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Le principe de l'indemnité du représentant exclusif et son

Dans le document Les contrats de distribution exclusive (Page 18-22)

1. Les différences entre l'agent et le représentant exclusif Selon la loi, le montant de l'indemnité est fixé équitablement par le juge, le ma-ximum étant toutefois fixé au gain annuel net, selon la moyenne des cinq derniè-res années. Cela dit, les principes qui sous-tendent l'octroi de l'indemnité de CO 418u au représentant exclusif, tels qu'arrêtés par le Tribunal fédéral, mettent bien en lumière les dissemblances et les convergences entre l'agence et le contrat de représentation exclusive.

Le point de départ de la réflexion réside dans le fait que, dans le cadre du contrat agence, les clients deviennent ceux du mandant de sorte qu'il y a lieu de mettre à charge de ce dernier une indemnité de clientèle en faveur du premier. Tel n'est pas le cas en matière de représentation exclusive où le représentant vend les

42 ATF 134 li! 497, c. 4.2.1.

biens en son propre nom et développe sa propre clientèle. C'est ce qui expliquait la réticence mise pendant longtemps à lui reconnaître un droit à une indemnité de clientèle. A tout le moins, telle était la vision classique que l'on avait du repré-sentant exclusif il y a quelques décennies. Le Tribunal fédéral le rappelle dans sa décision, se référant à sa jurisprudence ancienne43: l'archétype classique du représentant exclusif était «un commerçant indépendant, qui dirige son affaire selon son bon vouloir et se borne à acheter auprès de son cocontractant les produits qu'il vend pour son propre compte».

2. L'évolution des circonstances économiques

Or, les circonstances économiques et la nature des relations contractuelles ont changé, ce que la doctrine majoritaire a mis en évidence au cours des années. Les principales critiques de la doctrine contre 1 'ancienne jurisprudence consistaient essentiellement à remarquer ceci :

les principes sur lesquels la jurisprudence reposaient étaient trop fonnalistes en ce qu'ils se fondaient exclusivement sur la qualification du contrat (con-trat d'agence opposé au contrat de représentation exclusive), qualification incapable de restituer dans le détail la véritables économie du contrat liant les parties ;

la jurisprudence méconnaissait le pouvoir attractif de la marque qui fait que la clientèle, après la fin du contrat, reste le plus souvent attachée plus à cette dernière et, partant, au concédant qu'au représentant;

on n'avait pas suffisamment pris en compte le fait que le représentant exclu-sif, en sa qualité d'indépendant exposé à tous les aléas de la vie des affaires, court plus de risques que l'agent ;

il y a avait lieu de tenir compte de l'évolution actuelle de la vie des affaires qui voit se développer des systèmes d'intégration verticale toujours plus poussés dans la distribution.

Sur la base de ces constats, les conclusions auxquelles la doctrine parvenait étai-ent alors les suivantes :

43 44

le principe de l'octroi d'une indemnité de clientèle au représentant exclusif doit être admis44 ;

les conditions auxquelles l'octroi de l'indemnité est soumis ne sont pas stric-tement définies ;

ATF 88 II 169 c. 7.

FOUNTOULAKIS, 224, critique le fait que le Tribunal fédéral n'accorde le droit à

!'.indemnité que si le représentant est exclusif. Elle relève que les juges n'ont pas réelle-ment mis en évidence ce qui justifiait cette limitation. Ce qui est déterminant selon elle, c'est la dépendance du représentant par rapport au concédant, particulièrement lorsque ce dernier a un droit d'instruction.

un droit à une indemnité doit être reconnu au représentant exclusif à tout le moins lorsque sa situation est économiquement comparable à celle de l'a-gent.

3. Les analogies entre l'agent et le représentant exclusif

Le Tribunal fédéral a décidé de franchir le pas et de suivre la doctrine majori-taire, considérant que les principes dégagés dans sa décision antérieure, vieille de plus de quarante ans, ne pouvaient plus être maintenus. On retiendra de la déci-sion du Tribunal fédéral les éléments saillants suivants :

il n'y a pas dans la loi un silence qualifié qui interdirait qu'une indemnité ne soit octroyée au représentant exclusif; ·

la variété des situations de fait et celle de l'équilibre des relations contrac-tuelles sont telles qu'il n'est pas possible de donner une réponse dogmatique qui conviendrait à tous les contrats de représentation exclusive ;

le caractère exceptionnel de la norme dans le système du Code des obliga-tions, caractère qui avait été mis en évidence par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence antérieure, ne fait pas obstacle à son application analogique à

d'autres situations contractuelles proches ;

la condition fondamentale de l'analogie réside essentiellement dans la s itua-tion du représentant exclusif qui doit être économiquement si proche de celle de l'agent qu'elle réclame un traitement identique;

l'indemnité dépendra ainsi toujours des circonstances du cas concret, parti-culièrement de la question de savoir si le représentant exclusif se trouvait dans la dépendance du concédant ;

l'indemnité doit être équitable si on la considère du point de vue du repré-sentant, particulièrement parce qu'il a contribué au développement de la no-toriété de la marque, développement dont il ne profitera pas une fois le con-trat terminé ;

l'article 418u CO est une disposition impérative dont l'agent bénéficie quel que soit le contenu de la convention qui le lie au mandant. L'application ana-logique de cette disposition au représentant exclusif n'en supprime pas le ca-ractère impératif: dès l'instant que les conditions de l'analogie sont réunies, l'art. 418u CO s'applique dans tout son contenu, y compris donc l'interdiction qui y est faite aux parties d'y déroger.

4. Les circonstances concrètes fondant l'analogie

Cette modification de jurisprudence repose, on l'a vu, sur les changements qui ont affecté la vie des affaires depuis des décennies. De plus en plus souvent, le concédant se réserve un droit de contrôle très large et oblige le représentant à s'intégrer dans son organisation de vente, à le renseigner ou à lui céder son fonds de clientèle à la fin du contrat. Parmi les circonstances que l'on rencontre

au-jourd'hui fréquemment dans la pratique contractuelle et qui_ peuvent jouer u'lrôle dans la reconnaissance de l'analogie entre la situation de l'agent et celle du re-présentant exclusif, le Tribunal fédéral retient les clauses suivantes :

Le contrat dispose que le concédant doit approuver les nouveaux points de vente du représentant. Ce dernier n'est donc pas libre d'organiser son activi-té contractuelle comme il l'entend afin de parvenir à exécuter le contrat. Ses points de vente sont dans une large mesure destinés à satisfaire les exigences particulières du concédant et de sa clientèle.

Le représentant à une obligation d'achats minimums : son activité s'inscrit dans le budget de développement de la société qu'il représente.

Le représentant doit consacrer un budget déterminé à des démarches publici-taires. Cette activité, qui doit être développée indépendamment de la ques-tion de savoir si le représentant réussit ou non à atteindre les objectifs contractuels, participe clairement à la promotion de la marque ou des pro-duits du concédant.

De la même façon, l'obligation faite au représentant de maintenir un certain stock s'inscrit dans la politique commerciale du concédant qui entend, no-tamment, s'assurer par-là que sa clientèle sera servie dans des délais et d'une manière compatible avec l'image qu'il entend donner de lui-même. Il entend également se prémunir contre la fuite de la clientèle vers d'autres marques qu'une rupture de stock de ses produits pourrait engendrer.

L'obligation de fournir des rapports mensuels sur les ventes et les activités des concurrents est une autre des contraintes contractuelles faites au repré-sentant destinées à permettre au concédant de contrôler le développement de sa ou ses marques sur le marché dans lequel le représentant a l'exclusivité.

L'obligation de tenir ses livres et registres ouverts au concédant permet à ce dernier de contrôler le développement de ses produits sous la conduite du re-présentant exclusif et lui confère ainsi une position presque similaire à celle d'un supérieur hiérarchique au sein d'un groupe de sociétés.

L'obligation de communication périodique au concédant de la liste des clients du représentant exclusif est celle qui justifie de manière la plus évi-dente l'indemnité de clientèle. Elle parachève le système contractuel mis en place qui permet au concédant de profiter de l'activité de développement de ses marques par le représentant eJtclusif. Elle lui permettra, au terme du con-trat, de s'approprier la clientèle pour travailler avec elle, soit directement soit par l'intermédiaire d'un nouveau représentant exclusif.

L'examen du cas concret englobe encore une autre vérification, soit celle du type de clientèle à laquelle l'on a affaire. JI faut en effet distinguer les deux clientèles suivantes:

la clientèle personnelle, soit celle qui est liée au représentant ;

la clientèle réelle, soit celle qui se forme autour d'une marque et, par consé-quent, essentiellement autour du concédant.

Alors que la premièrerestera largement acquise au représentant exclusif après la fin 'du contrat, tel n'est pas le cas de la seconde qui aura tendance à continuer à acheter la même marque, qui qu'en soit le vendeur. Par conséquent, lorsque l'intermédiaire a constitué une clientèle réelle, on doit retenir que les conditions posées par l'art. 418u CO seront presque toujours remplies.

VII. Conclusion

Le contrat de distribution exclusive est l'une des conventions essentielles de la vie des affaires. Il n'en n'est pas moins un contrat innommé, le législateur lais-sant à la pratique et aux tribunaux le soin d'en dessiner les contours.

Les formes sous lesquelles ce contrat apparaît sont extrêmement variées, les obligations des parties, particulièrement celles du représentant exclusif, n'étant de loin pas façonnées dans un moule unique. Quelle que soit l'importance prati-que du contrat de représentation exclusive, la jurisprudence rendue en la matière n'est pas abondante. Il faut sans doute en chercher la raison dans le fait qu'un grand nombre des contrats de représentation exclusive comportent des clauses d'arbitrage, faisant échapper les litiges à l'empire des juridictions étatiques et les décisions aux collections officielles d'arrêts.

Les deux décisions analysées ci-dessus ont certes franchi un pas important, en tranchant deux points largement débattus : la résiliation injustifiée ne met pas fin au contrat d'une part ; le représentant exclusif peut prétendre, selon les circons-tances du cas d'espèce, à une indemnité de clientèle d'autre part.

Restent les zones d'ombre: premièrement, la question de savoir si la résiliation immédiate injustifiée peut être tenue pour une résiliation ordinaire. Deuxième-ment, le Tribunal fédéral a pris soin de souligner qu'en matière d'indemnité de clientèle au représentant exclusif, il ne pouvait donner une réponse dogmatique et que, seules les circonstances du cas d'espèce étaient déterminantes. Une avan-cée certes, mais également un risque d'une certaine insécurité juridique.

Enfin, la notion de justes motifs n'a pas donné lieu récemment à des développe-ments significatifs concernant la définition spécifique qu'il fallait en retenir dans le cadre du contrat de représentation exclusive. L'enseignement de la riche juris-prudence du droit du travail trouve en effet ses limites dans la dissemblance des enjeux et des questions économiques qui séparent les deux types de contrat. En particulier, les conséquences de la création de grandes groupes de distribution, par le biais d'acquisition et de restructuration d'entreprises, n'a pas donné lieu à des décisions appréciant les conséquences des ces changements sur les contrats en cours. Seule les prévisions contractuelles des parties ont aujourd'hui la mis-sion de régler les conséquences de tels événements.

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