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LES ANTIRETROVIRAUX ET RESISTANCE

2- Principe et objectif du traitement antirétroviral

L’objectif principal du traitement antirétroviral (ARV) est d'empêcher la progression vers le SIDA et le décès, en maintenant ou en restaurant un nombre de CD4 > 500/mm3, et ce par le blocage simultané de plusieurs étapes du cycle viral de manière à empêcher la réplication virale, et de prévenir l’émergence de variants viraux résistants. Pour atteindre cet objectif et diminuer les effets pathogènes du VIH, le traitement doit rendre la CV sous la limite de détection (CV < 50 copies/ml, seuil de consensus) afin de limiter la destruction des LT CD4+ infectés et de permettre la régénération effective de nouvelles cellules CD4. En effet, le système immunitaire doit être préservé ou restauré avec, comme objectif immunologique, un retour à des valeurs normales de la numération des LT CD4+ ou plus modestement le retour à des CD4 au-dessus de 500cellules/mm3. En fait dans la collaboration européenne de cohortes COHERE, la mortalité des hommes ayant un nombre de CD4 > 500/mm3 depuis plus de trois ans a été montrée comparable à celle des hommes de la population générale [60]. D’un point de vue virologique, l’arrêt de la réplication virale est nécessaire afin de ne pas sélectionner les virus résistants qui entraîneraient un rebond de la CV [61] afin de réduire la morbidité associée au VIH. Si l'efficacité immunovirologique est l'objectif principal du traitement ARV, d'autres objectifs doivent être recherchés simultanément :

• La meilleure tolérance possible, clinique et biologique, à court, moyen et long termes • L'amélioration de la qualité de vie des PVVIH

• La réduction du risque de transmission du VIH.

A ce jour, il existe plus de 20 molécules antirétrovirales approuvées, et différentes combinaisons qui ont prouvé leurs efficacités. Ces associations puissantes appelées Thérapies

HAART) ont montré une considérable efficacité tant sur le plan clinique que virologique et

immunologique.

3- Classes thérapeutiques

Plus de 20 molécules et différentes combinaisons antirétrovirales, appartenant à six classes médicamenteuses sont actuellement commercialisées (Cf. Tableau 1)

3-1 . Les inhibiteurs nucléosidiques et nucléotidiques de la transcriptase inverse

Les nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse (INTI) constituent la première classe antirétrovirale mise sur le marché avec la Zidovudine (AZT) en 1987 pour le traitement de l’infection à VIH, et restent largement utilisés dans la thérapie antirétrovirale en combinaison avec les autres classes antiretrovirales. Les molécules appartenant à cette famille agissent durant la phase précoce du cycle de réplication virale par inhibition de la TI. Les INTI sont des analogues des nucléosides naturels, privés de groupement hydroxyl en 3’ (didésoxynucléosides ou ddNTP), les empêchant d’assurer la liaison 5’-3’ avec le nucléoside suivant. Ils sont ainsi appelés « terminateur de chaîne » [62]. Ces dérivés entrent en compétition avec les nucléosides naturels et sont incorporés dans le premier brin d’ADN proviral lors de sa synthèse par la transcriptase inverse. L’arrêt de la synthèse d’ADN viral correspond à l’effet antiviral. Les INTIs constituent des prodrogues qui, une fois dans la cellule, subissent une triphosphorylation par des kinases cellulaires pour être actifs. Le Ténofovir qui est un dérivé nucléotidique et a la particularité d’être déjà monophosphorylé, ce qui présente l’avantage de ne nécessiter que deux étapes de phosphorylation intracellulaire. Les INTI actuellement commercialisés sont au nombre de sept : l’Abacavir (ABC), l’Emtricitabine (FTC), le Didanosine (ddI), la Lamivudine (3TC) et la Zidovudine (AZT) pour les analogues nucléosidiques et le Ténofovir Disoproxyl Fumarate (TDF) et le Ténofovir Alafenamide Fumarate (TAF) pour les analogues nucléotidiques (Cf.Tableau 1)

3-2 . Les inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse

De structure chimique différente des INTIs, les inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) ont une activité inhibitrice importante sur la TI du VIH-1, alors

qu’ils soient inactifs sur le VIH-2 et le VIH-1 groupe O. A la différence des analogues nucléosidiques, ils inhibent la TI de façon non compétitive, en se fixant au niveau d’une poche hydrophobe située à proximité du site catalytique de l’enzyme. Les INNTI ont la particularité d’être métabolisés de façon prédominante par le foie, avec une demi-vie longue permettant une prise unique quotidienne. Les INNTIs actuellement commercialisés sont au nombre de quatre. Les molécules de première génération, dont la barrière génétique est faible et présentant des résistances croisées, sont la Névirapine (NVP) et l’Efavirenz (EFV). Les molécules de deuxième génération sont l’Etravirine (ETR) qui est capable d’inhiber des virus porteurs de mutations de résistance aux inhibiteurs de première génération lorsqu’il est associé à des antirétroviraux pleinement actifs, et la Rilpivirine (RPV), qui est nouvelle molécule de deuxième génération a récemment obtenu l’autorisation de mise sur le marché chez les patients naïfs d’antirétroviraux. Cette nouvelle molécule semble avoir une barrière génétique plus faible [63,64].

3-3 . Les inhibiteurs de la protéase

L’apparition de cette classe d’antirétroviraux dès 1996, a constitué un événement majeur dans le développement de nouvelles stratégies antirétrovirales. A l’inverse des inhibiteurs de la TI agissant pendant la phase précoce de l’infection, les inhibiteurs de la protéase (IP) bloquent la phase tardive de maturation virale. Les IP actuellement disponibles agissent comme des peptidomimétiques (à l’exception du Tipranavir) qui se lient compétitivement sur le site actif de la protéase empêchant le clivage des polyprotéines Gag et GagPol. Ainsi, en présence d’IP, les virions immatures produits, sont incapables d’infecter de nouvelles cellules. L’efficacité et la puissance des IP ont rapidement permis un meilleur contrôle de la charge virale. Ces composés ont tous un métabolisme hépatique utilisant la voie des cytochromes CYP3A. Ils sont donc l’objet d’interactions médicamenteuses contre-indiquant l’utilisation concomitante de certains médicaments, et nécessitant des ajustements de doses en fonction des combinaisons thérapeutiques employées, et des variations inter et intra individuelles. Le Ritonavir (RTV), un des premiers IP mis sur le marché, n’est plus utilisé comme antirétroviral proprement dit mais comme potentialisateur ou « booster », grâce à son important effet inhibiteur du CYP3A. Ainsi, l’utilisation concomitante du RTV ralentit le catabolisme des autres IP, permettant d’augmenter la demi-vie pour certains IP (Fosamprénavir, Indinavir) ou la concentration maximale pour

plus recommandé, tous les IP actuellement utilisés doivent être administrés en présence du RTV. Des ajustements de concentrations plasmatiques peuvent être réalisés en jouant sur les doses d’IP ou de RTV selon l’IP utilisé. C’est une des classes thérapeutiques qui offre le plus d’options médicamenteuses avec 6 molécules actives contre le VIH : l’Atazanavir (ATV), le Darunavir (DRV), le Fosamprénavir (fosAPV), le Lopinavir (LPV), le Saquinavir (SQV) et le Tipranavir (TPV) (Cf.Tableau 1)

3-4. Les inhibiteurs de l’intégrase

L’enzyme intégrase représente une cible thérapeutique très intéressante dans le cycle réplicatif du VIH puisqu’il n’existe pas d’homologue chez l’homme, limitant ainsi la toxicité et les effets secondaires de ces inhibiteurs. L’intégration de l’ADN viral dans l’ADN hôte se fait en plusieurs étapes, chacune pouvant être bloquée indépendamment des autres : 1) formation du complexe enzyme-ADN viral, 2) préparation des extrémités 3’ de l’ADN viral double brin par l’intégrase, 3) import du complexe de pré-intégration du cytoplasme vers le noyau de la cellule infectée, 4) intégration de l’ADN viral dans l’ADN génomique (transfert de brin) et 5) réparation de l’ADN après intégration. Les inhibiteurs développés et actuellement commercialisés sont ceux sélectifs de l’étape du transfert de brins. En se fixant sur le complexe intégrase-ADN viral, ils empêchent ce dernier de s’intégrer dans l’ADN de la cellule hôte [66]. Quatre molécules appartenant à la famille des inhibiteurs sélectifs de transfert brins ont été développées depuis quelques années : le Raltégravir (RAL) et l’Elvitegravir (EVG) (de première génération), le Dolutégravir (DTG) (deuxième génération) et très récemment le Bictegravir(BIC). Ce sont des molécules puissantes et efficaces (Voir le chapitre III : L’Intégrase et résistance aux

inhibiteurs sélectifs de transfert du brin de l’intégrase du VIH-1).

3-5 . Les inhibiteurs de la fusion

L’inhibiteur de fusion actuellement commercialisé est l’Enfuvirtide (T20). Il s’agit d’un peptide synthétique de 36 acides aminés qui reproduit une partie de région répétée HR2 (heptad repeat region 2) de la gp41. Le T20, en se fixant de façon compétitive au domaine protéique HR1, empêche l’interaction entre HR1 et HR2 et donc le repliement de la gp41 ce qui empêche la fusion entre l’enveloppe virale et la membrane cellulaire (Cf. Tableau 1).

3-6. Antagonistes du CCR5

L’inhibiteur du corécepteur CCR5 actuellement commercialisé est le Maraviroc. L’utilisation de cette molécule nécessite la détermination préalable du tropisme des souches présentes chez un patient donné, les patients infectés par des souches à tropisme X4 ne pouvant pas bénéficier d’un traitement par Maraviroc. Les antagonistes du corécepteur CCR5, en se fixant sur le corécepteur CCR5 empêchent l'entrée du virus dans la cellule-hôte (Cf.Tableau 1).