• Aucun résultat trouvé

Les mécanismes de réparation de l’ADN représentent un intérêt pharmaceutique important puisque leur inhibition conduit à une sensibilisation accrue des cellules tumorales aux rayonnements ionisants et aux agents chimio-thérapeutiques. Le but de

la radiothérapie et de la chimiothérapie est d’induire une multitude de dommages à l’ADN qui ne seront pas réparés pour induire la mort cellulaire par apoptose des cellules cancéreuses. Cependant, les cellules cancéreuses ont développé des mécanismes de résistance à ces différents traitements en sur-activant la signalisation des dommages à l’ADN et en accumulant de nombreuses mutations au niveau des gènes codant pour les principaux acteurs de la DDR.

2.1 La chimiothérapie en 1ère ligne de traitement

La chimiothérapie est un traitement comportant l'administration d’agents chimiques qui agissent sur les cellules cancéreuses, soit en les détruisant, soit en inhibant leur prolifération. On retrouve différents agents chimiques tels que l’Etoposide, la Bléomycine, le Cisplatine, la camptothécine ou encore la doxorubicine.

L’Etoposide et la doxorubicine sont des inhibiteurs de la Topoisomèrase II qui vont induire des DSBs. La camptothécine agit comme poison de la topoisomérase I. Elle se fixe au niveau de l’ADN empêchant ainsi la réplication en créant des lésions

irréparables de l’ADN. La bléomycine est un antibiotique cytotoxique produit par une

souche de Streptomyces verticillus. Son mécanisme d'action est similaire aux autres agents chimiques. Il agit essentiellement par atteinte directe de l’ADN sous forme de cassure simple ou double brin.Le cisplatine se fixe sélectivement sur l'ADN via des liaisons fortes et induit un changement de conformation de la double hélice de l'ADN. Ce changement de conformation inhibe la réplication et la transcription de l'ADN induisant ainsi la mort cellulaire.

Cependant la chimiothérapie est source d’effets secondaires non désirables chez de nombreux patients. Par exemple, la Doxorubicine est néphrotoxique, neurotoxique et cardiotoxique (Zhang et al., 2012). Ces différents traitements seuls ne sont pas toujours suffisants pour éradiquer totalement les cellules cancéreuses puisque celles- ci peuvent devenir chimiorésistantes. Ainsi, la recherche fondamentale sur les modes de fonctionnement des différentes voies de signalisation de la réparation des DSBs est indispensable à l’élaboration de nouveaux traitements anti-cancéreux. Au cours de ces dernières années, la recherche fondamentale a permis de développer de nouveaux traitements ciblant spécifiquement les acteurs principaux de la réparation des dommages à l’ADN, les kinases ATM et DNA-PKcs.

2.2 Les différents inhibiteurs des kinases de la famille PIKK

Cette stratégie de traitement est remarquablement efficace en combinaison avec la chimiothérapie et la radiothérapie.

2.2.1 Inhibiteur de la kinase ATM

Les différents inhibiteurs de la protéine kinase ATM sont regroupés dans la table n°5.

En ce qui concerne le KU55933, celui-ci a été identifié et caractérisé par Hickson et al., en 2004. Dans cette étude les auteurs montrent que les cellules traitées avec le KU-55933 sont sensibilisées aux radiations ionisantes et aux cassures double brin induites par l’Etoposide, la Doxorubicine ou encore la camptothécine. Ils montrent également que la présence de cet inhibiteur ne bloque pas le cycle cellulaire en présence de DSBs. De plus, la spécificité de cet inhibiteur est démontrée puisque les cellules « AT » ayant un disfonctionnement de la protéine kinase ATM ne montrent pas de sensibilité aux radiations ionisantes ni une quelconque incidence au niveau des checkpoints du cycle cellulaire en présence de DSBs (Hickson et al., 2004).

L’inhibiteur KU-60019 est quant à lui une forme optimisée du KU-55933 (plus soluble), cependant sa biodisponibilité est faible. L’équipe de Biddlestone-Thorpe et al., a montré que l’injection de cet inhibiteur directement dans les xénogreffes de gliome chez la souris se traduisait par une augmentation du temps de survie par rapport aux souris n’ayant pas reçu le traitement. De plus, les gliomes possédant une forme mutée de la protéine P53 sont beaucoup plus sensibilisés aux radiations ionisantes par rapport aux gliomes ayant la protéine P53 sauvage. Ainsi, KU-60019 pourrait être un bon adjuvant à la radiothérapie chez les patients atteints de tumeurs du cerveau avec la protéine P53 mutée (Biddlestone-Thorpe et al., 2013).

Le KU-559403 est le premier inhibiteur puissant et sélectif de la kinase ATM avec assez bonne solubilité et la biodisponibilité pour permettre les études in vivo. Cet inhibiteur confère une radiosensibilité in vitro considérablement augmentée de l'activité anti-tumorale de l'Etoposide dans des modèles de xénogreffes (Batey et al., 2013).

Table 5 : Liste des principaux inhibiteurs de la kinase ATM et leurs caractéristiques (d’après Weber et Ryan, 2015)

2.2.2 Inhibiteur du complexe multi-protéique DNA-PK

L’inhibition du complexe DNA-PK peut se faire par trois mécanismes différents. Le premier mécanisme met en jeu l’ARN interférence et permet la diminution de l’expression de la sous unité catalytique DNA-PKcs. En effet, des expériences réalisées in vitro et in vivo montrent que le miR-101 cible la DNA-PKcs sur l’extrémité 3’UTR des ARNm codant cette protéine diminuant ainsi le niveau d’expression de DNA-PKcs (Yan et al., 2010). Ce mécanisme est également impliqué dans l’inhibition de la kinase ATM. Le deuxième mécanisme est le blocage des autophosphorylations de la sous unité catalytique DNA-PKcs. Pour cela, un criblage a permis de déterminer

spécifiquement des anticorps dirigés contre les différents clusters de DNA-PKcs. Ces différents anticorps sélectionnés confèrent une radiosensibilité accrue aux radiations ionisantes et une diminution de l’activité kinase (Du et al., 2010). Le troisième mécanisme module l’activité kinase de DNAPKcs. Deux agents sont responsables de ce mécanisme d’inhibition. Il s’agit de la Chlorambucile (Willmore et al., 2008) et la mitoxantrone qui sont très efficaces sur certaines leucémies (Elliott et al., 2011). La mitoxantrone est un inhibiteur de la topoisomérase de type II et la Chlorambucile se lie aux Guanines afin de former un pont inter-brin grâce à des liaisons très stables empêchant la réplication de l'ADN. Ceci entraine la mort cellulaire par apoptose des cellules cancéreuses. Pour finir, l’expression de la protéine KU est également dérégulée dans de nombreux cancers. Son niveau d’expression est considéré comme un marqueur prédictif pour la réponse aux radiations ionisantes lors des radiothérapies (Komuro et al., 2002).

2.2.3 Inhibiteur des voies de réparation NHEJ et HR

Les kinases ATM et DNA-PKcs ne sont pas les seules cibles des traitements anti-cancéreux. En effet, les protéines Mre11, Rad51 et la ligase IV sont aussi ciblées par des agents chimiques pour éradiquer les cellules cancéreuses. En ce qui concerne la protéine Mre11, la Mirin1 (ou Z-5-(4-hydroxybenzylidene)-2-imino-1,3-thiazolidin-4-

one) exerce son action sur l’activité endonucléase de Mre11 et empêche l’activation

de la kinase ATM par le complexe MRN (Dupré et al., 2008). Le NU6027 inhibe la protéine Rad51 dans les cellules cancéreuses du sein et de l’ovaire. C’est aussi un inhibiteur de la kinase ATR (Peasland et al., 2011). Pour terminer, le SCR7 inhibe la réparation des cassures double brin par NHEJ en se fixant sur le domaine de fixation à l’ADN de la ligase IV. Ceci empêche la fixation de la ligase IV au niveau des DSBs inhibant ainsi sa fonction de ligase. De plus, SCR7 empêche la progression tumorale dans des modèles de souris quand il est co-administré avec des thérapeutiques qui induisent des cassures double brin en potentialisant les effets de la radiothérapie (Srivastava et al., 2012) .