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LES ANTIRETROVIRAUX ET RESISTANCE

5- Concept de la barrière génétique à la résistance des antirétroviraux

La barrière génétique d’un antirétroviral décrit la capacité à sélectionner des virus résistants à cet antirétroviral lorsque la réplication virale n’est pas contrôlée (Cf. Figure13). Ce concept rassemble plusieurs caractéristiques : (1) le nombre de changements nucléotidiques nécessaires pour obtenir une mutation de résistance, (2) l’impact de cette mutation sur le niveau de sensibilité à l’ARV, (3) l’impact de cette mutation sur la capacité réplicative virale ; l’ensemble conditionnant la vitesse de sélection des variants résistants. Pour un ARV donné, la barrière génétique est soit élevée, soit intermédiaire, soit faible [70].

Le type et le nombre de changement de nucléotide peuvent influencer la sélection de mutations. Une transition de nucléotide (de A vers G ou de C vers T) est un événement 2,5 fois

plus fréquent qu’une transversion de nucléotide (par ex : de A vers C ou T, de G vers C ou T). Par exemple, la mutation M184V sélectionnée sous la pression de Lamivudine et l’Emtricitabine

est due à une transition de ATG → GTG, la mutation L74V sélectionnée sous pression de de l’Abacavir est due à une transversion de TTA → GTA.

Figure 13: Barrière génétique et impact du nombre de mutations sur la résistance phénotypique(CI50).

Une molécule à barrière génétique faible nécessite une seule mutation pour augmenter le niveau de résistance phénotypique. À l’inverse, une molécule à barrière génétique élevée nécessite la sélection de plusieurs mutations pour atteindre un niveau de résistance phénotypique élevée [71].

De même certaines mutations nécessitent le changement successif de 2 nucléotides comme pour la mutation T215Y sélectionnée sous la pression de différents INTI qui est due aux changements des deux premières bases ACC → TAC. Ainsi toutes les mutations ne sont pas sélectionnées avec la même fréquence.

Pour un ARV comme la 3TC ayant une faible barrière génétique, une seule mutation du génome viral (M184V sur le gène de la TI) suffit à conférer un haut niveau de résistance phénotypique à cette molécule. La sélection par la 3TC de virus résistants est donc rapide lorsque la réplication virale n’est pas contrôlée. En effet, le variant viral avec la seule mutation M184V préexiste avant l’utilisation de la 3TC et il devient alors rapidement dominant. Au contraire, pour

plusieurs mutations successives (M41L, D67N, K70R, L210W, T215Y/F, K219Q/N) pour conférer un haut niveau de résistance phénotypique. En effet, la mutation clef, T215Y ou F, n’est jamais sélectionnée d’emblée mais après la sélection de la mutation M41L puis de la mutation K70R. D’où un délai plus long de réplication virale continue pour qu’un même virus acquière plusieurs mutations et devienne hautement résistant.

Le contexte génétique autour des mutations de résistance semble aussi très important. La mutation K65R, rarement sélectionnée chez les virus de sous type B, est fréquemment observé in

vitro chez les virus de sous type C. La présence en position 64 de nucléotides répétés AAA chez

les virus de sous-type C induit un glissement de la TI générant ainsi plus facilement la mutation K65R [72].

Cependant, le nombre de mutations ne résume pas à lui seul le concept de barrière génétique. Une autre caractéristique c’est la « fitness » du virus qui est traduite par son avantage réplicatif dans un environnement donné. Lorsqu’une mutation atteint peu la capacité réplicative, elle affecte peu la réplication du virus et lui confère l’avantage à se répliquer sous pression de sélection. C’est le cas des mutations de résistance aux IIN qui ont moins d’effets délétères sur la capacité réplicative, et favorise donc l’émergence de variants mutés si la réplication n’est pas contrôlée ,comme par exemple les mutations Q148H/ K/R et la mutation Y143R, par contre la mutation N155H connue émergée, plutôt, durant l’échec virologique sous RAL ou EVG, a un effet délétère sur l’activité catalytique de l’intégrase diminuant ainsi la capacité réplicative virale. D’autres mutations dites secondaires apparaissent pour compenser l’effet des premières négatives pour la réplication, et restaurer l’efficacité réplicative du virus comme par exemple les mutations aux codons 74, 97,138 et 140 sur le gène IN sélectionnées par les IIN.

Cependant, l’exemple de la sélection très fréquente de la mutation M184V, qui pourtant diminue fortement la capacité réplicative, suggère que le mécanisme de sélection du variant le plus adapté dépend de nombreuses conditions. Par exemple, il a été bien montré que la sélection de la mutation M184V survenait plus rapidement lors d’un échec virologique à la 3TC qu’à FTC [73,74]. La différence majeure entre ces deux molécules étant la plus longue demi-vie intracellulaire du FTC. Enfin, la sélection de la mutation K65R au TDF illustre aussi la complexité de la notion de barrière génétique. En effet, à elle seule, la mutation K65R confère un niveau élevé de résistance au TDF, pourtant rarement sélectionnée lors des échecs avec cette molécule [73], son impact sur la capacité réplicative et lalongue demi-vie intracellulaire du TDF

peuvent expliquer la faible sélection de la mutation K65R et donc une barrière élevée à la résistance de cette molécule.

La barrière génétique paraît donc être un compromis entre le nombre de mutations nécessaires et leur effet sur la capacité réplicative permettant la sélection du virus le plus adapté aux conditions de pression de sélection telles que les concentrations et les combinaisons des molécules.

Finalement, la puissance d’un ARV dépend aussi de ses propriétés pharmacocinétiques. En effet, la sélection de virus résistants est liée à la concentration plasmatique de l’ARV qui doit être, d’une part suffisante pour couvrir l’intervalle entre deux prises, et d’autre part ne doit pas descendre dans la zone à risque (entre la concentration inhibitrice 50 (CI50) du virus sauvage et la CI50 du virus muté) où le niveau de pression de sélection augmente. La réplication virale peut alors avoir lieu et l’émergence de virus résistants être favorisée (Cf. Figure14). De plus, la concentration doit rester suffisante même en cas de variation liée à un événement intercurrent (interaction médicamenteuse, inobservance, etc.), ou liée à la variabilité intra-individuelle. En fonction de la concentration plasmatique de médicaments, certains variants viraux sont plus virulents que d’autres, ce sont ceux qui seront sélectionnés et deviendront dominants.