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Impact des variations du débit de la Garonne

Chapitre III: Impact of urban effluents on summer hypoxia in the highly turbid

1. Impacts théoriques attendus des changements globaux

1.3. Résultats

1.3.3. Impact des variations du débit de la Garonne

Lorsque le débit diminue, l’interface eau douce/eau salée se déplace vers l’amont (Figure IV.10). Par exemple à Bordeaux, lorsque le débit est de 100 m3.s-1, les salinités restent inférieures à 2 en surface, alors que pour un débit de 40 m3.s-1, elles peuvent atteindre des salinités supérieures à 4 (Figures IV.10 a et d). L’effet de l’asymétrie de la marée étant plus efficace par débit plus faible, les sédiments en suspension et le bouchon vaseux se déplacent davantage vers l’amont. Les concentrations en MES deviennent plus élevées, ce qui accentue la consommation d’oxygène par la dégradation du COP. Il en résulte des baisses des concentrations d’oxygène plus marquées lorsque le débit diminue (Figure IV.10).

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Figure IV.10 : (1) évolution temporelle (horaire) du débit et de la température ; évolution spatio-temporelle (moyennes journalières) (2) des MES, (3) de la salinité, (4) de la saturation en oxygène dissous le long de la Garonne pour les scénarii 100 m3.s-1 (a), 80 m3.s-1(b), 60 m3.s-1(c) et 40 m3.s-1(d). L’axe y indique les points kilométriques avec : PK4 et PK-20 les stations MAGEST de Bordeaux et Portets.

145 Comme pour la simulation de référence, le premier événement d’hypoxie a lieu fin juillet lors

du maximum de température, quel que soit le débit. En revanche, sa position et son extension varient selon les scénarii. Pour le scénario d’étiage à 100 m3

.s-1, l’hypoxie se situe autour de Bordeaux et s’étend sur un rayon d’une dizaine de km (Figure IV.10a.4), tandis que dans le cas du scénario 40 m3.s-1, l’hypoxie atteint son extension maximale, d’environ une trentaine de km, depuis Bordeaux jusqu’à l’amont de Portets (Figure IV.10d.4). Cela s’explique par la combinaison des concentrations en MES, plus élevées dans le BV en amont de Bordeaux, et par les rejets urbains. En effet, fin juillet, lors des vives eaux, le BV est très turbide en amont de Bordeaux (Figure IV.10d) et les processus hétérotrophes sont alors favorisés. De plus, les effluents urbains rejetés à Bordeaux sont maintenus en amont par l’asymétrie de la marée, d’autant plus que le débit est faible. Par contre, lorsque le débit est maintenu à 100 m3

.s-1, en vives eaux la chute d’oxygène est moins marquée car les concentrations en MES dans le BV sont moins élevées et les apports d’eaux fluviales oxygénées ; dans ce scenario, l’hypoxie est limitée à la zone proche autour de Bordeaux en mortes eaux du fait de l’impact des effluents urbains (Figure IV.10a). Pour les scénarii d’étiage à 80 m3

.s-1 et 60 m3.s-1 (Figures IV.10 b et c), l’hypoxie s’étend progressivement vers l’amont de Bordeaux en vives eaux, tandis qu’en mortes eaux, les eaux amont sont ré-oxygénées car les MES se déposent plus massivement au fond, et que de l’eau fluviale bien oxygénée arrive de l’amont.

Cependant, si une partie des différences entre ces scénarii peut être attribuée à la dynamique sédimentaire et aux variations relatives des concentrations des particules plus en amont, une autre partie est due à la dilution des eaux estuariennes avec l’eau fluviale bien oxygénée. Cette dilution est logiquement moins efficace lorsque le débit diminue. En effet, le volume d’eau fluviale introduit pendant un cycle de marée (et saturé à 90% en oxygène) est de 4,3 106 m3 pour un débit de 100 m3.s-1, contre 1,7 106 m3 pour un débit de 40 m3.s-1. Ces volumes représentent respectivement 3,8 et 1,5% du volume moyen de l’estuaire fluvial entre la Réole et Bordeaux ; et 22% et 9,3% du volume moyen de l’estuaire fluvial entre la Réole et Portets. Le temps de renouvellement de la moitié du volume (T50%) sera plus court pour Portets (quelques jours) que pour Bordeaux (quelques semaines) (Figure IV.11). Ceci démontre, que les eaux oxygénées provenant de l’amont (90 %sat) permettent de ré-oxygéner les eaux à Portets plus rapidement qu’à Bordeaux. Considérant une concentration d’oxygène dans le BV de 30 %sat, après un cycle de marée, l’augmentation de la teneur en oxygène due à la dilution seule est de 0,9 %sat à Bordeaux et de 5,6 %sat à Portets dans le cas du débit le plus faible (40 m3.s-1) et de 2,3 %sat à Bordeaux et 13,2 %sat à Portets pour un débit de 100 m3.s-1

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(Figure IV.11). Au bout d’une semaine, le gain d’oxygène par simple dilution par les eaux fluviales à Bordeaux sera de 31,8 %sat pour 100 m3.s-1 et de 12,6 %sat pour 40 m3.s-1 (Figure IV.11).

Figure IV.11 : Temps de renouvellement de la moitié du volume (points bleus) et oxygène dissous calculé par effet de dilution entre les eaux du bouchon vaseux à 30 %sat et les eaux fluviales à 90 %sat (carrés noirs) à Bordeaux (a) et Portets (b)

Avec la diminution des débits d’étiage, le nombre d’épisodes d’hypoxie augmente donc significativement sur la Garonne. Sur Bordeaux, l’hypoxie est toujours atteinte lorsque l’étiage est long et sévère (Figure IV.12, Tableau IV.2). Le scénario extrême d’un débit maintenu à 40 m3.s-1 prévoit 13 jours d’hypoxie et un minimum de 13,5 %sat (Tableau IV.2). A Portets, l’hypoxie apparaît seulement à partir d’un débit d’étiage de 60 m3

.s-1 (Figure IV.12). Dans ce secteur, les épisodes d’hypoxie sont plus sévères qu’à Bordeaux : pour le scénario extrême de débit de 40 m3.s-1, le modèle prévoit 52 jours d’hypoxie, avec un minimum de 8 %sat (Tableau IV.2).

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Figure IV.12 : Évolution du taux de saturation minimale en oxygène (points noirs) et de la référence de l’hypoxie (2 mg.L-1

, points rouges) en fonction du débit estival de la Garonne à Bordeaux (a) et Portets (b).

Lorsque l’on analyse le bilan des flux biogéochimiques qui consomment de l’oxygène à Bordeaux, on s’aperçoit que lorsque l’étiage s’intensifie, certains flux augmentent tandis que d’autres diminuent (Figure IV.13). En effet, lorsque le débit est faible, les concentrations d’ammonium et du COD urbain se concentrent sur la zone autour de Bordeaux où ils consomment de l’oxygène. Par conséquent, il y aura une intensification progressive de la nitrification et de la minéralisation du COD urbain (Figure IV.13). Cependant, la diminution du débit se traduit aussi par moins de COD fluvial atteignant la zone de Bordeaux. Alors, le flux de minéralisation de COD fluvial diminue (Figure IV.13). Enfin, étant donné que le bouchon vaseux se situe plus en amont, la consommation d’oxygène par la dégradation du COP provenant des litières a aussi tendance à diminuer (Figure IV.13).

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Figure IV.13 : Moyenne estivale des flux biogéochimiques consommateurs d'oxygène dans la zone de Bordeaux pour les scénarii de variation du débit de la Garonne : 1-nitrification, 2-minéralisation du COP urbain, 3-2-minéralisation du COP litière, 4-2-minéralisation du COD urbain, 5-minéralisation du COD fluvial.

On s’aperçoit donc que l’impact du débit d’étiage sur l’oxygénation est le résultat combiné d’une remontée et de la concentration du bouchon vaseux en amont, et d’une moindre dilution de la masse d’eau par l’eau fluviale bien oxygénée. La baisse du débit fluvial et l’augmentation de la durée d’étiage pourraient alors avoir des conséquences dramatiques pour l’écosystème de la Garonne.