une couverture globale du ciel, leur principe mˆeme ne semble pas aujourd’hui pouvoir aboutir `a des r´esolutions angulaires inf´erieures `a quelques dizaines de minutes d’arc (limite Doppler, voir Zoglauer et Kanbach [2003]).