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Épisodes d’hypoxies dans l’estuaire de la Gironde

Chapitre I : État des connaissances - Les hypoxies dans l’estuaire de la Gironde

2. L’estuaire de la Gironde

2.5. Épisodes d’hypoxies dans l’estuaire de la Gironde

Le réseau de surveillance de qualité de l’eau MAGEST (Etcheber et al., 2011) a été mis en place en 2004 avec pour objectif d’obtenir des bases de données à haute résolution temporelle de paramètres hydro-sédimentaires et physico-chimiques permettant de contrôler les conditions environnementales du milieu et de surveiller des épisodes critiques, ou encore l’impact du changement climatique (diminution des débits, intrusion marine, augmentation de la température). Le réseau MAGEST était constitué à ses débuts de 4 stations automatisées : Pauillac, Bordeaux, Portets et Libourne (Figure I.4) qui mesurent en continu (toutes les 10 minutes) à 1 m sous la surface, la température, la salinité, la turbidité et la concentration en oxygène dissous (Etcheber et al., 2011 ; Lanoux et al., 2013). La station de Portets a cessé de fonctionner en 2011, et a été remplacée par une station plus légère à Cadillac, à une quinzaine de km en amont.

Le terme « hypoxie » est défini par une concentration en oxygène inférieure à 2 mg.L-1 (ou 62,5 µmol.L-1). Cependant, dans l’estuaire de la Gironde certaines populations biologiques sont perturbées bien avant que la concentration en OD n’atteigne 2 mg.L-1

. Par exemple, les expériences réalisées à 25°C sur des juvéniles d’alose montrent une perturbation comportementale à partir d’une concentration en oxygène de 3,8 mg.L-1 (Lanoux et al., 2014).

Ainsi, les équipes d’IRSTEA (Institut national de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture) ont établi une grille de qualité de l’eau selon la concentration en oxygène dissous, correspondant aux recommandations les plus exigeantes par rapport aux poissons dans les estuaires (Tableau I.4).

Tableau I.4 : Grille de qualité des concentrations d’oxygène dissous selon l’IRSTEA

Très bon Bon Moyen Médiocre Mauvais

OD > 7 mg.L-1 7 > OD > 5 mg.L-1 5 > OD > 3 mg.L-1 3 > OD > 2 mg.L-1 OD < 2 mg.L-1

Grâce au suivi MAGEST, les épisodes de désoxygénation des eaux de la Gironde ont pu être caractérisés spatialement et temporellement. Ainsi, les chroniques de concentration en oxygène montrent en hiver des eaux bien oxygénées sur les 4 stations et en été une diminution de l’OD sur Bordeaux, Portets et Libourne (Figure I.10). Sur ces 3 stations, les

33 chutes d’OD sont corrélées avec les maxima de turbidité observés en été, lors du déplacement

du BV vers l’amont (Lanoux et al., 2013).

Figure I.10 : Évolution interannuelle et saisonnière des concentrations moyennes mensuelles en oxygène dissous (mg.L-1) en bleu et de la turbidité (NTU) à Pauillac, Bordeaux, Portets et Libourne de 2005 à 2015.

Pendant ces périodes estivales à Bordeaux, la chute d’oxygène a lieu lors de la transition des vives eaux aux mortes eaux, lorsque les MES en surface atteignent leur valeur maximum et pour une température élevée (Figure I.11 ; Etcheber et al., 2011 et Lanoux et al., 2013). En effet, en vives eaux les particules sont davantage remises en suspension, et alors le COP attaché aux particules consomme davantage d’oxygène lorsqu’il est dégradé par les bactéries.

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Figure I.11 : Évolution temporelle de la hauteur d’eau (m), température, turbidité (NTU) et de l’oxygène (% de saturation) sur Bordeaux du 01/09/2006 au 20/09/2006 (Lanoux et al.,

2013).

La comparaison de l’évolution temporelle de l’OD sur les 3 stations amont montre des différences. Par exemple en 2011, la concentration en oxygène est significativement plus faible à Bordeaux qu’à Portets et Libourne, pour des teneurs en MES équivalentes (Etcheber et al., 2011 ; Lanoux et al., 2013, Figure I.12). Ce résultat est visible pour toutes les années d’enregistrement MAGEST. Il semblerait donc que les déversements des eaux urbaines intensifient les hypoxies estivales à Bordeaux (Etcheber et al., 2011 ; Lanoux et al., 2013).

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Figure I.12 : Évolution temporelle de l’oxygène dissous (mg.L-1) sur Pauillac (bleu), Bordeaux (rouge), Portets (vert) et Libourne (violet) sur l’année 2011.

La concentration moyenne en OD à Bordeaux est la plus faible que ce soit en période estivale ou sur toute l’année (Tableau I.5). A Portets et Libourne, la qualité de l’eau est considérée comme « bonne » en été, tandis que sur Bordeaux elle approche le niveau « moyen » (Tableau I.4, selon les critères de qualité de l’IRSTEA).

Tableau I.5 : Bilan des concentrations en oxygène (moyennes journalières) à Bordeaux, Portets et Libourne. Calculées à partir de 10 ans de données MAGEST de 2005 à 2015 (à 2012 pour Portets). La valeur moyenne correspond à la moyenne sur toute la période en mg.L-1 ; la moyenne estivale en mg.L-1 est calculée pour la période du 21 juin au 23 septembre; la valeur minimale correspond au minimum d’oxygène en mg.L-1

sur toute la période. Les valeurs moyennes sont indicatives dans la mesure où il y a des données manquantes (Bordeaux 22,29%, Portets 29,57% ; Libourne 16,10%).

Moyenne Moyenne estivale Minimum % de temps : OD < 2 mg.L -1 % de temps : OD < 3 mg.L -1 % de temps : OD < 5 mg.L -1 Bordeaux 7,8 5,3 1,85 0,07 0,79 11,06 Portets 9,1 6,8 3,30 0,00 0,00 3,65 Libourne 9,0 7,0 4,33 0,00 0,00 0,46

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L’évolution de l’oxygène dissous à l’échelle du cycle de marée semi-diurne montre le minimum d’OD à basse mer et le maximum à pleine mer à Bordeaux (Lanoux et al., 2013). A Portets et Libourne on observe l’inverse : le minimum a lieu à pleine mer et le maximum à basse mer (Figure I.13). Ceci peut nous laisser penser que le BV se situe entre Bordeaux et Portets sur la Garonne et en aval de Libourne sur la Dordogne. A basse mer, le BV se déplace vers l’aval, et le minimum d’oxygène se situe alors autour de Bordeaux. A pleine mer, le BV se déplace vers l’amont et le minimum d’oxygène s’approche de Portets (sur la Garonne) et de Libourne (sur la Dordogne). De plus, les eaux sont nettement plus oxygénées à Libourne qu’à Portets, pouvant être expliqué d’une part, par une turbidité plus faible et d’autre part, par l’impact des rejets des effluents urbains (Figure I.13).

Figure I.13 : (a) Hauteur d’eau (m) et (b) variation de l’oxygène dissous (mg.L -1) à l’échelle du cycle de marée du 12/07/2006 au 14/07/2006 sur Bordeaux (bleu), Portets (vert) et Libourne (rouge).

On remarque des concentrations moyennes d’OD en été différentes entre les années 2006 et 2013 : à Bordeaux, 3,83 mg.L -1 en 2006 et 6,85 mg.L -1 en 2013. L’année 2006 est caractérisée par un été chaud et sec (60 jours où le débit de la Garonne inférieur à 110 m3.s-1) alors que 2013 est une année humide (0 jour où le débit de la Garonne inférieur à 110 m3.s-1) où le BV s’installe sur la Garonne seulement au mois d’août.