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Le principe général de l’assujettissement à l’imposition de toutes les formes

Section 2. Les principes fondamentaux de l'imposition du bénéfice des entreprises dans le droit

A. Le principe général de l’assujettissement à l’imposition de toutes les formes

50. Dans le droit fiscal interne des pays baltes, on applique le principe d’assujettissement à l’impôt sur le bénéfice des toutes les personnes morales indépendamment de leurs formes juridiques. C'est-à-dire que tous les personnes morales sont, en vertu des lois fiscales des pays baltes, les sujets de l’imposition de leur bénéfice, sauf si les lois fiscales le prévoient autrement.

51. Les lois fiscales des pays baltes, en appliquant un tel principe, utilisent leur propre terminologie. Pour distinguer les types de contribuables, la loi fiscale lituanienne utilise la notion d’« unité34 », qui signifie une personne morale passible de l’impôt sur le bénéfice. « L’unité » peut être considérée comme « unité lituanienne » ou «unité étrangère » selon le lieu d’enregistrement de la personne morale.

Selon la définition établie par la loi lituanienne35, « L’unité lituanienne » est une personne

morale, enregistrée en vertu des exigences des lois lituaniennes. C'est-à-dire que, indépendamment de leurs formes juridiques en vertu du droit des sociétés, toutes les personnes morales sont passibles de l’impôt sur le bénéfice s’ils n’entrent pas dans une liste de personnes dispensées de l’impôt établie par la loi.

52. La loi fiscale lettonne36 utilise la notion d’« entreprise interne » (domestic undertakings en anglais) qui englobe tous les types de compagnies, sociétés et autres personnes morales privées qui sont considérés comme des résidents pour les buts fiscaux.

La section 2 de la même loi donne la liste des personnes morales passibles à l’impôt sur le bénéfice des sociétés. Dans cette liste entrent tous les acteurs économiques résidents (s’ils ne sont pas dispensés) y compris toutes les « entreprises internes » nonobstant leurs formes juridiques, sauf les sociétés des personnes dépourvues de la personnalité morale.

53. La loi fiscale estonienne utilise la notion de « personne morale résidente ». La personne morale est considérée comme une « personne morale résidente » si elle est créée en vertu du droit estonien, indépendamment de sa forme juridique. Les « personnes morales résidentes » sont passibles de l’impôt sur le revenu.

54. Comme on l’a vu, dans les pays baltes, la forme juridique des personnes morales n’est pas importante pour définir leur responsabilité fiscale. En principe, toutes les personnes morales

34Partie 1 de l‘article 2 de la loi de l’impôt du bénéfice de la République de Lituanie, version officielle – Valstyb s žinios (journal officiel de la République de Lituanie) 2001-12-29, N°-110-3992.

35 Partie 2 de l‘article 2 de la loi de l’impôt du bénéfice de la République de Lituanie, version officielle - Valstyb s žinios (journal officiel de la République de Lituanie) 2001-12-29, N°-110-3992.

36 Partie 2 de la section 1 de la loi du 12 octobre 1995 de l‘impôt sur le bénéfice des entreprises (law on enterprise income tax) de la République de Lettonie, version anglaise.

sont, en vertu des lois fiscales, considérées comme sujets de l’imposition de leur bénéfice. En

Estonie et Lituanie, les personnes morales sont passibles de l’impôt, si elles sont établies en vertu des dispositions des lois nationales, indépendamment de leur forme juridique. En Lettonie, certaines personnes morales ne sont pas passibles de l’impôt, leur bénéfice est imposé en mains des associés. En principe, ces formes juridiques sont réservées aux petites entreprises de certains secteurs d’économie (louage, réparations etc.). On peut constater que la forme juridique de la personne morale ne joue

aucun rôle important dans le champ de sa responsabilité fiscale.

55. Dans la théorie économique de l’impôt, celui-ci doit être neutre. Cela veut dire que la fiscalité ne doit pas influencer les choix économiques37. C’est à dire que l’impôt doit être neutre par rapport aux décisions économiques des affaires. Donc, on peut affirmer que l’impôt sur les bénéfices des personnes morales est neutre par rapport à la forme juridique des entreprises dans les pays baltes.

56. En vertu du droit fiscal de la plupart des pays de l’OCDE, les entreprises sont passibles de l’impôt sur leur bénéfice indépendamment de leur forme juridique. Mais les lois fiscales des différents pays utilisent des techniques différentes pour l’assujettissement. Les Etats Unis appliquent un test spécial pour vérifier, si une entité est une entreprise (corporation en anglais) au sens du droit fiscal38. En France39, en Italie40 ou au Luxembourg41 les lois fiscales énumèrent les formes juridiques des entreprises qui sont considérées comme assujetties à l’impôt sur le bénéfice.

Les pays baltes appliquent une autre formule d’assujettissement, en vertu de laquelle chaque entreprise établie en vertu des lois estoniennes, lettones ou lituaniennes et inscrite dans le registre national des entreprises est considérée comme assujettie à cet impôt, indépendamment de sa forme juridique. Cette formule est confortable sachant qu’on n’oblige pas à changer la législation fiscale après chaque modification des règles concernant les formes juridiques.

57. L’assujettissement à l’impôt sur le bénéfice des sociétés en fonction de la personnalité morale exclut l’existence du phénomène de la « transparence fiscale » dans le droit fiscal national lituanien et estonien. Le droit des sociétés lituanien et estonien connait des formes de sociétés, analogues aux

sociétés des personnes en droit français ou partnerships en droit anglais. Toutefois, ces entités sont considérées comme des personnes morales au sens du droit civil et commercial lituanien42 ou

37 Savina Princen and Marcel Gérard. International Tax Consolidation in the European Union: Evidence of heterogeneity. European taxation, April 2008. P. 174.

38 P. R. McDaniel, H. J. Ault, J. R. Repetti. Introduction to United States International Taxation. Kluwer Law International. 2005. P. 5-6.

39 L‘article 206 du code général des impôts.

40 Raffaello Lupi. Diritto tributario. Parte speciale. La determinazione giuridica della capacita economica. Giuffrè Milano 2007. P. 51.

41L‘article 159 de la loi de l‘impôt sur le revenu du Grand-Duché de Luxembourg.

estonien43. Cela implique que ces entités sont considérées comme contribuables au sens de l’imposition du bénéfice des entreprises. Le bénéfice de ces entités est imposable en vertu des règles de la fiscalité des entreprises du droit commun, ce sont ces entités mêmes, en tant que personnes morales et non leurs actionnaires qui sont redevables de l’impôt. Les lois fiscales lituaniennes44 et estoniennes45 précisent expresis verbis que ces entités sont elles-mêmes considérées comme des contribuables (et, donc, non leurs actionnaires en vertu du principe de transparence fiscale) pour les buts de l’imposition de leurs bénéfices. Seulement l’activité économique indépendante de nature commerciale ou libérale exercée directement sous le nom propre du commerçant (ou du professionnel de la profession libérale) personne physique (sans utilisation d’aucune forme sociale d’entreprise) n’entraine pas l’imposition du bénéfice en vertu des règles de la fiscalité des entreprises. Une telle activité est imposable en vertu des règles de la fiscalité des personnes. Toutefois, si un tel commerçant (ou le professionnel de la profession libérale) souhaite interposer n’importe quelle forme d’entreprise – une telle entité automatiquement sera considérée comme une personne morale en vertu des règles du droit civil et commercial et cela entraine l’imposition du bénéfice d’une telle entreprise en vertu des règles de la fiscalité des entreprises.

58. Donc, contrairement aux dispositions du droit fiscal de la plupart des pays européens, il faut

constater que le droit fiscal lituanien et estonien ne connait pas le principe de la transparence fiscale de certains types des sociétés. Un principe de non-transparence des sociétés existe aussi dans

le droit fiscal indonésien46. L’absence de transparence fiscale des sociétés des personnes en vertu des règles du droit fiscal lituanien et estonien pourrait être expliquée d’un côté par la volonté d’établir le principe de neutralité fiscale (les conséquences fiscales ne sont pas dépendantes du choix entre sociétés des personnes et sociétés du capital) et une volonté de simplicité du droit fiscal (l’absence de transparence fiscale élimine la nécessité des règles spécifiques anti –abus). Comme mentionnent H. J. Ault et B. J. Arnold47, la Suède devait introduire des règles spécifiques destinées à combattre l’utilisation de la transparence fiscale dans les schémas de la planification fiscale. On n’a pas besoin de telles règles dans le cas où la transparence fiscale n’existe pas.

43 Margit Vutt. The General Partnership in Estonia. Juridica international. P. 86-89 http://www.juridicainternational.eu/index.php?id=12447.

44Partie 1 de l‘article 2 de la loi de l’impôt sur le bénéfice de la République de Lituanie, version officielle - Valstyb s žinios (journal officiel de la République de Lituanie) 2001-12-29, N°-110-3992.

45 Partie 1 de l’article 50 de la loi de l’impôt sur le revenu du 15 décembre 1999 de la République de l’Estonie (Income tax act) (version anglaise).

46

Cahiers de droit fiscal international. Studies on International Fiscal Law by the International Fiscal Association. Volume LXXXa. Subject I International income tax problems of partnerships. P. 267.

47 Hugh J. Ault and Brian J. Arnold. Comparative income taxation. A structural analysis. Third edition. Kluwer Law International. 2010. P. 415.

59. En droit fiscal letton, contrairement au droit fiscal des deux autres pays baltes, il existe le phénomène de la transparence fiscale. La loi lettonne48 donne la liste des personnes morales qui sont fiscalement transparentes :

1. Sociétés de personnes (partnerships en anglais) ;

2. Sociétés de services agricoles coopératifs (agricultural services co-operative societies en anglais) ;

3. Sociétés de propriétaires d’appartements (apartments owners co-operative societies en anglais) ;

4. Sociétés de propriétaires de garages des véhicules (motor vehicle garage owners co-

operative societies en anglais) ;

5. Sociétés de propriétaires de garages de bateaux (boat garage owners co-operative

societies en anglais).

Les sociétés de ce type ne sont pas passibles de l’impôt sur le bénéfice. Le bénéfice de ces sociétés est imposable en main des associés en fonction de leurs parts sociales.

Toutefois, il faut souligner qu’en droit letton, les sociétés de personnes sont dépourvues de la personnalité morale, comme l’indique K. Balodis49, bien qu’elles possèdent la capacité de contracter sous leur propre nom. Les principes de la fiscalité des sociétés des personnes en droit letton sont similaires aux principes analogues du droit belge50, où les sociétés des personnes ne sont pas imposables en vertu des règles de la fiscalité des entreprises parce qu’au sens du droit civil et commercial elles ne sont pas considérées comme des personnes morales. En Lettonie aussi ces entités ne sont pas imposables par elles-mêmes en vertu des règles de la fiscalité des entreprises parce qu’elles sont dépourvues de la personnalité morale. Donc, la transparence fiscale ne change pas un

principe fondamental du droit fiscal letton d’imposition des entités par l’impôt sur le bénéfice en fonction de la personnalité morale. Les sociétés transparentes ne sont pas assujetties à une telle

imposition parce qu’elles ne sont pas considérées comme des personnes morales distinctes du point de vue du droit civil et commercial.

60. Bien que l’objet de cette thèse de doctorat ne concerne pas les règles de la fiscalité des personnes, il faut noter que les personnes physiques exerçant des activités économiques sans interposition d’aucune entité juridique sont imposables dans les pays baltes par l’impôt sur le revenu. Un tel impôt est appelé « iedzīvotāju ienākuma nodoklis » en langue lettonne, qui pourrait être traduit

48 Partie 3 de la section 2 de la loi du 12 octobre 1995 de l‘impôt sur le bénéfice des entreprises (law on enterprise income tax) de la République de Lettonie, version anglaise.

49 Kaspars Balodis. Contractual Aspects of Formation and Composition of Commercial Partnerships. Juridica International X/2005. P. 79-84.

50

Cahiers de droit fiscal international. Studies on International Fiscal Law by the International Fiscal Association. Volume LXXXa. Subject I International income tax problems of partnerships. P. 267.

comme « l’impôt sur le revenu » en français ou « personal income tax » en anglais. L’impôt sur le revenu letton est établi par la loi du 11 mai 199351. Le taux de l‘impôt est de 25 % (certaines plus values sont imposables à un taux de 10 %).

En Lituanie, les revenus des personnes physiques sont imposables par « gyventojų pajamų

mokestis » (« l’impôt sur le revenu des habitants » en français ou « tax on income of habitants » en

anglais. Un tel impôt est établi par la loi du 2 juillet 200252. Le taux de l‘imposition est en principe de 15%, sous réserve des règles prévoyant des taux spéciaux pour certaines catégories des revenus.

Le droit estonien ne distingue pas l’impôt sur le bénéfice des sociétés et l’impôt sur le revenu des personnes physiques. La même loi concernant l’impôt sur le revenu (« Tulumaks » en langue estonienne) règle aussi la fiscalité des personnes physiques ainsi que des sociétés. Le droit fiscal estonien utilise les mêmes notions et règles pour la fiscalité des personnes que pour la fiscalité des entreprises. Toutefois, parfois la loi fiscale prévoit des règles spéciales concernant la fiscalité des sociétés ou des personnes physiques. Comme dans le cas de la fiscalité des sociétés, le taux de l’impôt estonien est de 21 %.

En principe, les personnes physiques sont imposables dans les pays baltes en vertu d’un principe de mondialité. Les revenus des sources étrangères sont aussi imposables. D’un autre côté, les régimes d’exonération ou d’atténuation sont prévus pour certaines catégories de revenus dans chacun des pays baltes.

61. Les lois fiscales des pays baltes donnent la liste des personnes morales de certaines catégories qui sont dispensées de l’impôt sur le bénéfice des entreprises. On va analyser ces dispositions.