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Chapitre 2 : Synthèse de complexes de palladium avec des ligands à base bipyridine pour une

A) La catalyse photorédox :

1) Principe et différents types de photocatalyseurs :

Depuis quelques années, de nouvelles méthodes de synthèses efficaces et douces utilisant la catalyse photorédox ont été développées pour l’activation de petites molécules par la lumière visible. De manière générale, la catalyse photorédox repose sur la capacité de complexes métalliques ou de colorants organiques appelés photocatalyseur (PS) à effectuer des transferts monoélectroniques sous action de la lumière visible, générant par la suite des intermédiaires réactifs.[87] Les premières applications de la catalyse photorédox en synthèse organique ont été étudiées dans les années 80. En 1978, Kellog et al[88] ont décrit la première réduction photocatalysée du sel sulfonium 205 en présence du 1,4-dihydropyridine 206 et d’une quantité catalytique de [Ru(bpy)3]Cl2 (Fig. 100).

Figure 100 : Réduction de sels sulfonium par Kellog et al

Par la suite, plusieurs publications utilisant ce système catalytique ont permis la réduction d’une variété de substrats organiques comme les oléfines pauvres en électron,[89]

des cétones aromatiques[90] ou encore des halogénures de benzyle.[91] Au cours des différentes années, de nombreux complexes organométalliques à base de ruthénium ou d’iridium et de colorants organiques ont pu démontrer leur efficacité en tant que catalyseur photorédox (Fig. 101).

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a) Les photocatalyseurs de types métalliques :

Un des photocatalyseurs métalliques les plus employés a été le complexe de tris(bipyridine)ruthénium(II) [Ru(bpy)3]2+ 207. Celui-ci se caractérise notamment par son absorption de la lumière dans le domaine du visible et sa capacité à effectuer des réactions de transfert monoélectronique (TME). En effet, une absorption de la lumière visible va permettre l’excitation d’un électron du ruthénium vers le ligand afin d’obtenir l’espèce excitée *[Ru(bpy)3]2+ 208. Ce passage vers l’état excité est appelé « transfert de charge du métal au ligand » (TCML). Par la suite, cette espèce excitée peut agir soit en tant que réducteur (E1/2III/*II = -0,81 V) soit en tant qu’oxydant (E1/2*II/I = +0,77 V).[92] Deux cycles sont donc possibles, soit un cycle oxydant où le *[Ru(bpy)3]2+ 208 est oxydé par un accepteur d’électron A donnant [Ru(bpy)3]3+ 209puis réduit par un donneur d’électron D, soit un cycle réducteur où le *[Ru(bpy)3]2+ 208 est d’abord réduit par D donnant [Ru(bpy)3]+ 210puis oxydé par A permettant la régénération de [Ru(bpy)3]2+ 207 (Fig. 102).

Figure 102 : Cycles oxydant et réducteur du tris(bipyridine)ruthénium(II)

Un des premiers exemples d’utilisation du [Ru(bpy)3]2+ en synthèse organique a été réalisé par MacMillan et al en 2008.[93] En alliant catalyse photorédox et organocatalyse, le groupe a décrit la synthèse d’aldéhydes α-alkylés énantioenrichis avec des rendements allant de 63% à 93%, et des excès énantiomériques de 89% à 99% selon les substrats de départ. Selon le mécanisme proposé, après génération du *[Ru(bpy)3]2+ par TCML, les auteurs ont proposé la réaction de cet intermédiaire de haute énergie avec une quantité sacrificielle d’énamine 215 afin d’initier le premier cycle photo-catalytique et de générer [Ru(bpy)3]+. Ce dernier, fort réducteur, effectuerait un TME avec l’α-bromoalkyle 211, conduisant au radical alkyle déficient en électron 212 et à la régénération du [Ru(bpy)3]2+. D’autre part, le cycle

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organocatalytique commencerait par la formation de l’énamine 215 par condensation de l’aldéhyde 214 avec l’organocatalyseur 213. Puis, à ce stade, le croisement des deux cycles catalytiques via une addition de l’énamine 215 et du radical alkyle 212 produirait de manière concomitante le radical α-amino riche en électron 216. Par la suite, la convergence des deux cycles catalytiques permettrait d’assurer le TME du radical α-amino 216 vers l’état excité *[Ru(bpy)3]2+ pour produire l’ion iminium 217 et régénérer le réducteur [Ru(bpy)3]+, terminant le cycle photorédox. L’hydrolyse de l’iminium 217 régénérerait l’organocatalyseur 213 tout en produisant l’aldéhyde α-alkylé énantioenrichi 218 (Fig. 103).

Figure 103 : Mécanisme proposé par MacMillan et al pour la synthèse d’aldéhydes α-alkylés énantioenrichis

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Suite à ce premier exemple, de nombreux groupes ont décrit l’utilisation de photocatalyseurs à base de ruthénium en synthèse organique, tels que Yoon et al[94] dans le cadre de travaux sur la cycloaddition [2+2] d’énones ou encore le groupe de Stephenson[95]

pour des réactions de deshalogénation en condition photorédox. L’intercroisement de cycle photorédox avec des cycles catalytiques organométalliques a également ouvert la voie à de nombreuses possibilités.[96] Par exemples des réactions alliant catalyse à l’or et conditions photorédox ont été décrites notamment par les groupes de Glorius, Toste et Hashmi. Ces réactions seront détaillées dans un chapitre spécialement dédié.

b) Les photocatalyseurs de types organiques :

De façon intéressante, l’utilisation de colorants organiques s’est révélée parfois être une bonne alternative aux photocatalyseurs de types métalliques. En effet, ce type de photocatalyseur a l’avantage d’avoir généralement un coût moins élevé, une meilleure durabilité et une toxicité beaucoup moins importante que les photocatalyseurs de types métalliques. Un des principaux colorants organiques les plus utilisés a été l’éosine Y. Ainsi, lors de son excitation par la lumière visible, l’éosine Y devient plus réductrice et plus oxydante que dans son état fondamental. Les différents potentiels rédox de l’état excité ont été déterminés par voltamétrie cyclique à partir des potentiels rédox standards de l’état fondamental et de l’énergie de l’état triplé excité (Fig. 104).[97]

Figure 104 : Potentiels rédox de l’Eosin Y dans MeCN-H2O (1:1)

En 2014, Wu, Zheng, Chen et al ont décrit une réduction catalytique de nitrobenzènes sous lumière verte en présence d’éosine Y comme photocatalyseur et de triéthanolamine (TEOA) comme agent réducteur sacrificiel.[98] Présentant une grande tolérance fonctionnelle et une très bonne chimiosélectivité, cette réaction a permis d’obtenir des anilines substituées avec des conversions supérieures à 98% sur 11 exemples (Fig. 105). Selon les auteurs, le

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TME de l’EY* au nitrobenzène 219 permettrait de générer l’intermédiaire radical anion 220 et le radical cation de l’éosine Y qui serait par la suite réduit par la TEOA et permettrait donc la fin du cycle catalytique ainsi que la production du radical cation de la TEOA. La réaction entre le radical anion 219 et le radical cation de la TEOA en présence d’eau permettrait entre autres la formation du glycoaldehyde, ainsi que de l’aniline souhaitée après plusieurs étapes de réduction (Fig. 105).

Figure 105 : Mécanisme proposé de réduction photocatalytique du nitrobenzène par le système EY/TEOA

En 2015, Hawker, Analiz et al[99] ont également décrit la réduction sous condition photorédox de liaison carbone-halogène à température ambiante à l’air en présence d’un photocatalyseur organique de type phénothiazine (PTH), donnant des rendements allant de 50% à 100% pour des substrats de types iodure d’aryle, bromure d’aryle et d’alkyle et chlorure d’aryle (Fig. 106). Après absorption de la lumière, la PTH entre dans son état excité hautement réducteur. Ceci permettant la réduction de la liaison carbone-halogène, transformant de manière concomitante le photocatalyseur en un radical cation. Par la suite, celui-ci est transformé en sa forme d’origine par la tributylamine, terminant ainsi le cycle photorédox (Fig. 106). De plus, un test de cyclisation radicalaire avec un substrat possédant

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une fonction alcène intramoléculaire a permis de valider qu’il s’agissait bien d’un mécanisme radicalaire.

Figure 106 : Mécanisme proposé pour la réduction de liaison carbone-halogène par le système PTH/NBu3/HCO2H

D’autres photocatalyseurs organiques de type rose bengale ou acridinium ont également été récemment utilisés dans des réactions organiques sous condition photorédox, comme par exemple pour des réactions de couplage déshydrogénant entre une quinoline N-substituée et le nitrométhane[100] ainsi que pour des réactions d’hydroétherification d’alcools insaturés.[101]

Dans tous les cas, que ce soit avec des photocatalyseurs de types métalliques ou organiques, la durée de vie de l’espèce photoexcitée est un paramètre essentiel pour le transfert d’électron en intermoléculaire, et donc peut-être un point potentiellement restrictif pour le développement de nouvelles méthodologies. Pour cela, de nouvelles structures unimoléculaires alliant photosensibilisateur et catalyseur permettant un transfert d’électron en intramoléculaire ont été envisagées.

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