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Partie 2 : Synthèse de complexes Au(I)/Au(III) et étude mécanistique des couplages croisés

B) Etude mécanistique du couplage aryle-aryle catalysé par le système tandem or-

1) Expériences stœchiométriques préliminaires avec Ph3PAuCl :

Comme décrit précédemment, deux voies mécanistiques sont envisageables. Dans la première, le catalyseur Au(I) s’engagerait dans une réaction de transmétallation avec l’acide arylboronique en première étape formant l’intermédiaire Au(I) B, puis le double transfert monoélectronique permettrait l’obtention de l’intermédiaire Au(III) A, donnant ensuite le produit de couplage désiré par élimination réductrice (Fig. 162, cycle cat. 1). Dans le second cycle, le catalyseur Au(I) subirait en première étape le double transfert monoélectronique, permettant la formation de l’intermédiaire Au(III) E, avant l’étape de transmétallation avec l’acide arylboronique conduisant à l’intermédiaire Au(III) A, puis au produit de couplage désiré après élimination réductrice (Fig. 162, cycle cat. 2).

Figure 162 : Les 2 cycles catalytiques possibles

En effet comme précédemment décrit par notre groupe,[151] les expériences stœchiométriques avec Ph3PAuCl comme source d’Au(I) ont permis de valider le cycle catalytique 1 avec l’obtention du produit de couplage 352 issu du double transfert

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monoélectronique du complexe Au(I) 350 (Fig. 163). Quant au cycle catalytique 2, la préparation du complexe Au(III) 353 n’a pas pu être réalisée, seuls les produits issus de la terminaison radicalaire 354 et de la réduction du diazonium 355 ayant été obtenus (Fig. 163). Il semblerait que ce complexe Au(III) 353 cationique issu d’un double transfert monoélectronique du complexe Au(I) correspondant ne soit pas assez stable pour être isolé.

Figure 163 : Expériences stœchiométriques réalisées avec Ph3PAuCl

Comme présenté dans la partie bibliographique, l’isolement de complexes Au(III) est possible si leur sphère de coordination est saturée, ce qui nécessite l’utilisation d’un ligand supplémentaire, comme un ion chlorure venant du sel d’aryldiazonium de départ, ou un ligand pyridine présent sur le substrat ou sur le ligand phosphine. Aux vues de ces observations, de nouvelles expériences stœchiométriques ont été réalisées à partir d’un complexe Au(I) chélaté par un ligand de type 2-pyridylphényl-diphénylphosphine. Ce ligand a notamment été utilisé par le groupe d’Hashmi lors de ses travaux sur l’isolement de complexes Au(III).[156]

2) Expériences stœchiométriques avec un complexe Au(I) chélaté par un ligand (P,N) :

Dans un premier temps, la synthèse du complexe Au(I) chélaté par le ligand (P,N) a été réalisée à partir du chloro(diméthylsulfure)or et du 2-pyridylphényl-diphénylphosphine selon les conditions décrites par le groupe d’Hashmi, donnant le complexe Au(I) 356 avec un rendement de 95%. La capacité de ce dernier à catalyser cette réaction de couplage croisé entre l’acide phénylboronique 349 et le tétrafluoroborate 4-méthoxybenzènediazonium 351 dans les conditions décrites par notre groupe a été évaluée, et le biaryle a été obtenu avec un rendement correct de 39% (Fig. 164).

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Figure 164 : Evaluation du complexe Au(I) 356 dans le couplage croisé catalytique

Les expériences stœchiométriques avec l’utilisation du complexe Au(I) 356 ont permis de vérifier si les deux voies mécanistiques étaient viables. La transmétallation du complexe Au(I) 356 avec l’acide phénylboronique en présence de deux équivalents de CsF a permis de former le complexe Au(I) 357 avec un excellent rendement isolé de 94%. L’ajout d’un équivalent du sel d’aryldiazonium 351 sous condition photorédox a permis d’obtenir le composé biarylique 352 avec un rendement de 30% comparable au rendement obtenu lors de la réaction en version catalytique (Fig. 165). Ainsi, comme démontré précédemment, le cycle catalytique 1 semblerait pouvoir s’opérer. En mettant directement en réaction le sel d’aryldiazonium 351 avec le complexe Au(I) 356 sous condition photorédox en présence de [Ru(bpy)3](PF6)2, le complexe Au(III) 358 a pu être isolé avec un excellent rendement de 94%. Le signal en RMN 31P à 30,0 ppm est en accord avec les travaux d’Hashmi permettant de confirmer une configuration trans entre le ligand chloré et l’atome de phosphore. Par la suite, le complexe Au(III) 358 a été mis en réaction avec un équivalent d’acide phénylboronique et deux équivalents de CsF dans les mêmes conditions que pour l’étape de transmétallation précédemment réalisée. Le produit de couplage 352 a pu être isolé avec un rendement de 35%, montrant également que le cycle catalytique 2 pourrait être viable (Fig. 165).

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Figure 165 : Expériences stœchiométriques réalisées à partir du complexe Au(I) 356

En plus des deux voies mécanistiques décrites dans la littérature, l’hypothèse d’un échange de ligand entre le complexe Au(I) 357 et le complexe Au(III) 358 a été posée. Ce dernier génèrerait un nouveau complexe Au(III) et permettrait également d’obtenir le produit de couplage 352 après une étape d’élimination réductrice. Pour vérifier cette hypothèse, le complexe Au(I) 357 et le complexe Au(III) 358 ont été mis en réaction dans l’acétonitrile à 50°C pendant 16h. Malgré la présence majoritaire du produit d’homocouplage 354, le produit de couplage croisé 352 a été isolé avec un rendement de 15% confirmant ainsi la possibilité d’un troisième cycle catalytique (Fig. 166). Par comparaison, la décomposition du complexe Au(III) 358 dans ces mêmes conditions a permis d’isoler le produit d’homocouplage avec un rendement de 60% (Fig. 166).

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Figure 166 : Formation de produits biaryliques à partir des complexes Au(I) 357 et Au(III) 358

De plus, pour mieux comprendre les intermédiaires précisément impliqués dans cette réaction catalytique, la préparation de nouveaux complexes Au(I) et Au(III) cationiques avec l’ion fluorure comme ligand a été essayée. Les complexes Au(I) 356 et Au(III) 358 ont été mis en réaction avec un équivalent de fluorure d’argent, malheureusement dans le cas du complexe Au(I) 356, un mélange inexploitable de complexes a été observé avec plusieurs signaux en RMN 31P et 19F. Dans le cas du complexe Au(III) 358, seule la dégradation a été observée et il n’a pas été possible d’isoler un nouveau complexe Au(III).

A partir de ces expériences stœchiométriques, les deux voies mécanistiques décrites dans la littérature ont pu être validées. Une troisième voie issu d’un échange de ligand entre les complexes Au(I) 357 et Au(III) 358 a pu être également démontrée par la formation du biaryle issu d’une étape d’élimination réductrice de l’intermédiaire Au(III) A. Ces trois voies mécanistiques possibles (Fig. 167) montrent un peu plus la complexité de cette réaction de couplage croisé entre un sel d’aryldiazonium et un acide arylboronique catalysée par un système or-photorédox précédemment décrite par notre groupe, ce qui en fait une spécificité vis-à-vis d’un couplage biarylique standard au palladium.

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Figure 167 : Les trois cycles catalytiques proposés