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Le droit à l’enfant a toujours fait l’objet de nombreuses controverses (I). Cependant, l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes va conduire à l’admission des procréations médicalement assistées de convenance ce qui entrainera, de fait, l’apparition d’un certain droit à l’enfant en France. Cette reconnaissance du droit à l’enfant risque d’avoir un certain nombre de conséquences notamment celle de l’accroissement du nombre d’enfants nés de PMA et une féminisation de la parentalité (II).

I/ Le droit à l’enfant, un droit largement controversé

Ouvrir la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires revient à admettre qu’un certain droit à l’enfant existe puisque le seul désir d’une ou plusieurs personnes suffit pour pouvoir accéder aux techniques de procréations artificielles.

Actuellement, c’est déjà le désir du couple qui conduit ce dernier à recourir aux procréations médicalement assistées. Toutefois, comme la procréation médicalement assistée n’est pas ouverte à tous, cela génère des inégalités entre les couples qui peuvent avoir un enfant simplement parce qu’ils le désirent – les couples hétérosexuels sans infertilité pathologique – et ceux qui ne le peuvent pas c’est-à-dire ceux à qui la PMA n’est pas ouverte. Ainsi, ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires et reconnaitre l’existence d’un droit à la PMA permettrait de mettre fin à cette inégalité puisque la loi accorderait à ceux qui ont font la demande, sans considération de leur orientation sexuelle et de leur conjugalité, la possibilité

https://www.lemonde.fr/famille-vie-privee/article/2015/12/28/pma-les-medecins-face-a-un-paradoxe-qui- confine-a-l-absurdite_4838664_1654468.html >, (consulté le 25/05/2018)

89 HCEfh, Avis n°2015-07-01-SAN-17, 26 mai 2015, « Contribution au débat sur l’accès à la PMA », p.14 90 Article 511-9 Code pénal

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d’avoir un enfant. Même si le législateur n’emploiera certainement jamais cette expression, la possibilité de recourir à des procréations médicalement assistées de convenance constitue bel et bien la consécration implicite d’un droit à l’enfant.

Avec cette réforme, une étape importante dans le droit français pourrait donc être franchie puisque le législateur a, jusqu’à présent, toujours refusé d’admettre l’existence d’un droit à l’enfant au nom de l’intérêt de l’enfant. Lors des révisions des lois bioéthiques de 2011, il avait d’ailleurs justifié le maintien de la différence de traitement entre les couples de même sexe et les couples de sexe différent par ce refus net de consacrer un droit à l’enfant91.

Ainsi, même si le droit à l’enfant ne sera sans doute pas consacré clairement, son existence sera néanmoins implicitement reconnue. La France se calquera ainsi sur la position de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a, elle aussi, toujours refusé d’admettre l’existence d’un droit à l’enfant92 mais qui admet en revanche le droit des couples à concevoir un enfant par procréation médicalement assistée93.

En ne reconnaissant pas explicitement l’existence d’un droit à l’enfant, la France se protégera ainsi des revendications relatives à la légalisation de la gestation pour autrui, une pratique de procréation artificielle, éthiquement beaucoup plus problématique que les autres.

Par ailleurs, des craintes relatives à cette reconnaissance d’un droit à l’enfant consécutive à l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires existent. Une telle réforme pourrait conduire à un accroissement important du nombre d’enfants nés de procréation médicalement assistées et à une certaine « féminisation » de la parentalité.

II/ L’accroissement du nombre d’enfants nés de PMA et la féminisation de la

parentalité

Avec l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires, le nombre de bénéficiaires potentiels va considérablement augmenter. En effet, ces techniques pourront être utilisées non seulement par les femmes célibataires, les couples de femmes, les couples hétérosexuels présentant une infertilité pathologique médicalement diagnostiquée ou une maladie grave mais également par tous les couples hétérosexuels qui ne parviennent pas à concevoir un enfant naturellement. Si le nombre de bénéficiaires potentiels va considérablement augmenter, le nombre d’enfants nés de procréation médicalement assistée va en faire de même.

91 OMARJEE Ismaël, MONÉGER Françoise, ROY Odile, Chronique de droit européen et comparé n°XXXII, Les

petites affiches, 23/04/2015, n° 81, p. 4

92 CEDH, Grande Chambre, 24 janvier 2017, n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie : « La Convention ne

consacre aucun droit de devenir parent »

93 CEDH, Grande Chambre, Dickson c/ Royaume-Uni, n° 44362/04, 4 déc. 2007 (accès à la PMA dans le cadre

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La société va ainsi évoluer et une véritable génération d’enfants issus de procréation médicalement assistée va se mettre en place. Même si le nombre d’enfants nés de don restera minoritaire, ils occuperont une place de plus en plus importante. Cela va constituer un bouleversement de notre société et notamment du fameux « modèle bioéthique français » qui aura du mal à résister à cette influence.

De plus, les techniques d’assistances médicales à la procréation risquent d’être d’autant plus utilisées que, corrélativement à l’ouverture prochaine de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, on observe depuis plusieurs années une baisse de la natalité dans la société française due, notamment, à une diminution de la fécondité chez la femme française94. Ainsi, plus les années passent et moins la femme est féconde, il est donc probable que cela entraine une recrudescence des recours aux techniques de procréations assistées.

Toutefois, cette hypothèse d’un accroissement important des personnes nées de don est néanmoins à relativiser car, dans les pays qui ont déjà ouvert la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, il n’y a pas eu de réels bouleversements. En effet, ce n’est pas parce que cela est permis que tout le monde y recoure. De plus, les dons sont rares et sont déjà actuellement bien inférieurs à la demande.

Par ailleurs, une autre crainte relative à l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes pourrait être soulevée : celle de la féminisation de la parentalité. En effet, en cas d’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, il est possible d’imaginer qu’un certain nombre d’entre elles n’attendra plus de rencontrer un compagnon pour satisfaire leur désir d’enfant ce qui pourrait ainsi conduire à une augmentation significative du nombre de familles monoparentales dont le seul parent serait la mère. De plus, il est possible d’imaginer qu’aujourd’hui, un certain nombre de femmes homosexuelles souhaitant fonder une famille et avoir des enfants, préfèrent se mettre en couple avec un homme, mettant ainsi de côté leur réelle orientation sexuelle pour pouvoir satisfaire leur désir de devenir mère un jour. Ouvrir la procréation médicalement assistée aux couples de femmes permettrait de mettre fin à ce phénomène et augmenterait, par conséquent, le nombre de couples de femmes et donc le nombre de parents féminins potentiels. Cette féminisation de la parentalité risquerait donc elle aussi de bouleverser un peu plus le « modèle bioéthique français ».

A côté de ces craintes d’ordre sociétal, l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires va également poser la question du maintien ou non de sa prise en charge par la Sécurité Sociale.

Section 3 : La question du maintien de la prise en charge par la Sécurité