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Un principe vain en cas d’ouverture de la PMA à toutes les femmes

Le projet d’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires a remis la question de l’anonymat sur le devant de la scène. En effet, cette réforme constituerait un profond bouleversement du droit de la procréation médicalement assistée. En mettant un terme au modèle « ni vu ni connu » (I) au profit d’un nouveau modèle axé sur un principe de responsabilité (II), cette réforme pourrait réduire à néant ce qui fait aujourd’hui la justification principale du principe d’anonymat des dons de gamètes et pourrait ainsi conduire à sa disparition.

I/ La fin du « ni vu ni connu »

Le droit de la procréation médicalement assistée est aujourd’hui gouverné par le modèle « ni vu ni connu ». Ce modèle est déjà largement remis en cause (A) mais l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes permettrait de réellement mettre un terme à cette fiction de « pseudo-procréation charnelle » qui encadre aujourd’hui l’engendrement avec tiers donneur (B).

178 Association Procréation Médicalement Anonyme, Qui sommes-nous [en ligne], disponible sur : < http://pmanonyme.asso.fr/?page_id=22 >, (consulté le 23 avril 2018)

179 Association Procréation Médicalement Anonyme, Témoignages de personnes conçues par don [en ligne],

64 A) Un modèle de plus en plus remis en cause

De nombreux pays ont abandonné le modèle « ni vu ni connu ». Rapidement, de nombreuses « fissures »180 sont apparues, venant remettre en cause ce modèle, y compris en droit français. En effet, ce modèle vise à faire comme si le donneur n’avait jamais existé, comme s’il n’y avait pas eu de don et que l’enfant était né grâce à une procréation naturelle. Néanmoins, en voulant protéger à tout prix le donneur de toute paternité, la loi est venue créer une sorte de statut particulier du donneur, révélant ainsi bel et bien l’existence d’un donneur que l’on souhaitait pourtant cacher. Pour Irène Théry et Anne-Marie Leroyer, il s’agit là d’une « amorce de

reconnaissance d’une pratique sociale nouvelle : l’engendrement avec tiers donneur »181. De plus, la considération des besoins de l’enfant est également venue remettre en cause le modèle « ni vu, ni connu ». En effet, au départ, les professionnels de santé conseillaient de ne pas dire à l’enfant qu’il était né grâce à une AMP. Mais petit à petit, les médecins ont abandonné cette attitude et, en considération des besoins de l’enfant désormais, se sont mis à inciter les parents à révéler la vérité à leur futur enfant182.

Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme en faveur d’un droit d’accès à ses origines183 ainsi que le fait que, dans les pays ayant déjà abandonné le principe, la levée de l’anonymat n’ait pas conduit aux conséquences redoutées, notamment celle de voir un jour le donneur devenir un père malgré lui, ont également participé à la remise en cause de ce modèle184.

Le modèle « ni vu ni connu » étant aujourd’hui remis en cause pour toutes ces raisons, le principe d’anonymat des dons de gamètes, autrefois justifié principalement par cette volonté de maintenir la fiction d’une « pseudo-procréation charnelle », n’a plus réellement de raison d’être. L’ouverture de la procréation médicalement assistées aux couples de femmes et aux femmes célibataires risque d’ailleurs de conduire à sa disparition définitive.

B) La disparition inévitable du modèle en cas d’ouverture de la PMA à toutes les femmes

Le modèle « ni vu ni connu » régissant le droit de la procréation médicalement assisté a pour but de faire passer le père stérile pour le père biologique de l’enfant. L’objectif jusqu’à présent toujours défendu par le législateur est de faire comme si les parents d’intention de l’enfant étaient ses parents biologiques.

180 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, Paris : Odile Jacob, 2014, p.174 et s.

181 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, Paris : Odile Jacob, 2014, p.174

182 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, Paris : Odile Jacob, 2014, p.175

183 CEDH, Cour (Grande Chambre), Odièvre c. France, 13 février 2003, n° 42326/98

184 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

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Avec l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires, la logique va nécessairement devoir être modifiée. En effet, il ne sera pas possible de maintenir l’existence de cette fiction, de cette « pseudo-procréation charnelle », puisqu’un couple de femmes ou une femme seule ne peuvent pas procréer « naturellement », sans l’intervention d’un homme. Dans des cas comme ceux-là, il sera évidemment impossible de garder secrète l’intervention d’un tiers donneur. Il conviendra donc d’assumer ce nouveau mode de procréation et, pour ne pas faire de distinction selon l’orientation sexuelle du couple ou l’existence ou non d’un compagnon, cela aura des conséquences qui se répercuteront également sur les couples hétérosexuels recourant à une procréation médicalement assistée. La fin de cette logique du secret et du mensonge permettra à la France de pouvoir s’aligner sur le droit des autres pays et sonnera le glas du principe d’anonymat absolu des donneurs de gamètes. Chacun devra alors assumer sa place et répondre de ses actes.185

II/ L’émergence d’un principe de responsabilité

Avec la fin du modèle « ni vu ni connu » qui gouvernait jusqu’à présent tout le droit de la procréation médicalement assistée, un nouveau modèle va devoir être mis en place. Ce nouveau modèle pourrait ainsi reposer sur un « principe de responsabilité »186.

Beaucoup d’états ont déjà adopté ce type de modèle en choisissant d’abandonner la logique du secret et le principe d’anonymat, et en ouvrant la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

Le principe de responsabilité en matière de procréation médicalement assistée consiste à assumer le fait d’avoir recours à un donneur pour concevoir un enfant. Ainsi, si la Société autorise le don d’engendrement, elle ne doit pas chercher à le dissimuler187. Au contraire, elle doit l’assumer. Le principe de responsabilité prend en compte l’ensemble des protagonistes. Il permettra à la fois d’accompagner les parents, de valoriser le rôle du donneur et d’assurer à l’enfant la possibilité d’accéder à ses origines188. Il permettra également de passer d’une logique du « ou » à une logique du « et » en inscrivant les parents d’intention et le donneur dans un rapport de complémentarité et non plus de rivalité189.

185 Entretien avec Irène THERY, Propos recueillis par Marc-Olivier PADIS, Bioéthique et anonymat des dons : le

projet Bachelot esquive l'essentiel, Esprit, novembre 2010, n°11, p. 171-175

186 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, Paris : Odile Jacob, 2014, p.177

187 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, pour le collectif pluridisciplinaire « Filiation, origines, parentalité »,

Reconnaître et accompagner les familles issues de don [en ligne], p. 3, disponibles sur : <

https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/media/default/0001/01/8c07a677e904c0a045a48f82730ba435aedfef3a.pdf

>, (consulté le 29/05/2018)

188 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, pour le collectif pluridisciplinaire « Filiation, origines, parentalité »,

Reconnaître et accompagner les familles issues de don [en ligne], p. 3, disponibles sur : <

https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/media/default/0001/01/8c07a677e904c0a045a48f82730ba435aedfef3a.pdf

>, (consulté le 29/05/2018)

189 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

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Ainsi, avec l’émergence de ce nouveau principe de responsabilité en France, le principe d’anonymat des dons de gamètes devrait être supprimé et remplacé par une logique de transparence permettant d’avoir accès à un certain nombre d’informations concernant l’identité du donneur.

Chapitre 2 : Le choix de la transparence sur l’identité du donneur

Avec l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires et la fin du modèle « ni vu ni connu », le législateur français va devoir assumer l’engendrement avec tiers donneur et faire le choix de la transparence afin de lever l’anonymat du donneur. Toutefois, l’accès aux origines devra rester un choix et non une obligation, laissé prioritairement à la discrétion de l’enfant (Section 1). Par ailleurs, afin d’éviter les dérives que pourrait engendrer une levée d’anonymat non encadrée, il faudra veiller à ce qu’aucun lien juridique ne puisse être établi entre les donneurs et les enfants nés de dons et déterminer quels types d’informations relatives au donneur pourront être communiquées (Section 2).