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Principe des modèles biogéochimiques

Chapitre I : État des connaissances - Les hypoxies dans l’estuaire de la Gironde

3. Les modèles biogéochimiques des écosystèmes aquatiques

3.1. Principe des modèles biogéochimiques

3.1. Principe des modèles biogéochimiques

Afin de reproduire de manière réaliste les cycles biogéochimiques de l’écosystème aquatique, il est important de porter une attention aux différents forçages qui s’appliquent. Le couplage du modèle biogéochimique à un modèle hydrodynamique est essentiel afin d’avoir une représentation réaliste de la dynamique des éléments biogéochimiques (Peña et al., 2010). Selon les environnements et les processus biogéochimiques qui s’y déroulent, il peut être aussi nécessaire de coupler les modèles biogéochimiques avec un modèle de transport sédimentaire (dépôt, remise en suspension, floculation des particules ; Cugier et Le Hir, 2002), avec un modèle diagénétique (réactions biogéochimiques qui ont lieu dans la couche sédimentaire ; Soetaert et al., 2000 ; Soetaert et Middelburg, 2009) ou avec un modèle de dynamique de populations biologiques (trophie, développement d’une espèce ; Blauw et al., 2008).

Les modèles biogéochimiques varient suivant les processus représentés : de la croissance du phytoplancton vu comme une seule entité homogène pour les plus simples à la description détaillée de plusieurs compartiments du réseau trophique pour les plus complexes. Les premiers modèles biogéochimiques du milieu aquatique consistaient en un modèle NPZ (Nutriments, Phytoplancton, Zooplancton ; Steele, 1962), puis les détritus ont été ajoutés dans les modèles NPZD (Nutriments, Phytoplancton, Zooplancton, Détritus). Le nombre de variables d’état peut être augmenté en divisant les compartiments en sous-groupes. Par exemple, en prenant en compte différents types de phytoplancton (comme les diatomées, cyanobactéries, dinoflagellés …), de zooplancton (comme les micro- et méso- zooplancton) et de nutriments (l’ammonium, les nitrates, le phosphate et les silicates) (Billen et al., 1994). De plus, si l’on s’intéresse au cycle complet de plusieurs éléments (carbone, azote, phosphore, oxygène dissous), des compartiments tels que la matière organique dissoute/particulaire carbonée, azotée, et phosphorée pourront être ajoutés (Peña et al., 2010). Lors de la construction du modèle biogéochimique, en plus de devoir choisir le nombre et le type de variables, il est nécessaire de choisir les processus les plus significatifs et les formulations qui permettront de simuler au mieux les interactions entre chacune des variables. Ces choix sont faits en fonction de la problématique scientifique et de la zone d’étude. Les connaissances de l’écosystème et les mesures expérimentales réalisées in-vitro ou in-situ sont alors extrêmement utiles pour choisir les variables, les processus et leurs formulations.

39 Dans le cas d’un système eutrophe et stratifié, il sera important de bien représenter la

photosynthèse et les processus de croissance et de mortalité du phytoplancton. De plus les processus liés à l’activité du zooplancton pourront être décrits (la croissance, la prédation, le broutage et la mortalité) par le modèle. Inversement, pour un système turbide et mélangé, la photosynthèse ne sera pas toujours utile à simuler ; par contre la dynamique de la matière en suspension devra généralement être prise en compte. Les processus simulés généralement dans les modèles pour chacune des variables sont détaillés dans le tableau I.6.

Tableau I.6 : Les processus associés pour chaque variable d’état dans la colonne d’eau.

Variables Processus

Phytoplancton production (ou photosynthèse), broutage par le zooplancton,

respiration, sédimentation et mortalité du phytoplancton.

Zooplancton broutage du phytoplancton, respiration, excrétion, mortalité et

prédation. Carbone organique

particulaire (COP) respiration du phytoplancton et hydrolyse

Carbone organique

dissous (COD) minéralisation, hydrolyse et dénitrification

Phosphore organique

particulaire (POP) respiration du phytoplancton et hydrolyse

Phosphore organique

dissous (POD) minéralisation et hydrolyse

Phosphate (PO43-) minéralisation et absorption/désorption par le phytoplancton

Azote organique

particulaire (NOP) respiration du phytoplancton et hydrolyse

Azote organique

dissous (NOD) minéralisation et hydrolyse

Ammonium (NH4+) minéralisation, nitrification et absorption par le phytoplancton

Nitrates (NO3-) nitrification, dénitrification et absorption par le phytoplancton

Oxygène dissous (OD) photosynthèse, respiration du phytoplancton, minéralisation de la

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Enfin, selon les caractéristiques du site d’étude, les objectifs définis et les informations disponibles, les modèles sont construits avec une complexité plus ou moins importante et une résolution temporelle et spatiale différente (Peña et al., 2010). Par exemple :

- dans le cas d’une zone turbide, il sera en plus couplé à un modèle de transport sédimentaire ;

- s’il est établi que les processus benthiques influencent peu la biogéochimie dans la colonne d’eau, le modèle sera appliqué seulement sur la colonne d’eau, sans prendre en compte les échanges de flux biogéochimiques à l’interface eau sédiment (mais en prenant en compte les flux de dépôt et d’érosion des sédiments) ;

- dans le cas d’un écosystème planctonique très productif, différents types de phytoplanctons seront décrits ;

- dans le cas d’un système avec de fortes variations bathymétriques latérales (par exemple par l’existence de chenaux et de haut-fond), un modèle à discrétisation horizontale est nécessaire. Le modèle à trois dimensions (3D) sera préférable si les gradients verticaux sont importants (cas par exemple des estuaires stratifiés en salinité). En revanche si la colonne d’eau est bien mélangée, un modèle bi-dimensionnel horizontal (2DH) pourra suffire.

Une fois que les variables d’état et les processus sont définis, les modèles biogéochimiques résolvent l’équation de conservation de la masse des matières dissoutes et particulaires, qui considère les processus de transport physique et les réactions biogéochimiques. La loi de conservation de la masse prend en compte la matière entrante ou perdue par le système, la matière transportée par advection et dispersion, et les processus biogéochimiques transformant la matière. Le modèle sera soit appliqué dans un système en boîte où les entrées et les sorties sont décrits dans chaque boîte par des débits de transfert de masse ; soit couplé à un modèle hydrodynamique (à 1, 2 ou 3 dimensions), dans ce cas l’équation de conservation de masse s’écrit de la façon suivante :

advection diffusion 𝜕𝑪 𝜕𝑡 = − 𝜕(𝑢𝑪) 𝜕𝑥 𝜕(𝑣𝑪) 𝜕𝑦 𝜕(𝑤𝑪) 𝜕𝑧 + 𝜕 𝐾𝑥𝜕𝑪𝜕𝑥 𝜕𝑥 + 𝜕 𝐾𝑦𝜕𝑪𝜕𝑦 𝜕𝑦 + 𝜕(𝐾𝑧𝜕𝑪𝜕𝑧) 𝜕𝑧 + 𝛽𝑪+ 𝑆𝑐

41 avec, 𝐶: la concentration de la variable d’état [M L-3

] 𝑢, 𝑣 𝑒𝑡 𝑤: les courants sur les directions x, y et z [L T-1

]

𝐾𝑥, 𝐾𝑦, 𝐾𝑧: les coefficients de dispersion sur les directions x,y et z [L² T-1] 𝛽𝐶: les processus biogéochimiques

𝑆𝑐: les sources et les puits

𝛽𝐶 est le terme représentant la somme des processus biogéochimiques intervenant dans les variations de concentration de la variable C. Par exemple, pour l’oxygène dissous :

𝛽𝐶 = 𝑝ℎ𝑜𝑡𝑜𝑠𝑦𝑛𝑡ℎè𝑠𝑒 + 𝑎é𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 − 𝑟𝑒𝑠𝑝𝑖𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 − 𝑚𝑖𝑛é𝑟𝑎𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 − 𝑛𝑖𝑡𝑟𝑖𝑓𝑖𝑐𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 De façon la plus simple, beaucoup de réactions biogéochimiques peuvent être décrites par des réactions du premier ordre de la façon suivante :

𝑟é𝑎𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛 = 𝑘. 𝑓(𝑇). 𝑓(𝑙𝑖𝑚𝑖𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛). 𝐶; où, 𝑘 la cinétique de la réaction (s-1

)

𝑓(𝑇) la fonction limitante par la température.

𝑓(𝑙𝑖𝑚𝑖𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛) est la somme des fonctions qui limitent la réaction. Par exemple, la lumière et les nutriments limitent la photosynthèse, ou encore l’oxygène et l’ammonium limitent la nitrification. Dans le cas où le processus est limité par une autre variable d’état X, elle s’écrit suivant la formulation de Michaelis-Menten : 𝑓(𝑋) =𝑋+𝐾𝑋

𝑋

𝑋 est la concentration de la variable limitante et 𝐾𝑋 est la constante de demi-saturation de Michaelis-Menten. Par exemple, la nitrification s’écrit de la façon suivante :

𝑛𝑖𝑡𝑟𝑖𝑓𝑖𝑐𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 = 𝑘. 𝑓(𝑇). [𝑂𝐷] [𝑂𝐷] + 𝐾𝑂𝐷.

[𝑁𝐻4+]

[𝑁𝐻4+] + 𝐾𝑁𝐻4+. [𝑁𝐻4+]

Les paramètres intervenant dans la formulation des processus biogéochimiques doivent être connus pour avoir une représentation réaliste de la dynamique biogéochimique (Robson, 2014). Plus le modèle biogéochimique est complexe, plus le nombre de paramètre augmente. Tous les paramètres n’étant pas connus ou n’ayant pas été mesurés précisément, la calibration de certains paramètres peut être nécessaire. Cependant, la complexité du modèle rend la calibration des paramètres difficile du fait des interactions entre chacun d’entre eux. Lorsque la performance du modèle est faible, un paramètre ou une équation peut être ajouté, ce qui

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peut amener à le sur-paramétrer. En effet, la complexité d’un modèle ne le rend pas nécessairement plus performant ; au contraire, en augmentant le nombre de paramètres et d’équations il arrive qu’on le rende au contraire moins performant, du fait de la nécessité de calibrer un nombre plus important de paramètres (Robson, 2014). Un modèle biogéochimique plus simple pourra alors être calibré plus facilement et reproduire de manière plus robuste certaines variables biogéochimiques. Même s’il est moins réaliste, car tous les processus, variables ou paramètres ne seront pas pris en compte, le modèle simple pourra être adapté pour un objectif plus restrictif.