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La loi du 17 mai 2013 a ouvert l’adoption aux couples de même sexe et a notamment autorisé l’adoption de l’enfant du conjoint de même sexe207. Cette loi n’a pas autorisé l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux personnes de même sexe cependant la jurisprudence française a reconnu la possibilité d’adopter l’enfant de sa conjointe, issu d’une procréation médicalement assistée faite à l’étranger (I). Toutefois, l’utilisation de l’adoption pour établir la filiation d’un enfant conçu par procréation médicalement assistée n’est pas vraiment adaptée et ne répond pas aux attentes des différents protagonistes (II).

I/ Une possibilité désormais admise par la jurisprudence pour les couples de

même sexe

De nombreux pays tels que la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne reconnaissent la possibilité, pour la conjointe, d’adopter l’enfant issu d’une insémination artificielle avec tiers donneur. Cette possibilité d’adoption permet de reconnaitre et de sécuriser le lien qui unit la conjointe de la femme qui accouche et l’enfant conçu par procréation médicalement assistée208. En France, comme rien n’était prévu par le législateur quant à l’adoption de l’enfant issu de PMA à l’étranger par la conjointe de la mère et qu’il n’y avait pas de consensus entre les différentes juridictions sur la question, la Cour de cassation a été saisie pour avis. Dans deux avis du 22 septembre 2014209, la Haute-Juridiction a déclaré que « le recours à l’assistance

207 FRANCE, PARLEMENT, Article 8, Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de

personnes de même sexe, JORF n°0114 du 18 mai 2013

208 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, Paris : Odile Jacob, 2014, p. 197

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médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ». Ainsi, la Cour de cassation admet l’adoption par l’épouse

de la mère de l’enfant conçu à l’étranger grâce à une AMP avec tiers donneur, alors même que le recours à ce type de technique est clairement interdit en France pour les couples de femmes. Toutefois, si cette possibilité est rassurante pour les couples de femmes souhaitant recourir à une procréation médicalement assistée à l’étranger, elle pose un problème quant à sa légalité et notamment quant à la question de l’existence d’une potentielle fraude à la loi. De plus, elle entretient une différence de traitement entre les couples de même sexe qui doivent obligatoirement passer par cette procédure d’adoption, et les couples de sexe différent qui peuvent se contenter d’établir leur filiation par une simple présomption.

Par ailleurs, le procédé d’adoption est inadapté dans le cadre de la procréation médicalement assistée car il ne répond pas à la même logique.

II/ L’inadéquation de la filiation adoptive dans le cadre de la PMA

L’utilisation du procédé de l’adoption n’est pas adaptée dans le cadre de la procréation médicalement assistée puisque celle-ci ne répond ni à la logique, ni à la rigueur de l’institution210.

En effet, l’assistance médicale à la procréation établit une filiation d’origine, elle vise à faire naitre un enfant, alors que l’adoption est censée venir établir la filiation d’une personne déjà née, d’une personne ayant déjà un vécu, une histoire derrière elle. C’est d’ailleurs pour cela que le processus d’adoption est très long.

De plus, les conditions relatives à l’adoption sont inadaptées aux procréations médicalement assistées. En effet, en cas d’adoption, la femme qui accouche de l’enfant doit donner son consentement à l’adoption et elle a la faculté de se rétracter. Cette condition se conçoit assez mal dans le cadre de la procréation médicalement assistée car ce procédé résulte d’un projet parental engagé conjointement par les deux membres du couple211. Offrir la possibilité, à la femme qui accouche, de refuser de donner son consentement à l’adoption constituerait une injustice pour le second membre du couple. En effet, ce dernier, même s’il n’a pas porté l’enfant, reste un « co-engendreur »212 puisqu’il a participé à toutes les étapes du projet parental et donc à l’engendrement, à la différence d’un adoptant.

210 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, Paris : Odile Jacob, 2014, p. 197-198

211 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, Paris : Odile Jacob, 2014, p. 197-198

212 THERY Irène et LEROYER Anne-Marie, FILIATION, ORIGINES, PARENTALITE : Le droit face aux

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L’adoption n’est donc pas le mode d’établissement de filiation le plus adapté dans le cadre de la procréation médicalement assistée.

Puisque les modes d’établissement de filiation existants n’apparaissent pas satisfaisants dans le cadre des procréations médicalement assistées, il apparait nécessaire de créer un troisième mode d’établissement de filiation, propre à l’assistance médicale à la procréation.

Chapitre 2 : La nécessaire création d’un nouveau mode

d’établissement de la filiation

Les modes d’établissement de la filiation que nous connaissons actuellement en droit français ne sont pas adaptés aux procréations médicalement assistées. Face aux évolutions de la société et à l’existence de nouvelles formes familiales, la conception de la sphère familiale a changé (Section 1). Il apparait à présent nécessaire de créer un nouveau mode d’établissement de la filiation qui tienne compte de ces évolutions et qui rétablisse enfin la vérité quant au mode de conception, sans la cacher aux personnes conçues par procréation médicalement assistée (Section 2).