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2/ La recombinaison homologue ou HR

2.1.2 Le complexe MRN

La première étape de la recombinaison homologue est la reconnaissance des extrémités libres issues des cassures double brin par un complexe hétéromérique Mre11-Rad50-NBS1 (MRN) (De Jager et al., 2001). NBS1 permet d’une part, le recrutement de la kinase ATM au niveau des sites endommagés et d’autre part son activation. Suite à cette interaction, ATM s’auto-phosphoryle notamment au niveau de la Sérine 1981 (Bakkenist et Kastan, 2003) puis phosphoryle de très nombreux substrats dont H2AX qui contribuera au recrutement des protéines de réparation pour former ainsi les foyers DDR.

Initialement, les gènes codant les différents composants du complexe MRN ont été découverts chez la levure et plus précisément dans des souches mutantes de

Saccharomyces cerevisiae qui étaient hypersensibles aux agents endommageant

l’ADN. En ce qui concerne la protéine Rad50 (pour Radiation sensitive 50), il a été établi en 1970 lors d’une conférence internationale sur la génétique des levures que les loci conférant une sensibilité accrue aux rayons X porteraient le symbole rad (Game et Mortimer, 1974). Pour la protéine Mre (Meiotic recombinaison 11), elle a été isolée à partir de souches mutantes présentant un défaut de fonctionnement pour la recombinaison méiotique (Ajimura et al., 1993)

Le complexe MRN est indispensable pour la maintenance de l’intégrité génomique et principalement pour la réponse aux cassures double brin puisque des mutations dans n’importe quelle protéine du complexe génèrent des troubles génétiques, une hypersensibilité aux radiations ionisantes et surtout une instabilité génétique.

2.1.2.1 La protéine Mre11

La protéine Mre11 est une nucléase de 708 acides aminés caractérisée par plusieurs domaines fonctionnels (Figure 14A). Au niveau de la région N-terminale, on retrouve plusieurs motifs phosphoestérase lui conférant son rôle de nucléase. En effet, ces motifs permettent à Mre11 d’hydrolyser des résidus phosphoesters au niveau de l’ADN. Mre11 est la protéine centrale du complexe MRN puisqu’elle peut former différents complexes avec les protéines Rad50 et NBS1 (Usui et al.,1998 ; Desai- mehta et al., 2001). Au niveau N-terminal, on retrouve également deux motifs responsables de l’homodimérisation de Mre11. En effet, pour être active, celle-ci a

besoin de se dimériser. Cette dimérisation formera un complexe en forme de U (Hopfner et al., 2001) (Figure 14B) et permettra sa fixation au niveau de l’ADN et l’interaction avec les autres membres du complexe. Mre11 peut former des homodimères mais également des tétramères au sein du complexe MRN. Pour finir, son domaine N-terminal permet l’interaction avec la protéine NBS1. Au niveau de la région C-terminale, on retrouve le domaine d’interaction avec la protéine Rad 50 entouré de deux domaines de fixation à l’ADN. La protéine Mre11 possède plusieurs activités enzymatiques. D’une part, elle possède une activité de dégradation exonucléolytique de 3’ vers 5’ au niveau des cassures double brin de l’ADN ce qui facilite la réparation des DSBs (Paull et Gellert, 1998). Dans cette étude, les auteurs ont montré in vitro que Mre11 possédait une activité exonucléase et que celle-ci augmentait quand Mre11 était complexée avec la protéine Rad50. D’autre part, Mre11 possède aussi une activité endonucléase mais cette fois-ci au niveau des simples brin de l’ADN. En effet, plusieurs études effectuées chez Saccharomyces cerevisiae ont démontré plusieurs rôles pour la protéine Mre11.

Figure 14 : Structure de la protéine Mre11. A : Représentation schématique des différents domaines de Mre11. B : Représentation d'un homodimère de Mre11 (Rupnik

et al., 2010)

Premièrement, l’équipe a démontré grâce à l’utilisation de mutants ponctuels que la mutation Mre11D16A menait à l’abolition de l’activité exonucléase de Mre11 et que des protéines tronquées au niveau de la région C-terminale possédaient une activité enzymatique exonucléase intacte alors que leur capacité à se fixer au niveau de l’ADN était fortement altérée (Furuse et al., 1998). Deuxièmement, l’équipe de Usui en 1998 a démontré un rôle de Mre11 dans la formation des cassures double brin pendant la

méiose. Pour compléter, une revue qui résume les différents rôles de Mre11 chez Saccharomyces cerevisiae, en décompte au total 7 dont un rôle dans la maintenance des télomères, dans la recombinaison non homologue et homologue mais également un rôle au cours de la méiose (Haber, 1998).

Finalement, il a été proposé que Mre11 permettrait d’induire une cassure simple brin au niveau de l’ADN via son activité endonucléase puis digérerait l’ADN vers la cassure double brin via son activité exonucléase. En effet, une très belle étude utilisant les rayons X et la structure cristallographique de Mre11 a démontré que l’activité endonucléase de Mre11 permet l’ouverture de la double hélice de l’ADN alors que son activité exonucléase facilite la production d’un ADN simple brin facilitant ainsi l’accès aux protéines de réparation telles que les protéines RPA (Williams et al., 2008).

2.1.2.2 La protéine Rad 50

La protéine Rad 50 est une ATPase de 1312 acides aminés faisant partie de la famille SMC pour Structural Maintenance of Chromosome. Cette famille permet la condensation des chromosomes. D’un point de vue structure, cette protéine possède deux motifs de Walker A et B au niveau de la région N et C-terminale respectivement (Figure 15A). Ces motifs sont conservés et sont caractérisés par la présence de séquence consensus : G-x(4)-GK-[TS], où G, K, T et S représente respectivement une Glycine, une Lysine, une Thréonine et une Sérine pour le motif de Walker A, et [RK]- x(4)-G-x(4)-LxxxD, où R, K, G, L et D représente respectivement une Arginine, une Lysine, une Glycine, une Leucine et un acide Aspartique pour le motif de Walker B (Walker et al., 1982). Ces motifs sont importants pour l’activité ATPasique de Rad50 (Chen et al., 2005) et formeront la tête globulaire de la protéine. La liaison d’une molécule d’ATP au niveau de ces domaines induit un changement de conformation de la protéine Rad50. Une très grande région centrale en forme de double spirale appelée « coiled coil » sépare les deux domaines Walker A et B. Au centre de celle-ci se trouve un motif conservé et spécifique CXXC. Ce motif est au cœur d’une région charnière en forme de crochet qui permet à la protéine de se replier sur elle-même et d’adopter une conformation spatiale particulière et spécifique de la protéine Rad50 (Figure 15B). Les domaines « coiled coil » interagissent entre eux de façon antiparallèle. Ce repliement permet également de rapprocher les domaines Walker A et B pour former

d’interaction avec la protéine Mre11. Ainsi, le repliement de la protéine Rad50 via le domaine charnière permettra de rapprocher les domaines ATPasique de Rad50 des domaines d’interactions avec Mre11 qui comme décrit précédemment, est dépendante de l’ATP (Paull et Gellert, 1999).

La région charnière est dépendante du zinc et permet également la dimérisation de la protéine via le motif XCCX (Hopfner et al., 2001). Une étude chez la levure a montré que des mutations au niveau de ce motif conduisent à une sensibilité accrue aux radiations ionisantes et affectent fortement l’interaction avec la protéine Mre11 (Hopfner et al., 2001). Ainsi, la conformation spatiale de chaque protéine au sein du complexe MRN est importante pour la fonctionnalité de ce complexe. Rad50 complexée avec la protéine Mre11 atteint une taille critique de 1.3MDa. En fonction du ratio molaire des différentes protéines du complexe MRN, on peut observer la formation de différents complexes (pour revue, Rupnik et al., 2010). Par exemple, Chen et al., en 2001 ont purifié chez la levure le complexe MRN et ont déterminé un ratio 2.2.1, ce qui signifie la formation d’un complexe composé de 2 protéines Mre11, 2 protéines Rad50 et 1 protéine NBS1.

Figure 15 : Structure de la protéine Rad50. A : Représentation schématique des différents domaines de Rad50. B : Dimérisation de la protéine Rad50 via son domaine charnière dépendant du zinc.

2.1.2.3 La protéine NBS1

NBS1 est une protéine nucléaire ubiquitaire composée de 754 acides aminés. Celle-ci possède deux domaines fonctionnels en N et C-terminal respectivement. Contrairement aux deux autres membres du complexe MRN, la protéine NBS1 ne possède pas d’activité enzymatique mais agit en tant que protéine régulatrice du complexe MRN. Au niveau de la région N-terminale, on trouve un domaine FHA (Fork

domaine FHA a été caractérisé chez des facteurs de transcription et au niveau de protéines kinases (Hofmann et Bucher, 1995). Ce domaine permet la reconnaissance de motifs phosphorylés au niveau de protéines régulatrices et plus précisément il reconnait les Thréonines ou les Sérines phosphorylées. Les domaines FHA et BRCT sont requis pour l’interaction avec la protéine H2AX (Kobayashi et al., 2002). En effet, Kobayachi a montré par l’utilisation de protéines recombinantes que ces domaines sont essentiels à l’interaction physique entre les protéines NBS1 et H2AX puisque la perte de ces deux domaines empêche cette interaction. Ces domaines sont également impliqués dans l’interaction avec la protéine MDC1 (Chapman et Jackson, 2008) au niveau des domaines H2AX (Figure 13). En effet, Chapmann a montré que la protéine MDC1 phosphorylée induit directement l’interaction avec NBS1 par les domaines BRCT et FHA via un motif phospho-Sérine. Ces deux domaines sont donc importants pour la stabilité génomique puisque la perte d’un de ces deux domaines entraine une sensibilité aux agents endommageant l’ADN.

La région C-terminale est impliquée quant à elle, dans l’interaction avec d’autres protéines. En effet, au niveau de son extrémité on retrouve plusieurs courts motifs peptidiques responsables des interactions protéine-protéine. Premièrement, un court motif de 8 acides aminés situé entre les positions 683 et 691 est responsable de l’interaction avec la protéine Mre11 et deuxièmement un motif un peu plus grand situé entre les positions 734 et 784 permet l’interaction avec la protéine kinase ATM (Falck et al., 2005). Grace à des études de protéomique, l’équipe de Jacob Falck a démontré que seulement 20 acides aminés situés au niveau de la région C-terminale étaient suffisants pour interagir avec la protéine kinase ATM.

En plus de ces deux courts motifs, la région C-terminale de la protéine NBS1 est le siège d’interaction avec 3 autres protéines au niveau de régions conservées chez les vertébrés (Figure 16). En effet, on retrouve un domaine d’interaction pour la protéine Rad18, RPA et aussi RNF20 (Komatsu, 2016).

En fonction de ces interactions, la protéine NBS1 joue de nombreux rôles au niveau cellulaire. D’une part, elle permet le remodelage de la chromatine au niveau des DSBs grâce à l’action de la protéine RNF20. Elle permet également la synthèse d’ADN via la protéine Rad18 et d’autre part, elle permet la régulation des points de contrôle de cycle cellulaire en réponse aux DSBs par l’action de la kinase ATM. Malgré le fait que la protéine NBS1 ne possède pas d’activité enzymatique, elle est considérée comme la protéine régulatrice du complexe MRN. En effet, celle-ci permet d’une part aux protéines Rad50 et Mre11 d’être localisées au niveau nucléaire puisque seule la protéine NBS1 possède plusieurs domaines de localisation nucléaire (NLS) au niveau de sa structure peptidique (Figure 16). NBS1 permet la localisation nucléaire du complexe MRN mais également la formation de foyers DDR après l’induction de DSBs par irradiation (Desai-mehta et al., 2001). D’autre part, NBS1 stimule l’activité des protéines Rad50 et Mre11 (Lee et al., 2003; Paull et Gellert, 1999). Dans l’étude de Lee et al., les auteurs montrent que la protéine NBS1 régule la fonction de Rad50 en modulant l’activité de fixation au niveau de l’ADN et que la région C-terminale de la protéine NBS1 était suffisante pour stimuler l’activité du complexe MRN en réponse aux DSBs.