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Les questions spécifiques liées au cas pratique

Dans le document Les contrats de distribution exclusive (Page 9-13)

La jurisprudence en matière de contrat de travail est extrêmement stric-te concernant le délai dans lequel la résiliation doit être faite: seuls deux à trois jours ouvrables doivent séparer le moment où l'employeur découvre ce qu'il considère constituer un juste motif de résiliation et le jour où il déclare cette demière1s. Une prolongation de quelques jours n'est admissible qu'à titre excep-tionnel, selon les circonstances particulières du cas concret16

Il en va en principe de même pour la représentation exclusive dans le cadre de laquelle l'avis doit être donné sans retard, tout comme cela est le cas pour le contrat d'agence17Un tel délai est parfois jugé excessivement court pour des contrats commerciaux 18Il est vrai que la complexité de certains contrats de représentation exclusive et le temps indispensable pour prendre pleinement cons-cience du problème survenu dans l'exécution de la convention rendront parfois nécessaire une plus grande souplesse dans l'appréciation du respect de la condi-tion de l'immédiateté de l'avis de résiliation. Le Tribunal fédéral est d'ailleurs même prêt à le considérer pour le contrat de travail. On retiendra en tout cas, quel que soit le contrat considéré, que le délai mis pour résilier le contrat doit être approprié aux circonstances et, partant, ne doit pas conduire à penser que la

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TF, 4C.291/2005, c. 3.2, arrêt du 13 décembre 2005; 4C.348/2003, c. 3.2, arrêt du 24 août 2004 ; ATF 130 III 28 c. 4.4.

ATF 130 Ill 28, c. 4.1.

Dominique DREYER, Commentaire romand, Code des obligations 1, THÉVENOZIWERRO éds. (cité: ComRom-DREYER), CO 418r N 3 ; Suzanne WEITENSCHWEILER, Basler Kommentar, Obligationenrecht 1, HONSELLI VOGT/WIEGAND éds., 4èmo édition (cité:

BaK-WETTENSCHWILER), CO 418r N 3.

Yvan CllëRPILLOD, La fin des accords de distribution, in Les accords de distribution, 2005, n. 48 ; ZEN·RUFFINEN, thèse, N 1193 ss.

partie qui résilie s'est accommodée de la situation, montrant par là que la conti-nuation du contrat n'est pas insupportable. Le Tribunal fédéral a clairement posé le principe que «celui qui se déclare prêt à poursuivre la collaboration avec son partenaire, nonobstant des faits connus invoqués après coup à l'appui de la résiliation, montre par là qu'il ne leur attribue pas le caractère de justes mo-tift »19L'Obergericht de Zurich a considéré que le délai d'un mois mis par le mandant pour résilier le contrat, après le séquestre opéré par l'agent sur les avoirs de ses clients, était excessivement long20

Pour le dies a quo, il faudra faire une distinction entre la résiliation intervenant pour un acte unique d'une gravité absolue, remplissant à lui-seul la condition de juste motif, et celle faisant suite à une accumulation d'actes d'une gravité rela-tive (supra IV.A). Dans le premier de ces cas, il sera aisé de déterminer quand le délai a commencé à courir alors que, dans le second, il faudra apprécier quand l'accumulation des violations contractuelles est devenue réellement insupporta-ble pour le cocontractant.

En l'espèce, le seul changement de contrôle de Salander survenu il y a plusieurs années, même s'il constituait un juste motif- ce qui resterait à vérifier -, est trop ancien pour pouvoir être invoqué ; il a été accepté par le concédant qui ne peut plus l'invoquer.

La situation est différente en ce qui concerne le changement de contrôle dans les sociétés clientes du représentant exclusif. C'est le 30 septembre 2008 déjà que la résiliation est intervenue pour un fait survenu le 15 septembre et rendu public seulement quelques jours après. Donné moins de deux semaines après la prise de connaissance du fait considéré comme un juste motif, l'avis l'a été à temps.

2. L'existence d'un juste motif lié au changement de contrôle du représentant exclusif et des clients de ce dernier

Plus délicate est la question de savoir si le changement d'actionnaire des clients du représentant exclusif constitue un juste motif. Pour apprécier la question, quelques rappels s'imposent.

Premièrement, la notion de juste motif n'exige pas que le fait qui le fonderait résulte d'un comportement fautif de la partie à laquelle la résiliation est signifiée.

Quand bien même, la plupart du temps, la notion de juste motif se confond avec une (grave) violation du contrat par l'une des parties21, il n'en va pas nécessaire-ment ainsi: Le fait qui fonde l'existence d'un juste motif peut en effet être celui d'un tiers puisque, selon la définition généralement retenue, le juste motif

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ATF 99 II 31 0, c. 5a.

OGer, ZR 1984, W 2, p. 6, c. VI 2.

ZEN-RUFFINEN, thèse, N 377.

ste en des « circonstances faisant que la continuation des rapports contractuels ne peut raisonnablement être exigée au regard du principe de la bonne foi »22

C'est d'ailleurs là la définition que le Tribunal fédéral a retenu pour le contrat de travail lorsqu'il a énoncé que, concernant les justes motifs,« doivent notamment être considérées comme tels toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continua-tion des rapports de travail »23L'existence du juste motif ne découle ainsi pas forcément de la faute de l'une des partJes. En l'espèce, il s'ensuit que le rachat par Armanskij des deux sociétés clientes de Salander pourrait- même si cette dernière n'en est en rien responsable - constituer en lui-même un juste motif.

Deuxièmement, se pose la question de savoir si le passage des clients du repré-sentant lui-même et de ses clients sous le contrôle d'un concurrent du con-cédant constitue une circonstance rendant insupportable la continuation du con-trat, en raison du risque concret que l'activité du représentant serve les intérêts du concuJTent. Poser la question en ces termes revient à se demander si le repré-sentant exclusif a un devoir de fidélité envers le concédant, devoir dont le non-respect rendrait la continuation du contrat impossible.

Alors qu'il n'est pas contestable que l'agent a un devoir de fidélité envers son mandant- devoir qui, s'il ne lui interdit pas par principe de travailler pour des concuJTents, prohibe par exemple la double représentation ou le contrat avec soi-mème24- il n'en va pas forcément de même en matière de représentation exclu-sive. Hormis le cas d'une clause contractuelle particulière qui le prévoirait, il est en effet discuté en doctrine de savoir si une obligation générale de fidélité serait à la charge du représentant exclusif envers le concédant25. La jurispmdence n'a pas eu l'occasion de se prononcer à ce jour. Il semble majoritairement admis que la réponse est négative et que, partant, il n'y a pas une interdiction générale de concurrence à charge du concessionnaire, notamment par le biais d'une interdic-tion d'approvisionnement auprès de concurrents. C'est selon les circonstances qu'il faut apprécier la situation en déterminant si, en raison de la teneur du con-trat du cas d'espèce, le représentant exclusif a une position assimilable à celle de l'agent26, notamment par la place qu'il occupe dans le réseau de distribution. Sur la base des avis exprimés en doctrine, on ne saurait, en tout cas, exiger par prin-cipe du représentant que son actionnariat resle exempt de lien avec des entrepri-ses concurrentes.

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CHERPILLOD; La fin des contrats de durée, 1988, N 235. Dans le même sens, ZEN-RUFFINEN, thèse, N 377 ; VULLIETY, 96.

A TF 130 III 28, c. 4.1.

TERC!ERIFAVRE, N 5744.

TERCIERIFAVRE, N 7926; BaK-AMSTUTZISCHLUEP, Introduction à CO 184, N 146.

TERCIERIFAVRE, N 7926; Baie-AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à CO 184, N 146.

La situation du cas d'espèce présente toutefois une particularité remarquable.

Comme tout concédant, V anger voulait, en concluant un contrat avec un dis tribu-teur exclusif, assurer la vente de ses produits d'une façon qui soit la plus effi-ciente possible. En arrière-fond, se dessine inévitablement la question de la lutte commerciale contre les entreprises concurrentes par rapport auxquelles le concé-dant s'efforce de se positionner de la meilleure manière. Si le distributeur exclu-sif du concédant dans plusieurs pays passe sous le contrôle de l'un des princi-paux concurrents de ce dernier, il n'est P.aS douteux que l'économie du contrat peut être mise en péril. La situation n'est toutefois pas limpide puisque l'actionnaire ne se confond pas avec la société, ni dans ses droits ni dans ses obligations, de sorte que l'on pourrait soutenir que le changement de contrôle du distributeur exclusif reste un fait sans conséquence sur le contrat.

La situation devient toute autre lorsque les principaux clients du distributeur passent à leur tour sous le contrôle du même actionnaire. Il faut alors constater que ce dernier met en place une structure de distribution intégrée verticale dans laquelle son concurrent, le concédant, se trouve désormais obligé de prendre place pour vendre ses propres produits. Il n'est sans doute pas possible de donner une réponse abstraite à la question de savoir si une telle situation constitue en elle-même et dans tous les cas, un juste motif de résiliation. Les circonstances du cas d'espèce sont toujours déterminantes pour apprécier la question de savoir si la continuation du contrat est devenue intolérable. Sans doute la nature des pro-duits, le nombre de conctments sur le marché, le nombre de clients finals poten-tiellement intéressés par les produits en cause, la faculté que le nouvel action-naire a d'influencer concrètement la distribution des produits de son concurrent constituent-ils des éléments essentiels pour apprécier l'impact réel que la consti-tution de cette structure de distribution intégrée peut avoir sur l'économie du contrat de distribution exclusive. li paraît en tout cas concevable de prétendre quë cette situation pourrait, en principe, constituer un juste motif de résiliation du contrat de distribution.

La création de très grands groupes, fortement structurés et centralisés de même que les concentrations d'entreprises au niveau international, qui sont maintenant devenues une réalité quotidienne de la vie des affaires et du commerce, rendent cette approche nécessaire. Le nier par principe reviendrait sans doute à admettre qu'un contrat de distribution exclusive, par lequel un producteur de biens cher-chait à assurer la bonne marche de leur distribution, deviendrait l'instrument juridique par lequel un concurrent pourrait sceller la perte dudit producteur. Il est cependant important de souligner qu'il n'est pas de décision judiciaire publiée qui aurait fait droit à une telle argumentation et qu'il semble que les rares déci-sions arbitrales rendues en la matière auraient rejeté une telle façoii de voir.

Vu l'importance des enjeux, la prudence voudra donc que l'on prévoie dans le contrat une clause stipulant que constitue un motif de résiliation du contrat le changement de contrôle du représentant exclusif- cette notion devant être

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définie exactement-ou tout autre changement de circonstances de fait mettant la position du concédant en péril.

V. Les conséquences d'une résiliation injustifiée : ATF 133 III 360

A. La problématique : l'absence éventuelle d'effet de la

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